Sans préalable, forcément, Les Variations Darwin sont aussi le dernier volet de notre Traité des formes. Bien que proposée de concert par un homme de science et un homme de théâtre, cette aventure n’a jamais prétendu réconcilier les deux cultures, la littéraire et la scientifique, ni mettre un peu de finesse dans la géométrie ou de géométrie dans la finesse.
Non, frotter notre théâtre à des fragments de discours scientifiques, jeter des bouts de science en pâture à la fiction, frictionner de la poésie d’Ovide avec un peu de biologie du développement (La Génisse et le Pythagoricien, créé au TNS en 2002), c’est à la fois considérer la poésie comme une forme plénière de connaissance et la connaissance scientifique comme un exercice de la poésie. Ceci aussi : un théâtre comme le nôtre, qui ne pose pas en principe qu’il est vivant, mais doit en apporter à chaque fois la preuve, un théâtre soucieux de ce que la science dit du vivant, ne pouvait qu’être fasciné par ce grand « inventeur » des formes que fut Darwin.
L’épisode précédent, Des chimères en automne, montré à Chaillot l’an dernier, était en quelque sorte le « portrait du savant en hypocondriaque ». Darwin ne voulait pas que nous en restions là ; il s’est sélectionné à nouveau pour ce qui sera cette fois-ci davantage un « portrait du savant en artiste » (ou en poète ?). François Jacob dit qu’il y a un « style en science » ; de son côté Mandelstam écrit sur le style de Darwin. L’un comme l’autre, le savant comme le poète, nous invitent à voir en Darwin l’écrivain tout autant que l’homme de science.
Notre théâtre n’est pas là pour vulgariser l’Évolution, - franchement, elle n’a pas besoin de nous pour ça -, mais pour nous ouvrir à l’imagination créatrice de Darwin, le Darwin artiste, capable de lire dans la partition de la nature les variations du vivant et de les écrire, et qui retrouve par-là les paroles d’Ovide chantant les formes qui changent dans les corps… « Métamorphoses, métamorphoses, métamorphoses », dit l’un ; « variations, variations, variations », répondit l’autre.
Jean-François Peyret et Alain Prochiantz
La collaboration entre l'Ircam et Jean-François Peyret s'inscrit dans le cadre du Pôle de recherche sur les technologies pour le spectacle que l'Institut a mis en place grâce au soutien du ministère de la Culture.
L'objectif de ce pôle est de créer une offre technologique appropriée aux différentes formes artistiques comme la danse, le théâtre ou les installations, et croisant les préoccupations de la recherche développée à l'Ircam. Ce pôle se focalise aujourd'hui sur le geste, notamment dans le domaine de la danse et du jeu instrumental, la voix et ses transformations dans le contexte du concert et du théâtre, et la spatialisation.
1, Place du Trocadéro 75016 Paris