Une fête des apparences
A propos des Bonnes
Pourquoi ?
Le terrorisme des bonnes
Extraits
Les Bonnes est la première pièce de Jean Genet à avoir été portée à la scène, suite à une commande que lui passa Louis Jouvet en 1947. Cette pièce, tout d’abord intitulée La Tragédie des confidentes, est un huis clos où deux sœurs, Claire et Solange, les bonnes, jouent et rejouent les situations qui les lient à Madame, leur patronne. Elles vouent à la fois une haine et un amour formidables à leur maîtresse dont elles ont dénoncé l’amant, Monsieur, à la police.
Au-delà de l’intrigue, la puissance de fascination de cette œuvre tient au rituel qu’elle propose. Claire, la cadette, fait semblant d’être Madame, tandis que Solange joue le rôle des bonnes en incarnant tour à tour Solange et Claire. Ce jeu de théâtre les entraîne à se mettre en scène l’une l’autre, l’une contre l’autre.
Puis Madame, la vraie, fera son apparition. Ici, ce sera Bruno Boëglin, le metteur en scène du spectacle qui jouera à être Madame. Il nous convie donc à une fête des apparences, hommage au jeu, au théâtre, pour mieux dire le monde.
Le texte est publié aux Éditions Gallimard, collection La Pléïade.
Tous les degrés de la ségrégation ayant déjà été atteints, dans l'histoire des réclusions, les cellules d'isolement placées dans des lieux incommodes ou difficiles d'accès ne manquent pas. Nous sommes spectateurs de l'une d'entre elles.
Sans préambule, l'histoire commence par deux sœurs qui se disent "bonnes", se prénomment Claire et Solange et qui s’amusent à un drôle de jeu, comme jouent les enfants "au papa et à la maman" à tour de rôle. Sauf que dans leur jeu elles font intervenir une troisième personne absente, qu'elles nomment "Madame" et qu'elles adorent interpréter.
Jeux de rôles apparemment sans conséquences s'il ne se transformait pas en rituel. Car sans guide, la conduite d'un rituel devient irresponsable, portée à tous les dérèglements (*) et parfois à la mort. Dans ce lieu d'une blancheur éblouissante les objets ne répondent plus et rien n'est à sa place
Un cheveu de Claire ou de Solange peut être découvert par Madame sur une robe de Madame empruntée. Le jeu est dangereux. Les bonnes laissent une foule de traces qu'elle ne pourront jamais effacer et que Madame pourrait déchiffrer en posant le bout de son pied rose dessus. Claire qui joue Madame protège son cou. Elle a peur : Solange commence à l'étrangler. Heureusement le téléphone sonne.
Tout peut parler. Tout peut les accuser : les rideaux marqués par leurs épaules, les miroirs par leurs visages. Même la lumière qui a l'habitude de leur folie peut tout avouer. Et les parfums des glaïeuls, des oeillets, des roses et du mimosa mélangés à l'odeur du "rot de l'évier" de la cuisine n'y pourront rien.
B. Boëglin, Mars 2004
P.S. Je ne voulais plus monter des choses que j'aurais écrites. Aussi j'ai accueilli avec d'autant plus de joie la commande d'une mise en scène d'un texte que je n'avais ni écrit, ni même choisi. Merci à Philippe Faure de m'avoir dicté ce choix. Je retrouve ainsi la plus grande et la plus belle des libertés.
* Cf. Sa Majesté des Mouches de W. Golding
Pourquoi Genet refusait d'associer son texte Les Bonnes à un fait divers, celui concernant les Sœurs Papin qui tuèrent, torturèrent, mutilèrent leur maîtresse ? Pourquoi publie-t’il une version différente de la pièce créée par Jouvet quelques jours à peine après la première, en 1947 ? Pourquoi une bonne joue-t'elle l'autre et l'autre bonne joue Madame, sa maîtresse et pourquoi alternent-elles comme pour rajouter à la confusion, et pourquoi par là même à notre intérêt ?
Claire et Solange sont les deux domestiques de Madame depuis de nombreuses années. Elles aiment Madame d’une affection malsaine, au point de vouloir l’empoisonner... Un jeu de rôle quotidien leur permet de simuler la scène : Claire incarne Madame et Solange joue tantôt Claire, tantôt son propre rôle.
Plus tard, elles essaieront réellement de tuer Madame, en vain : Madame est trop occupée avec Monsieur, faussement accusé (par les bonnes), emprisonné, puis relâché, faute de preuve.
Au moment de la création des Bonnes, en 1947, Genet n’est pas dans le circuit théâtral, c’est son entrée officielle dans la littérature. Il passe en “levé de rideau“ [c’est-à-dire en première partie d’un spectacle]. Le public est venu pour la 2ème partie : la pièce de Giraudoux (L’Appollon de Bellac). En écrivant pour le théâtre et en se faisant jouer, Genet sort de son plein gré de la marginalité et de son statut d’exclu.
Les Bonnes racontent leur vie réelle et jouent devant nous une existence fantasmatique. Révolte dans le rituel et non dans la protestation. Un jeu grave dont il faut découvrir les règles. Claire, qui est belle en fait, revêt la beauté vulgaire de Madame.
Genet s’amuse, provoque et cela donne une issue poétique, comme malgré lui.
Madame : « Vous avez de la chance qu’on vous donne des robes, moi si j’en veux, je dois me
les acheter. »
Solange : « Je désire que Madame soit belle. »
Une version "personnelle" de l'oeuvre de Genet, mais qui toutefois respecte l'esprit du texte original et de son auteur. L'ambiance se révèle cependant un peu lourde (volontairement?) et l'air irrespirable pour le spectateur, tant la tension entre les personnages est perceptible.
Une version "personnelle" de l'oeuvre de Genet, mais qui toutefois respecte l'esprit du texte original et de son auteur. L'ambiance se révèle cependant un peu lourde (volontairement?) et l'air irrespirable pour le spectateur, tant la tension entre les personnages est perceptible.
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