Macbeth

Angoulême (16)
le 15 janvier 2002
3H00

Macbeth

CLASSIQUE Terminé

Une des œuvres les plus fortes et fascinantes dans l'œuvre de Shakespeare, Macbeth réunit tous les ingrédients d'une pièce à suspense moderne : le meurtre, l'angoisse, une atmosphère de mal et de surnaturel. Au cœur de ce tourbillon se trouvent Macbeth et Lady Macbeth.

 
Présentation
Notes de mise en scène
La presse

Une des œuvres les plus fortes et fascinantes dans l'œuvre de Shakespeare, Macbeth réunit tous les ingrédients d'une pièce à suspense moderne : le meurtre, l'angoisse, une atmosphère de mal et de surnaturel. Au cœur de ce tourbillon se trouvent Macbeth et Lady Macbeth que leur ambition effrénée mène au désastre national et à la destruction individuelle.

“Je souhaite rendre concret l’imaginaire fantomatique de la pièce et mettre en lumière la nuit de Macbeth.” Sylvain Maurice

La mise en scène de Sylvain Maurice, adoptant dans le dépouillement une esthétique de l’ombre, voit en Macbeth un héros de l’ère moderne. Négatif mais moderne par son audace philosophique. Coupable mais jeune. Jamais l’usurpateur du trône d’Ecosse et son épouse n’auront été aussi jeunes, renouvelant ainsi l’image d’une pièce que la tradition fixait obstinément dans les zones de l’âge mûr. Grâce à un fort parti pris de simplicité, le couple criminel, tout comme les sorcières, ne sont plus des êtres manichéens mais nos semblables du côté du mal. 

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Au début de Macbeth, le roi Duncan a été trahi par le thane de Cawdor : “Il n’est point d’art pour déchiffrer une âme sur un visage. Sur ce gentilhomme j’avais fondé une confiance absolu” (Acte I, Scène 4). Le souverain ne reconnaît même plus les soldats de sa propre armée et ne semble pas avoir prise sur la bataille qu’il est censé diriger : “Quel est cet homme en sang? Il pourra nous dire, à voir son état, où en est la révolte” (Acte I, Scène 2). La confusion dans laquelle il se trouve va causer sa chute. Macbeth, promu nouveau Cawdor, avancera lui aussi masqué et assassinera Duncan.

Pour autant, on ne saurait réduire la figure de Macbeth à celle d’un ambitieux et à fortiori d’un criminel. Au début, rien ne semble indiquer qu’il sera régicide. D’autant que dans l’organisation politique de l’Ecosse archaïque, il peut espérer parvenir à de hautes fonctions, et pourquoi pas à la plus élevée : le roi est élu par un collège de thanes. Au moment où commence la pièce, il est manifeste que le plus valeureux parmi ceux-là est précisément Macbeth, qui pourrait éventuellement — s’il était élu — succéder à Duncan à la mort de celui-ci.

Mais Duncan propose de changer les règles du jeu en remplaçant l’élection collégiale du roi par une succession de sang royal : “Nous voulons fonder notre succession sur notre aîné Malcolm”. Ce “changement de constitution” ne peut être vécu par Macbeth que comme une frustration et va précipiter le régicide.
Si j’insiste sur ces circonstances, c’est parce qu’il me paraît important d’affirmer que la pièce s’ouvre sur une situation humaine et politique complexe. Elle ne ne prend pas appui sur une vision conventionnelle des personnages : le bon roi innocent tué par le méchant ambitieux. Au contraire, l’avenir et le destin des personnages s’écrivent dans les contradictions, au fur et à mesure que l’action avance et que l’histoire se précise.

Un autre point sur lequel je souhaite insister concerne le rôle et la fonction des sorcières dans ce début d’intrigue. Pas plus qu’elles ne sont à l’origine du désordre du monde (la guerre civile, la confusion de Duncan), elles ne poussent Macbeth au régicide. Elles ne font que délivrer, ainsi que Denis Loubaton l’indique “(…) un message objectif et dépouillé. Une tentation : son destin révélé à l’homme pour qu’il s’en empare ou pas!” Elles disent l’avenir, mais elles ne le réalisent pas. Elles laissent chacun agir comme bon lui semble. Macbeth choisira librement de tuer le roi, tandis que Banquo préférera ne rien faire.

Ce thème de la liberté — ou du libre arbitre — est certainement, dans la première partie de la pièce, le sujet principal auquel est confronté Macbeth : tuer ou ne pas tuer. Il faudra tout l’amour de Lady Macbeth pour qu’il passe enfin à l’acte.

