Une petite panne sexuelle, un quiproquo, et le couple Chandebise, entraînant famille et amis, se retrouve embarqué dans le carrousel cauchemardesque de l’Hôtel du Minet Galant, une maison de rendez-vous tenue par un ancien militaire, où à la moindre alerte les murs pivotent et les lits s’escamotent...
Loin de toute complaisance boulevardière mais au plus près du rire de Feydeau, Stanislas Nordey dirige avec précision la mécanique horlogère du vaudeville et en débusque avec bonheur les fantasmes les plus surréalistes et les plus inattendus.
Feydeau est pour moi celui qui a su peut-être le mieux, au cours du siècle précédent, explorer la vie du cauchemar éveillé, de la fantaisie inquiétante sans limites de vraisemblance. Le deuxième acte de La Puce à l’oreille est sans conteste un chef-d’œuvre de «nonsense», une mécanique théâtrale maîtrisée d’abord puis qui s’emballe au point de verser dans le fossé.
Un homme, Chandebise, ne peut plus honorer sexuellement sa femme. Celle-ci le piège car elle le croit infidèle. Le hasard et l’absurde s’en mêlent lorsque à l’hôtel du Minet Galant où le pauvre homme se retrouve, surgit son sosie, présence aggravant le gouffre déjà entrouvert. Ce même sosie en une ultime pirouette sautera par la fenêtre du premier étage comme par enchantement et disparaîtra à jamais. À la toute fin de la pièce, Chandebise promet à sa femme, qui à la suite de ses défaillances sexuelles lui avait dit avoir «la puce à l’oreille», qu’il tuera la puce ce soir. Enfin «j’espère» conclut-il, la pièce se terminant par une interrogation en suspens.
Kafka et les Marx Brothers sont mes plus proches compagnons dans l’élaboration de la scénographie et de la dramaturgie. Feydeau inventait des machines, ce sont le démontage et l’assemblage de ces mécanismes qui m’intéressent.1907, la Belle Époque, un nouveau siècle, une avant-veille de premier conflit mondial, Paris. Il va de soi que notre recherche portera aussi sur la provenance de cette voie-là, sur le mystère de ces pièces dont le cadre était souvent des appartements bourgeois du Boulevard des Capucines ou du Boulevard Haussmann et dont les représentations se déroulaient à quelques centaines de mètres de là sur les boulevards.
Du rire il sera question sans doute car dans notre imaginaire comme dans celui du spectateur, il est le premier témoin convoqué à l’évocation de ce théâtre-là.
Stanilas Nordey
4, place du Général de Gaulle 59026 Lille