Lorsque nous naissons, nous pleurons d’apparaître sur ce grand théâtre des fous.
La quête de soi, voilà Lear, la chute horizontale. La pièce raconte l’histoire hors norme d’un souverain, d’un père et d’un homme en rupture. Décidé à se décharger de sa couronne, il met son royaume aux enchères de la tendresse de ses trois filles, Goneril, Régane et Cordélia. La meilleure part doit revenir à la plus aimante. Alors que les deux aînées jouent la carte de la flatterie hypocrite, Cordélia, la cadette, refuse. Lear, furieux et blessé, la déshérite et la chasse. Il forge ainsi le malheur qui l’accable et s’adonne à un paroxysme de rage qui le conduit jusqu’au dénuement au milieu de la lande. L’orage qui s’y déchaîne est à la mesure de la tempête intérieure qui le soulève. Mais le prix de ce voyage initiatique, bien que tardif, est exorbitant. Rien ne lui est épargné de l’abandon, de l’humiliation, de la folie. Lear ou l’expérience du vertige.
Inépuisable et protéiforme matériau théâtral décuplant les possibilités du jeu d’acteur, Le Roi Lear est tout à la fois le sommet et le condensé des grands thèmes de l’œuvre de Shakespeare. Hors du temps, concrète et irrationnelle, la pièce de Shakespeare ravit par son charivari d’espaces, d’abîmes et de cimes, de souffle poétique traversé d’humour et de trivialité. C’est un précipité d’intrigues, de métamorphoses, de trahisons, de naïveté et de perfidie, de tragique et de bouffonneries, qui interpelle sans cesse l’humain.
Cet immense poème dramatique appelait une nouvelle traduction mettant au centre de ses préoccupations l’incarnation, le jeu d’acteurs, un verbe dynamique, violent et moderne. Le rythme donne sens, la phrase convoque les voix humaines, les corps, toute une troupe engagée, treize comédiens tourmentés par le dire, ce dire indispensable pour ne pas être broyé.
Traduction de Dorothée Zumstein.
Place Jacques Brel 78505 Sartrouville