Cauchemar comique
Note de mise en scène
C’est une pièce qui est axée sur l’acte de manger, sur l’acte d’avaler, de dévorer. Les locataires sont des êtres dévorants qui rongent complètement l’intérieur de la maison, y compris les deux propriétaires. Ce que je fais est à peine exagéré. Il s’agit d’une villa au bord de la mer qui doit être louée parce que les deux occupants sont des jeunes gens, une jeune fille et un jeune homme, qui n’ont pas d’argent. Ils sont même menacés par les huissiers. Les locataires qui arrivent prenant toute la place, finissent par créer des désordres graves dans la maison.
Roland Dubillard
« Etre dedans et dehors »
L’histoire, l’espace, les personnages, en cette pièce, sont le résultat d’une
perception du monde propre à Dubillard qui se heurte aux codes, aux instruments, aux lois de ce monde, un monde qu’il définit étranger à son
être : « Dans ce monde qui est là sans m’avoir demandé mon avis, où je n’ai
rien fait, pas même la langue que je parle, - eh bien, mourir, il faudrait aussi
que ça se fasse sans moi. Et quand ça se fera, je ne serai pas plus satisfait
que je ne le suis par ma vie dans ce monde que je n’ai pas signé, qui me reste
étranger, et que je n’ai jamais eu le désir de connaître… ».
« Ecriture /Langue /matière »
Dubillard invente sa langue. L’espace de l’écriture devient l’endroit de la
manifestation de ce conflit entre la raison et l’être. Par l’écriture on accède à
son rapport au monde, à sa construction mentale particulière et étonnante. La
langue de la pièce, est délirante, décousue, déplacée, déformée, modifiée,
troublée ; dans la bouche des personnages elle est comme une matière, un vomissement qui vide leurs corps.
Cette matière dense est faite pour le comédien, elle s’ouvre au jeu interprétatif par son mouvement continu, son rythme, ses écarts, sa matière sonore. Elle est à la fois matière comique est tragique. Une matière comique hardie, pas consensuelle, le comique qui naît du mouvement entre la profondeur et la surface, entre le trop plein et le trop creux. L’autre et soi, « moi et étranger à moi ».
« Champ de bataille »
La raison de leur rencontre est cet espace qui les enferme, la villa louée par le
jeune homme et la jeune fille, envahie par monsieur et madame, les locataires. Cet espace devient un champ de bataille où toutes les « armes »
sont utilisées pour prendre, manger, dévorer l’autre, le rôle de l’autre, la place
de l’autre. Comme si c’était le dernier cri d’êtres qui ont tout confondu : leur
identité, leur âge et leur sexe. Ils n’ont plus que leur corps-carapace qu’ils
finissent par tuer.
Caterina Gozzi
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris