En allemand, surtitré en français.
« Parce que demain je dégringole des nuages, parce que demain la vie se termine et commence à la fois. » Dostoïevski
Invité l’hiver dernier à mettre en scène la prestigieuse troupe du Berliner Ensemble, Jean Bellorini a choisi Le Suicidé, farce subversive du Russe Nicolaï Erdman, écrite en 1928 et interdite en URSS jusqu’en 1987.
Elle a pour personnage principal un chômeur, Sémione Sémionovitch, dont la fringale nocturne de saucisson de foie va avoir des conséquences inattendues. Parce qu’il l’a réveillée, une dispute éclate avec Macha, sa femme. Dans sa fureur, Sémione menace de pousser bientôt « son dernier soupir », puis disparaît. Mouvement de panique : Macha implore les habitants de l’appartement communautaire de l’empêcher de passer à l’acte. Sémione, seulement parti dans la cuisine pour soulager sa faim, comprend bientôt la confusion et la tourne à son avantage : feindre qu’il va se tuer lui « facilite la vie ». Mais le bruit court vite, de nombreux intéressés le pressent maintenant de mourir pour une vraie cause : chacun la sienne. Car « ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire ».
Aussi drôle que glaçante, la pièce est une véritable mécanique de précision, une partition idéale pour des acteurs de cette virtuosité. En musique et en chansons, ces derniers magnifient chaque personnage, en composent un choeur vibrant. Ces petites gens, notables, ecclésiastiques, commerçants – archétypes bouleversants et pathétiques – persistent à trouver un sens à leur monde, bien que tous les repères en aient été détruits. Dans un dédale d’escaliers, rencontres fortuites, délires collectifs et instants de lucidité fulgurante s’enchaînent. Au bout de cette course folle, quand les décors et les masques sont déposés, le théâtre demeure pourtant, comme une immense déclaration d’amour à la vie.
« De cette pièce géniale, qui fut interdite du vivant de Nicolaï Erdman (1900-1970), Jean Bellorini donne au Berliner une version resserrée, tout du long baignée dans une ambiance foraine comme il les aime et sait les mettre en scène (...) Les acteurs du Berliner Ensemble sont à leur affaire ; ils surjouent parfois, mais ils font merveille quand ils chantent, en particulier dans la scène du banquet. » Brigitte Salino, Le Monde, 29 février 2016
« Bellorini n'a pas renoncé à sa griffe : un théâtre fluide qui mêle texte et musique, cultive une imagerie foraine et repose avant tout sur l'énergie des acteurs. Avec le Berliner, il est servi ! (...) Avec des comédiens de cette trempe, Jean Bellorini peut tout tenter et passe sans crier gare du burlesque à la tragédie, nous fait rire, puis nous glace. La scène du dernier banquet, jouée tel un numéro de cabaret macabre devant le rideau de fer est d'une incroyable intensité. » Philippe Chevilley, Les Echos, 22 février 2016
Le Suicidé est une pièce sur le sens de la vie, sur la nécessité de donner un sens à son existence. La réalité fait place au rêve. Ou l'inverse. Le rêve ici prend la forme d'une bonne raison de mourir. La réalité rêvée n'est pas le rêve réalisé. Au delà de la dimension sociale et politique, c'est la dimension humaine et métaphysique qui importe. Comment ne peut-on pas aller au bout de nos idéaux ? La vie est un enjeu. La vie est un jeu. Il nous faut la brûler de toutes nos forces, se sentir vivant au delà de tout.
Jean Bellorini
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis
Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).