Le Retour de Sade

du 5 mars au 2 avril 2005

Le Retour de Sade

Bernard Noël ressuscite le marquis de Sade. Sainte Thérèse d’Avila, Jésus Christ, un homme hibou, un ministre de la lecture nommé Johnny et une papesse sont de la partie. C’est du bien et du mal, de justice et de purification dont il sera question. Un théâtre baroque où le réalisme enfantin peut traiter sans gêne de toutes les horreurs du monde.

Sade ressuscité
Note de l'auteur

Qu’est-ce que le mal ?
Note de mise en scène
Thérèse d’Avila (1515-1582)

Bernard Noël ressuscite le marquis de Sade. Sainte Thérèse d’Avila, Jésus Christ, un homme hibou, un ministre de la lecture nommé Johnny et une papesse sont de la partie. C’est du bien et du mal, de justice et de purification dont il sera question. Un théâtre baroque où le réalisme enfantin peut traiter sans gêne de toutes les horreurs du monde.

Le Retour de Sade a été écrit en 2004. La pièce est inédite.

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Une autorité religieuse, la plus haute bien sûr, réclame le retour de Sade. Rien de plus simple : il suffit de téléphoner à madame d’Avila, qui récupèrera la tête autrefois dérobée à l’illustre défunt et la déposera sur sa tombe.

La résurrection ensuite va de soi et elle développe un tel naturel que le mort se conduit comme un vivant parmi les vivants sans provoquer chez eux aucun soupçon. Les problèmes viendront d’ailleurs : le mort-vivant se prend toujours pour un auteur scandaleux alors que les vivants-vivants s’amusent de ses livres comme d’énormes bouffonneries.

Mais c’est oublier qu’en faisant rire du pouvoir, les bouffons en préparent la chute, que celle-ci peut les conduire à prendre la place des papes, des rois, des présidents… ou même d’un dieu.

Bernard Noël

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Qu’est-ce que le mal ? Il n’y a que l’oeuvre de Sade pour autoriser d’emblée pareille question, aussi bien du fait de sa réputation que par le trouble qu’occasionne en général sa lecture. D’ailleurs, Sade lui-même encourage à cette question en prêtant au duc de Blangis, personnage principal des 120 Journées de Sodome, la déclaration suivante : « Moi qui vous parle, j’ai bandé à voler, à assassiner, à incendier et je suis parfaitement sûr que ce n’est pas l’objet du libertinage qui nous anime, mais l’idée du mal ; qu’en conséquence, c’est par le mal seul qu’on bande et non pas pour l’objet, en telle sorte que si cet objet était dénué de la possibilité de nous faire faire le mal nous ne banderions plus pour lui. »

Le propos est clair, mais n’a plus pour nous l’effet qu’il a pour Blangis de lui « échauffer la cervelle » parce que morale et antimorale ont fini, aujourd’hui, par se rejoindre. Quant à lutter contre Dieu avec notre sexe, à quoi bon ? Dieu est bien mort malgré les grimaces paternelles que ses spectateurs désolés tirent ces temps-ci de son cadavre. Restent bien sûr les violences à profusion commises page après page, et qui conservent l’efficacité d’être criminelles et antisociales, mais sont-elles le mal ? Elles en ont tellement l’air que, sans plus attendre, on aimerait leur accorder cette identification mais un doute fait pourtant reculer ce jugement : un doute d’autant plus désagréablement suspensif que, dans la débandade des certitudes et des valeurs, je croyais du moins pouvoir m’affirmer que l’avènement de la société laïque n’avait laissé au mal qu’une forme possible : la violence.

Bernard Noël, Préface aux Cent Vingt journées de Sodome
Éditions P.O.L

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Avec Bernard Noël, toujours cette attente d’une vérité née de la colère. Avec Bernard, toujours un long silence, avant que l’éclair n’ouvre le ciel en plusieurs parties. Après avoir traqué la chaîne qui conduisait à une bavure policière (La Reconstitution) ou après avoir été saisi par l’abîme d’un trou de mémoire, comme une amnésie de sa propre histoire (Le Syndrome de Gramsci), cette fois-ci, voilà que Bernard Noël se met à ressusciter le marquis de Sade.

J’avais adapté et mis en scène, il y a quelques années, Français encore un effort pour être républicains de D.-A.-F. de Sade, le désir de Bernard ne pouvait donc que trouver forte résonance en moi.

