Le Nouvel Ordre socio-affectif selon Houellebecq

du 3 mars au 10 avril 2005
60 minutes

Le Nouvel Ordre socio-affectif selon Houellebecq

" Parmi les différents sujets abordés par Michel Houellebecq (l'entreprise moderne, le progrès, la littérature, le tourisme de masse, etc.), je me suis penchée sur une des thématiques majeures qui hante son œuvre, à savoir les rapports amoureux de l'homme occidental. Plus précisément, l'indifférenciation des êtres et l'impossibilité d'amour aujourd'hui. J'ai voulu mêler passé et présent ; le regret des amours perdues et le monde d'aujourd'hui, celui du sans amour. " Christine Letailleur

Le Paradoxe Houellebecq
Le choix des textes
La mise en scène
Extrait

Poète, essayiste et romancier, Michel Houellebecq est l'un des auteurs les plus discutés aujourd'hui. Avec Les particules élémentaires et Plateforme, il a mis le feu aux poudres. Traduit en 30 langues, il a partout divisé la critique, remué ses lecteurs ou mobilisé la justice. Autant adulé que décrié, l'écrivain reste paradoxalement peu connu. Dominique Noguez est le premier en France a lui avoir consacré un livre et plus récemment Olivier Bardolle. Si en Allemagne Frank Castorf a adapté pour la scène Les Particules élémentaires, le théâtre français ne s'est guère emparé de son œuvre jusqu'à présent.

On traite Houellebecq de réactionnaire, d'homme de droite, de misogyne, de raciste, de provocateur bref de tout sauf d'écrivain. On prend à la lettre tout ce qu'il dit oubliant son humour grinçant et sa liberté, celle de l'écrivain, de pouvoir critiquer tout système philosophique, religieux, littéraire ou autre. On confond ses propos avec ceux de ses personnages de fiction... Le lit-on vraiment ? En effet, Dominique Noguez dénonce dans son ouvrage « la rage de ne pas lire ». On traverse ses textes à l'affût de passages épicés, on se saisit de petites phrases que l'on isole de leur contexte afin de faire un bon scandale, ou mieux encore, un procès.

On lui reproche également d'avoir un style plat, morne. Or, cette « platitude » n'est que le reflet de l'époque. L'effacement progressif des relations humaines dans les pays développés a, pour Houellebecq, des conséquences sur la forme romanesque, le style et l'écriture même. « Nous sommes loin des Hauts de Hurlevent, dit-il dans Extension du domaine de la lutte, des passions fougueuses qui s'étalent sur des années, voire des générations (...), il faut inventer une articulation plus plate, plus concise et plus morne pour peindre l'indifférence et le néant contemporains». Comme Dominque Noguez l'ajoute d'ailleurs il faut distinguer dans sa prose soit-disant plate et morne différents niveaux de lectures, différents niveaux de langues et un ton nouveau. Enfin, on critique sa manière de parler des femmes, de certaines couches sociales etc., mais cela relève justement de son style. Si on lit Houellebecq, on sait qu'à un moment donné tout le monde en prend plein son grade.

Michel Houellebecq a bel et bien un style, un style qui n'est pas un travail sur la langue mais plutôt un regard. « La poésie n’est pas seulement un autre langage ; c’est un autre regard. Une autre manière de voir le monde, tous les objets du monde (les autoroutes comme les serpents, les fleurs comme les parkings). » Ce regard tend vers une certaine objectivité, en quête de vérité sur l'homme et le monde d'aujourd'hui. Malgré le genre romanesque, Houellebecq se réfère sans cesse à la poésie « La poésie est le moyen le plus naturel de traduire l’intuition pure d’un instant. Il y a vraiment un noyau d’intuition pure qui peut être directement traduit en images ou en mots. Tant qu’on demeure dans la poésie, on demeure également dans la vérité ».

En fait, le scandale Houellebecq c'est d'être réaliste, de peindre avec une cruelle et implacable justesse le temps, les mœurs, les comportements de l'homme contemporain, d'appeler les choses par leurs noms, « un chat un chat, un vagin un vagin et une masturbation le contraire d'une glorieuse partie de plaisir ».

