Le réformateur

Serge Merlin, Ruth Orthmann et Gilles Kneusé à l'affiche de la pièce de Thomas Bernhard, mise en scène par André Engel.
Serge Merlin et Gilles Kneusé à l'affiche de la pièce de Thomas Bernhard, mise en scène par André Engel.

Un philosophe, auteur d’un « traité sur la nécessaire destruction du monde » doit être fait docteur Honoris Causa par l’Université. Trop malade pour bouger, il attend chez lui la remise du diplôme tout en ne cessant de tyranniser sa compagne.

  • André Engel, quelques notes

Ma rencontre avec l’oeuvre de Thomas Bernhard date de la lecture de son roman Gel, qu’un ami comédien m’avait conseillée. Je ne connaissais pas Bernhard comme auteur dramatique, alors qu’il avait déjà produit une oeuvre théâtrale considérable à l’époque de Gel. J’ai découvert plus tardivement ses pièces, à travers les traductions de Claude Porcell notamment.

Un jour, Serge Merlin m'a appelé en me disant qu’il avait un texte à me faire lire et qu’il aimerait que je le mette en scène. Il s’agissait du Réformateur. La pièce était encore en cours de traduction – par Michel Nebenzahl – et je l’ai lue par fragments. Elle m’a plu aussitôt. J’avais des raisons personnelles de m’intéresser à ce personnage tyrannique et hypocondriaque. Mais aussi à cette écriture formidable, violente et drôle. Enfin quelqu’un qui répondait sérieusement à la question : comment encore écrire pour le Théâtre après Samuel Beckett ? En ce qui concerne Le Réformateur lui-même, Bernhard a conçu un personnage qui appartient à la philosophie contemporaine (post-Schopenhauer) portant un costume contemporain, évoluant dans un intérieur contemporain… Il précise que ce personnage a écrit un Traité de la réforme du monde, qui est une véritable fascination pour le néant. Bernhard évoque alors une pensée d’un monde finissant. Une philosophie vautrée dans le nihilisme. Une philosophie de la fin.

J’ai eu envie d’un contrepoint dramaturgique et de changer l’époque. De situer l’action au début de la philosophie des Lumières, à l’époque où la philosophie se voulait positive et croyait au progrès (Rousseau, Voltaire, Kant, etc.). Peut être une façon de dire que c’était déjà foutu dès le départ. Ajouter du pessimiste au pessimisme en le rendant humoristique. Le silence de la femme ne représente pas qu’un état de soumission, c’est aussi une force : la femme n’est pas seulement réduite au silence. Elle est, à sa manière, une virtuose du silence. Ce qui est précieux est silencieux au moins pour le personnage de la femme. Le précieux est muet, silencieux, indicible.

On trouve des choses semblables chez Heidegger…

Büchner faisait poser la question à Woyzeck : « Qu’est ce qui en nous ment, vole, triche, opprime, tyrannise, tue ? ». Le Réformateur écrit un traité qui répond à la question. Cette réponse restera son secret car personne ne comprend ce qu’il a dit dans son traité. En attendant de recevoir le titre de Docteur Honoris Causa, qui récompense ce traité incompris, il survit totalement assisté par sa compagne de vie. Il continue à mentir, voler, tricher, opprimer et tuer.

Pour Bernhard, il en est du rapport domestique comme de la conduite des États. Vingt cinq ans après avoir provoqué ma rencontre avec le dramaturge Thomas Bernhard, Serge Merlin a souhaité revisiter cet instant passé. Un moment de la vie a vieilli. Peut-être. Pas sûr. L’imprécateur est toujours actuel, lorsque le désert croît. Allons y voir (me suis-je dis).

  • La presse

« Mais comment fait Serge Merlin pour rendre vivant jusqu’aux bouts des ongles un personnage qu’on tuerait bien ? Bien sûr, il y a une mise en scène signée André Engel, une scénographie, des costumes, une autre actrice, Ruth Orthmann (...). Mais ce qui aimante le regard et rend ce vieillard tyrannique et misanthrope bien plus vaste qu’une caricature de Daumier, c’est lui, l’acteur, Serge Merlin, un génie sur scène, qui montre une multitude d’êtres et d’états, à travers un personnage qu’on reconnaît mais qu’il ne circonscrit jamais. » Anne Diatkine, Libération, 18 septembre 2015

« Serge Merlin donne toute son humanité à ce misanthrope désespérément grotesque, cet infâme malade imaginaire. Du grand art. » Le Canard Enchaîné

« Serge Merlin, cette force dramatique habitée, nous hypnotise dès les premiers mots. » The Huffington Post

« Ce spectacle sert on ne peut mieux le rire dévastateur de l’auteur. » Mediapart

« (...) Serge Merlin s’empare avec maestria. Aussi drôle qu’abject et pathétique. Habite, traverse, dévore, maîtrise et déroule dans un souffle de jeune homme une logorrhée éminemment théâtrale, à laquelle il offre une formidable musicalité, aux nuances multiples. (...) N’oublions pas de saluer la belle présence, muette (ou presque) mais capitale, de Ruth Orthmann. » Thomas Baudeau, Fous de théâtre, 12 septembre 2015

