Sur la lande qui le ramène victorieux du champ de bataille, Macbeth, chef de guerre au service du roi, croise trois sorcières qui lui prédisent un avenir royal. Il précipite la prophétie et poignarde son roi endormi, secondé par Lady Macbeth qui l’exhorte à tuer et parachève le meurtre.
Ce premier meurtre perpétré par Macbeth hors du cadre de la guerre ouvre une brèche dans sa conscience, tue le sommeil et l’oubli, plonge le monde dans le chaos et le royaume dans la tyrannie. Macbeth est à la lisère de deux mondes où les morts accumulés de l’Histoire remontent à la surface, viennent l’effrayer et hanter l’espace du théâtre.
Ce surcroît d’humanité le rend inapte à l’exercice du pouvoir. Le meurtre engendre le meurtre ; le temps de Macbeth est une boucle sans fin qui s’ouvre et se ferme en miroir sur les mêmes images : un homme ensanglanté, une décapitation, un couronnement. Le plateau est un « musée-théâtre », un site d’apparition où les dépouilles, les masques et les attributs des figures sont endossés à tour de rôle par les acteurs comme autant de peaux et de visages. Ils peuplent l’arène où les vivants et les morts encerclent Macbeth et Lady Macbeth.
La mascarade politique se rejoue dans un carnaval qui tient du rituel d’exorcisme.
Macbeth met à nu la violence d’Etat et les mécanismes du désir. Témoins de l’histoire, nous faisons l’autopsie d’un dérèglement.
À partir de Macbeth de William Shakespeare, traduction André Markowicz.
Pourquoi avez-vous décidé de mettre en scène Macbeth ? Ce n’était pas, jusqu’à cette année, où elle est jouée par plusieurs troupes à Paris, la pièce de Shakespeare la plus fréquemment montée, du moins en France…
Le temps a des périodes et des fantômes les accompagnent. L’époque que nous traversons est fascinée par l’apocalypse, obsédée par sa propre mise à mort, physique et politique. Rejouer Macbeth, c’est tenter de ré-explorer ce qui du pouvoir dégénère en cancer du pouvoir. C’est aussi revisiter ce qui est le théâtre du pouvoir, sa mascarade, un carnaval noir. Notre époque est fascinée par ses monstres. Elle les produit, les met en scène puis elle les met à mort. C’est une mythologie de renaissance collective encore très efficace. Macbeth est à la fois le tyran monstrueux et le bouc-émissaire – sa mort, offerte en spectacle comme un sacrifice, semble rétablir le bon ordre symbolique. Pour nous, c’est malheureusement une mascarade.
C’est cette même mascarade, qui tous les jours dans le miroir des médias fabrique des croque-mitaines pour mieux leur couper la tête en direct. Qu’est-ce que la société fait des gorgones vivantes ou décapitées qu’elle surexpose chaque jour ? Voir la mort en face. Voilà le projet des images contemporaines. Où vont se perdre toutes ces images dans nos psychismes ? Qu’en faire ? Comment travaillent-elles souterrainement l’imaginaire collectif ? Pourquoi revenir voir Macbeth encore et encore ? Pour vérifier quoi ? Que le monstre est bien mort ? Qu’on peut tuer nos peurs en exécutant Macbeth ? Ou bien que son fantôme lui survit toujours ? Cette pièce est comme un musée où ces interrogations se réfléchissent les unes dans les autres.
Macbeth est un rituel collectif de monstration, une fable, un spectacle politique : montrer, à nouveau, comment le tyran vit et meurt, vaincu par les armées du bien. Mais au passage Shakespeare met à nu le dispositif qui lui a donné naissance, il révèle sa zone d’ombre et prend le public à témoin. Nous sommes convoqués à être l’audience muette d’un jugement dont nous connaissons déjà l’issue. Bien sûr, cela, c’est le théâtre, mais c’est aussi comme cela hors du théâtre.
Pascale Nandillon
« Dans Macbeth Kanaval, la voix circule comme le souvenir d’un mauvais rêve qui voile le réel. Elle relie les tableaux, menaçante, lancinante, c’est une voix qu’on ne comprend pas tout d’abord, qui s’éloigne puis se rapproche, comme un filon ténu que Pascale Nandillon ne force jamais à voir la lumière : ainsi l’or se protège-t-il du soleil, et brille, seul et fort, dans sa propre nuit. » Willy Boy, Le Souffleur
« Entre rêve et cauchemar, ce « Macbeth Kanaval » palpite d’une beauté crépusculaire incandescente d’une portée bouleversante et témoigne d’un geste théâtral affirmé, d’une ambition artistique évidente et réussie. » Premiere
« Pascale Nandillon crée une mise en scène qui s'inspire du kabuki, théâtre japonais : les costumes de lourdes étoffes, les maquillages de craie blanche, les corps à corps des deux comédiens Serge Catellier (Macbeth) et Alban Gérôme (Banco). » Froggy's Delight
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