Création Collective d'après la nouvelle Avant-poste du progrès de Joseph Conrad.
Une représentation entre passé et présent, entre Histoire et actualité
Un avant-poste du progrès
Note de mise en scène
La nouvelle de Joseph Conrad, Un avant-poste du progrès, traite, non sans humour, des prémices de la colonisation en Afrique centrale. Une compagnie décide d’adapter ce récit pour la scène : c’est Le Projet Conrad.
Nous sommes en octobre 2008, au moment des “ primaires ” américaines ; le candidat démocrate vient d’être désigné. Nourri de discussions et d’exercices, éclairé de réflexions historiques, le travail théâtral entre en résonance avec la situation présente des anciens colonisés et colonisateurs. Le théâtre est en train de se faire et les nerfs sont à vif…
Enfin survient la représentation : comme dans un laboratoire d’anthropologie, se découvrent les figures et fonctions emblématiques de l’entreprise qui, au nom du progrès, fut menée par l’Occident chrétien : un tableau implacable et aussi bien drolatique, dont le pardon est exclu.
Le projet est abouti et déjà se profile la victoire de Barack Obama, mais les esprits et les cœurs ne sont guère apaisés. Une question demeure : quel chemin pour les enfants issus de cette fracture historique ?
Deux Européens, Kayerts et Carlier, accompagnés du directeur de la compagnie commerciale L’Anversoise, remontent le fleuve Congo à bord d’un petit vapeur et débarquent dans un comptoir destiné à la récolte de l’ivoire.
Les quelques baraques sont gardées par Makola, un Sierra Leonais, gestionnaire et comptable, chargé des relations avec la population indigène. Le précédent responsable du poste est mort des fièvres. À sa suite, Kayerts et Carlier, son adjoint, auront pour mission d’organiser le commerce de l’ivoire et de protéger une dizaine de malheureux qui, comme porteurs, ont été déplacés de leur région d’origine.
Le directeur repart. Le bateau ne reviendra que six mois plus tard. Les deux hommes s’installent et tentent d’aménager leur vie quotidienne. D’un voyage au Congo belge qui l’a bouleversé, Conrad a tiré le célèbre Coeur des ténèbres, et cet Avant-poste du progrès, qui n’est pas une version préparatoire de l’autre, mais son reflet inversé, encore plus étrange et plus trouble à certains égards, une peinture terrible de l’entreprise coloniale et de son échec.
C’est également le portrait inquiétant d’une humanité perdue.
L’aventure Conrad commence en 2006 dans le fil des différents séjours que j’ai effectués sur les bords du Congo, à Brazzaville. C’est là-bas que, connaissant déjà Au Coeur des ténèbres, je découvre le bref récit intitulé Un avant-poste du progrès pour lequel j’imagine aussitôt un traitement dont l’esprit et le mode m’ont toujours passionné, oui, le théâtre en train de se faire sous les yeux du public : une compagnie théâtrale entreprend d’adapter et de mettre en scène la nouvelle de Conrad.
Les spectateurs passeront par trois positions différentes : ils assisteront d’abord, sans y avoir été invités, aux différentes phases du travail théâtral ( première partie ), puis, comme s’ils y étaient conviés, au premier filage ( deuxième partie ) ; enfin, ils seront les témoins indiscrets d’une crise interne au groupe de comédiens.
Conrad, Un avant-poste du progrès, Au Coeur des ténèbres et par-dessus tout l’Afrique, mais aussi les sensations que nous avons eues en ébauchant ce spectacle – dans le cadre des Rencontres à la Cartoucherie 2006 – , sont autant de facteurs qui me paraissent aujourd’hui l’excellente raison d’emprunter à nouveau cette voie plus expérimentale et plus collective qui constitue le fonds de toute pratique théâtrale exigeante.
Les discussions entre les membres de l’équipe artistique ne vont pas sans toucher à la faute du colonisateur ainsi qu’à la souffrance des colonisés d’hier et des immigrés d’aujourd’hui.
Concernant la première partie, nous avons
cependant l’intention :
– de raffiner, non seulement avec humour
mais avec un vrai souci d’authenticité, sur
tout ce qui concerne le travail théâtral, en faisant
bouger sa chronologie, et en mettant en
jeu non seulement des débats et des exercices,
mais aussi de véritables répétitions ;
– d’interroger de plus près Joseph Conrad,
l’écrivain comme l’homme ;
– d’être encore plus précis au plan historique
et de mener plus loin cette dialectique entre
les uns et les autres, Européens et Africains,
Blancs et Noirs, avec pour objectif de vider
le débat. Oui, mais il y aura forcément un
reste…
À la fin de la nouvelle, les deux protagonistes, Kayerts et Carlier, écrasés de culpabilité ne peuvent plus se regarder en face et finissent par s’entretuer.
À cette crise dans
la fiction devrait correspondre, au terme du
premier filage (fin de deuxième partie ), une
crise interne à cette compagnie théâtrale en
pleine création ; il nous faut l’imaginer, l’improviser,
l’écrire et lui donner toute sa force…
Dans cette passe, on ne peut manquer de songer alors à ce que représente, par rapport aux questions abordées au cours de la représentation, l’élection récente du nouveau président des États-Unis.
Philippe Adrien
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.