Michel Houellebecq est l'un des auteurs les plus doués de sa génération. Avec humour, il jette un regard féroce et lucide sur les divers aspects de la modernité. Si ses écrits sont emprunts de pessimisme, ils sont cependant porteurs d'espoir. L'espoir d'un autre monde à dimension humaine, d'un monde qui n'est pas derrière nous mais à venir, et c'est en cela que l'on peut le taxer d'utopiste. Si on veut lui chercher un modèle il serait, comme le dit Dominique Noguez, un mélange de Baudelaire et de Fourier.

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Ce qui m’intéresse chez Houellebecq c’est le matériau - poésies, romans, entretiens, réflexions théoriques, citations - et de surcroît un matériau non dramatique qui peut cependant être dit sur scène, être entendu, puisqu’il est une parole sur l’époque. Le montage comprend des textes autonomes : Cléopâtre 2000, Consolations techniques, des entretiens dont Que viens-tu chercher ici, des extraits de roman Extension du domaine de la lutte et Plateforme, des poésies et des citations.

Parmi les différents sujets abordés dans les écrits de l'auteur (l'entreprise moderne, le progrès, le clonage, la littérature, le tourisme de masse notamment sexuel etc), je me suis penchée sur une des thématiques majeures qui hante son oeuvre, à savoir les rapports amoureux de l'homme occidental. Plus précisément, l'indifférenciation des êtres et l'impossibilité d'amour aujourd'hui.

Les textes témoignent de l'effritement, de l'effondrement des relations humaines et mettent en scène la misère affective et sexuelle de l'homme contemporain. L’homme contemporain croupit dans sa solitude, crève par manque d’amour ; la chair est refoulée : « l’idée me vint peu à peu que tous ces gens - hommes ou femmes - n’étaient pas le moins du monde dérangés ; ils manquaient simplement d’amour. Leurs gestes, leurs attitudes, leurs mimiques trahissaient une soif déchirante de contacts physiques et de caresses ; mais naturellement, cela n’était pas possible. Alors ils gémissaient, ils poussaient des cris, ils se déchiraient avec leurs ongles […]11 ». Ces textes montrent également que la sexualité suit la même logique que le libéralisme - individualisme, compétitivité, narcissisme - et que les valeurs comme la bonté, le don de soi sont évacués. En opposition avec la cruauté de la réalité, j'ai choisi de faire entendre en voix off des textes évoquant le plaisir charnel afin de créer un autre imaginaire. Par ce montage, j'ai voulu mêler passé et présent ; la nostalgie des désirs perdus et le monde d'aujourd'hui celui du sans amour. Et donner ainsi une dimension sensible à cette forme.

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Pour faire entendre ces textes, mon souci est tout d'abord celui de l'espace. Trouver un espace intime, proche des spectateurs, propice à l'aveu et à la confession : un espace qui pourrait être clandestin. Cet espace est celui là même de la pensée en train de se faire. L'acteur, qui pourrait être l'auteur, nous avons travaillé à cette ambiguïté là, pense à haute voix, dialogue avec lui-même, nous livre ses réflexions sur le monde, dresse des constats, élabore des théories, fait des confidences, rêve de plaisirs charnels et se souvient de ses amours perdus - les souvenirs de la femme aimée sont en voix off comme si nous pénétrions au plus profond de l'intimité de l'auteur ; de l'indicible. De plus, ils créent un espace imaginaire : celui du désir, du fantasme, du rêve.

L’acteur sera un passeur du texte et fera ressortir l'humour, la désinvolture, l'énervement de l'écrivain face au désenchantement du monde. Montrer l'homme, le poète, l'écrivain avec son désespoir (notre désespoir ordinaire) sans le parodier.

Christine Letailleur

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Ton regard, bien aimée, me portait dans l’espace
Tes yeux étaient si tendres et je n’avais plus peur
Au milieu des courants et des cristaux de glace,
Le doux flot de la joie faisait battre mon cœur.

Au milieu du danger mon âme était sereine
L’homme déchirait l’homme, plein de hargne et de haine,
Nous vivions un moment redoutable et cruel
Et le monde attendait une parole nouvelle.

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