  • Extrait

Le Réformateur a noué une grande serviette autour du cou, après avoir mangé à la cuiller un oeuf à la coque et un morceau de pain, un plateau garni devant lui
Cela me dégoûte
Je ne peux plus rien manger
Ces petits déjeuners sans aucune imagination m'ennuient
Toujours la même chose
Alors débarrasse-le donc
débarrasse débarrasse
La Femme le débarrasse du plateau
Le Réformateur
Que fais-tu là debout
Tu attends quoi
C'est toujours la même chose
Cette monotonie
dont il faut que je vienne à bout chaque jour
Ma tête étouffe dans cette monotonie
Qu'est-ce que tu attends
Dois-je encore te dire pour la énième fois
que l'oeuf était beaucoup trop mou
ou il est trop mou
ou il est trop dur
Comme j'ai maigri
Je ne dois plus perdre de poids
a dit le médecin
Je dois prendre du poids
Mais cette pitance est immangeable
La Femme sort avec le plateau
Le Réformateur
À midi une omelette
peut-être est-ce cela le salut
Ou un steak tendre
à l'anglaise
Il appelle dehors
À l'anglaise
un steak
À lui-même
D'une part nous accordons
beaucoup trop d'importance à la cuisine
d'autre part
les cuisiniers nous tiennent entre leurs mains
Le Réformateur, Thomas Bernhard – L'Arche Éditeur, p. 29-30

Sélection d’avis du public

le Réformateur Par Maryse H. - 11 octobre 2015 à 15h55

Texte jubilatoire mais surtout acteur admirable, très bien accompagné. Un moment privilégié !

Par Claudine L. - 7 octobre 2015 à 09h34

Très bon spectacle, par la qualité dramatique du texte, la mise en scène sobre et efficace qui met en évidence la tradition d'atrabilaires théâtraux héritée par Bernhard, et l'interprétation impressionnante de Serge Merlin, pathétique et odieux, pour le plus grand plaisir du spectateur.

Le 4 octobre 2015 à 21h24

Texte et rôle pas inintéressants mais qui n'ont pas su me captiver. J'en suis ressorti déçu.

Par Claire B. - 28 septembre 2015 à 22h48

Un comédien stupéfiant, une actrice parfaite dans son silence, ses regards, ses déplacements, un texte féroce et drôle ; bravo à André Engel et à toute son équipe. En effet, pourquoi pas une captation pour un usage pédagogique?

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le Réformateur Par Maryse H. (25 avis) - 11 octobre 2015 à 15h55

Texte jubilatoire mais surtout acteur admirable, très bien accompagné. Un moment privilégié !

Par Claudine L. (2 avis) - 7 octobre 2015 à 09h34

Très bon spectacle, par la qualité dramatique du texte, la mise en scène sobre et efficace qui met en évidence la tradition d'atrabilaires théâtraux héritée par Bernhard, et l'interprétation impressionnante de Serge Merlin, pathétique et odieux, pour le plus grand plaisir du spectateur.

Le 4 octobre 2015 à 21h24

Texte et rôle pas inintéressants mais qui n'ont pas su me captiver. J'en suis ressorti déçu.

Par Claire B. (1 avis) - 28 septembre 2015 à 22h48

Un comédien stupéfiant, une actrice parfaite dans son silence, ses regards, ses déplacements, un texte féroce et drôle ; bravo à André Engel et à toute son équipe. En effet, pourquoi pas une captation pour un usage pédagogique?

Gandiose Serge Merlin Par Spectatif (104 avis) - 26 septembre 2015 à 11h31

Dans cette pièce, Thomas Bernhard développe à nouveau son atavisme de la société bien pensante, des intellectuels et des célébrations. Mise en scène par André Engel dès 1991 (avec le même serge Merlin), jouée en 2000 avant de revenir cette année au théâtre de l’œuvre, il va sans dire que cette mise en vie du texte est recherchée, réfléchie, rodée. Serge Merlin y excelle de toute la palette de sa puissance de jeu, du comique au tragique (souvent dans le même instant). Le spectateur est cueilli dès le début et sort du théâtre avec le sentiment d’avoir assister à un moment de théâtre fort, magique, épuré, essentiel. Déjà vu et vérifié encore, Serge Merlin est démoniaque dans Bernhard, il possède ses personnages et les livre comme si l’auteur les avait écrits pour lui. Ce grand comédien nous offre à nouveau un merveilleux moment de théâtre. A noter, le travail délicat et réussi de Ruth Orthmann. Incontournable spectacle de cette rentrée.

LE REFORMATEUR Par DANIEL L. (2 avis) - 17 septembre 2015 à 12h20

A titre pédagogique,je suggère que cette pièce puisse être jouée sur une grande scène PARISIENNE et filmée par télévision interposée. Que cette pièce puisse être étudiée par le monde éducatif, comme on aura étudié, les grands classiques de notre théatre .

LE REFORMATEUR Par DANIEL L. (2 avis) - 17 septembre 2015 à 12h08

Texte subtile; mise en scène juste et au service du texte et des comédiens. immense comédien incarnant au plus près du personnage les limites de nos vies illusoires. Avec une telle incarnation, l'ascenseur de toute réflexion nous invite à quitter le rez de chaussé de nos existences et nous transporte jusqu'en haut de la tour, sur la terrasse pour une vue à 360 degrés sur un réel sans concession. MERCI !... DANIEL LOUESDON.

Informations pratiques

Théâtre de l'Œuvre

55, rue de Clichy 75009 Paris

À l'italienne Accès handicapé (sous conditions) Bar Pigalle Salle climatisée
  • Métro : Liège à 183 m, Place de Clichy à 309 m
  • Bus : Liège à 104 m, Place de Clichy à 228 m, Bucarest à 267 m
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Plan d’accès

Théâtre de l'Œuvre
55, rue de Clichy 75009 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 11 octobre 2015

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