8 octobre 1967. Le Che s'apprête à vivre sa dernière nuit. Quelques heures avant son exécution, « El Commandante » va faire une étrange rencontre : un journaliste d'aujourd'hui venu interroger cette personnalité hors normes. Au fur et à mesure de leur brûlant entretien se dessine une image du Che loin de celle véhiculée par les produits dérivés à son effigie : un homme complexe, ni monstre sanguinaire ni surhomme romantique.
Un spectacle qui éclaire d'un autre jour une personnalité qui, qu'on le veuille ou non, fait partie de notre histoire... Icône romantique, ou bourreau sanguinaire ? Héros de la jeunesse, quel idéal trouve-t-elle en lui, et sait-elle seulement vraiment qui il est ? Révolutionnaire utopiste, mais au prix de quels sacrifices ?
Le Che redevient un homme de chair et de sang, interrogé à vif, quelques heures avant sa mort...
Le texte de José Pablo Feinmann met en présence, dans un contexte singulier - la petite école de la Higuera en Bolivie dans laquelle Che Guevara a été assassiné le 9 octobre 1967 - deux personnalités particulières. L’une charismatique est mondialement connue : Ernesto Che Guevara. L’autre anonyme est un journaliste : Andrès Cabreira.
Ce dernier a reçu une bourse de la Fondation Guggenheim pour son projet : raconter ce qui s’est passé lors des 48 heures qui ont suivi l’arrestation de Che Guevara en Bolivie et son exécution : « dire ce que personne ne sait ». L’écriture et la dramaturgie de Feinmann ont l’acuité et la virtuosité propres aux grands textes de théâtre, avec une intelligence d’auteur ne faisant du Che ni une icône, ni un monstre assoiffé de sang.
Le fait même qu’un historien de notre époque, avec les questions qui sont les nôtres aujourd’hui, puisse dialoguer avec Che Guevara campé dans les certitudes et les incertitudes de son temps, relève d’un pur trait de génie théâtral.
La rapidité des dialogues, leur concision soutenant les échanges brillants des protagonistes, reposent de plus sur une construction qui permet au rêve de se déployer. Hormis Che, les autres acteurs, à partir de leur rôle principal, joueront d’autres personnages qui comptèrent dans la vie de Guevara. Et là nous abordons au rivage d’un théâtre sud-américain à la fois très structuré et libre en son mystère par les vertus conjuguées de l’onirisme et de la réflexion sur l’histoire.
Il y a longtemps que je m’irritais de voir Che réduit à une image pour tee-shirt. Enfin, il parle. Ce qu’il a à nous dire sans prosélytisme ni didactisme, éclaire d’un autre jour sa personnalité. Pour interpréter Che Guevara, Olivier Sitruk est apparu comme une évidence. Il y a à la fois son jeu de comédien et sa silhouette, fine, racée, brune avec un mélange de fragilité et de détermination dans le regard et l’attitude.
Pour le personnage de Cabreira, je cherchais une opposition parfaite de silhouette et de voix. Jacques Frantz, avec lequel depuis quelques années nous nous étions promis de travailler ensemble, est arrivé sur ce projet pour notre plus grand bonheur. Il y a sa force brute de roc, sa célèbre voix de basse, et surtout sa manière de donner corps aux personnages qu’il interprète.
Ces deux comédiens remarquables donnent à ce dialogue une résonance démultipliée, avec également les très beaux interprètes que sont Guillaume Lanson, Laure Vallès et François Santucci.
Ce texte soulève la large question de la violence tant du point de vue politique et idéologique bien sûr, mais également sur le plan profond de la condition de l’être humain, du point de vue personnel et privé. Au fil de cette dialectique puissante, c’est à se demander qui de Che Guevara ou du journaliste renferme en lui la véritable violence ? Celui qui pose les questions ou celui qui est interrogé ?
Gérard Gelas
31, rue de la Gaîté 75014 Paris