J’avais forcément une terrible envie d’entendre Donatien-Alphonse-François venir nous balancer nos quatre vérités. De plus, quand j’ai su que Sainte Thérèse d’Avila, Jésus Christ, un homme hibou, un ministre de la lecture nommé Johnny et une papesse seraient de la partie, l’excitation n’a fait que croître. C’est du bien et du mal, de justice, de purification de ce monde dont il sera question.

Au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre, ces illustres morts-vivants se livreront un combat où les coups de théâtre ne manqueront pas. Le théâtre qui sera ce lieu où les morts viendront nous visiter et nous avertir de l’absence ou du trop-plein de sens de ce monde.

Le Retour de Sade crée un théâtre baroque où le réalisme enfantin peut traiter de toutes les horreurs de ce monde sans gêne. Le pouvoir est au cœur de cette pièce bouffonne, où homme sans tête, visage emplumé, rivalisent avec des femmes en lévitation. Il y a dans la pièce de Bernard Noël des surprises d’univers et des vertiges de langue qui voisinent avec Shakespeare et Jean Genet.

Mettre en scène Le Retour de Sade, ce serait faire rebondir le monde comme on le ferait avec un ballon. Les secousses seront invisibles. Mais le théâtre encaissera pas mal de coups et s’en relèvera chaque fois avec une espèce de rire jaune.

Charles Tordjman

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Le fait que Thérèse d’Avila, qui par là se trouve être la première bénéficiaire de ce titre magistral, ait été récemment proclamée « docteur de l’Église » souligne la valeur exceptionnelle et toujours actuelle de la spiritualité de cette moniale castillane du XVIe siècle.

Sa riche personnalité a séduit ceux qui l’ont approchée de son vivant et séduit toujours ceux qui, même n’étant pas chrétiens, ont appris à la connaître par ses écrits, par ses traités et, plus encore, par ses lettres. Elle occupe par ailleurs une place de choix dans la littérature de son pays. Le redressement dogmatique, moral et disciplinaire promu par le Concile de Trente, le réveil chez les catholiques traumatisés par la sécession protestante, d’une religion intérieure fondée sur l’Évangile ont été puissamment secondés par ce que cette femme a su faire partager à ses contemporains de son expérience personnelle de Dieu. À l’époque présente, son message continue de répercuter celui du prophète Élie, père spirituel du carmel : « Il est vivant, le Seigneur devant qui je me tiens. » (I Rois, XVII, I). La survivance de l’esprit de Thérèse d’Avila a été assurée par la réforme, en 1562, de l’ordre antique du Carmel, dont la branche thérésienne compte aujourd’hui, à travers le monde, quinze mille moniales et environ quatre mille religieux, soucieux d’une fidélité attentive aux idées directrices de leur réformatrice, par-delà ce qui dans sa
personnalité ou dans son oeuvre n’était que le reflet transitoire d’un pays ou d’une époque.

Pierre Serouet
Chargé de recherche au CNRS

Certains s’avisent… de rapprocher le château intérieur de sainte Thérèse d’Avila des constructions sadiennes… « le château de l’âme a bien des points communs avec ce château de la chair qu’est le château sadien », ne craint pas, en effet, d’affirmer Béatrice Didier*… (retrouvant) chez Sade comme chez Thérèse d’Avila, une même architecture concentrique, abritant une nécessité de l’intériorité et un même désir d’absolu. Ce rapprochement a le mérite de matérialiser, plutôt de figurer, non seulement la tradition d’une lecture religieuse de Sade, mais le renforcement de cette tradition.

Ici, je pense bien sûr à Swinburne et à sa fameuse Apologie de Sade : « Approchez et vous entendrez palpiter dans cette charogne boueuse et sanglante les artères de l’âme universelle, des veines gonflées de sang divin. Ce cloaque est tout pétri d’azur ; il y a dans les latrines quelque chose de Dieu. »

Je pense bien sûr à Pierre Klossowski annonçant en épigraphe à son essai Sade mon prochain : « Si quelque esprit fort se fût avisé de demander à saint Benoît Labre ce qu’il pensait de son contemporain le marquis de Sade, le saint eût répondu sans hésiter : “C’est mon prochain”. »

Annie Le Brun
Soudain un bloc d’abîme, Sade

* Sade, Éditions Denoël-Gonthier, Paris, 1976

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