Il n’est pas juste d’interpréter les hésitations de Macbeth à agir comme celle d’un homme faible manipulé par une Lady tentatrice. Je vois davantage Macbeth comme un personnage qui essaye constamment de donner du sens à ses actes. Le conflit intérieur du personnage réside moins dans la peur de l’acte que dans l’incertitude d’en maîtriser les conséquences : “Si ce seul coup pouvait tout accomplir et tout finir (…) nous risquerions la vie à venir. Mais ces actes-là trouvent toujours ici-bas leur sentence” (Acte I, Scène 7). Autrement dit : “Je suis prêt à risquer mon salut éternel en tuant le roi, à condition de récolter les fruits de mon acte dans l’ici et maintenant de la vie terrestre. Or rien ne m’indique que je gagnerai à coup sûr.”

Et tandis que Lady Macbeth s’abîme très vite dans la dépression puis dans la folie, Macbeth prend le relais. Confronté à des manifestations surnaturelles de plus en plus spectaculaires, il avance comme un “déchiffreur de l’au-delà”, ainsi que le nomme très justement Denis Loubaton. Loin d’être un couard emprisonné dans ses tergiversations, Macbeth apparaît, au fur et à mesure du déroulement de la pièce, comme un personnage actif, poussé à agir et à voir clair.

Ce parcours du personnage principal avec les forces de l’au-delà est jalonné par trois moments importants :
D’abord la dague qui apparaît magiquement à Macbeth au moment de tuer le roi : “N’es-tu qu’un poignard de l’esprit, la création trompeuse d’un cerveau oppressé par la fièvre ? Je te vois toujours sous une forme aussi palpable qu’à présent celui je dégaine” (Acte II, Scène 1). Autrement dit : “Est-ce ma peur et ma culpabilité de tuer Duncan qui se représentent à moi à travers une hallucination ? Ou bien cette dague existe-t-elle véritablement et m’indique-t-elle la direction que je dois prendre ?”

Ensuite le fantôme ensanglanté de Banquo (Acte II, Scène 4) qui vient narguer Macbeth lors d’un banquet qui réunit toute la noblesse, dont Macbeth ne parvient pas à déchiffrer le sens : “On a déjà versé le sang dans les temps anciens, avant que les lois humaines aient purgé et pacifié les mœurs. (…) Il fut un temps où, la cervelle détruite, l’homme mourait et c’était la fin. Maintenant ils ressuscitent avec vingt blessures mortelles et nous chassent de nos tabourets. Voilà qui est plus étrange que ne l’est pareil meurtre [celui de Banquo]”

Enfin, la scène dite “des nécromants” (Acte IV, Scène 1) où l’avenir est révélé à Macbeth, mais de façon truquée et délibérément mensongère, afin de le piéger et de l’induire volontairement en erreur. A la suite de ces prophéties à double sens, Macbeth, se croyant invincible, se laissera encercler par l’armée anglaise et les nobles écossais révoltés, ce qui provoquera sa perte.

Cette dernière scène marque, avec l’apparition d’Hécate à la fin de l’acte III, un changement de perspective dans la fable, et éclaire d’un sens tout à fait nouveau la fin du parcours de Macbeth. En programmant la chute du tyran, les forces surnaturelles ne laissent plus de place au hasard : on retire à Macbeth sa liberté et on le fait chuter.

La fin de la pièce met en scène la tragédie d’un homme écrasé par un destin sur lequel il n’a dorénavant aucune prise. Dans un ultime sursaut, il comprend qu’il a été roulé et constate l’absurde de son existence : “La vie n’est qu’une ombre en marche (…) C’est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien” (Acte V, Scène 5).

Cette dimension tragique du parcours de Macbeth me paraît devoir être d’autant plus soulignée qu’elle inscrit le destin du tyran dans l’histoire collective de l’Ecosse. La tragédie de Macbeth n’est pas seulement le parcours fascinant d’un héros monstrueux, c’est aussi l’histoire collective d’une communauté malade : “Si tu pouvais, Docteur, analyser l’urine de mon pays, trouver son mal, le purger et lui rendre sa santé d’autrefois, je t’applaudirais à faire résonner l’écho qui t’applaudirait à ton tour” (Acte V, Scène 3).

La mise à mort du tyran apparaît comme le catalyseur de la part obscure des autres personnages. Elle est un acte de purification qui libère le monde des passions mauvaises dont il était assailli et des contradictions sur lesquelles il était bâti.

Ainsi que l’indique Richard Marienstras : “A mesure qu'il se constitue en tyran, Macbeth se constitue également en victime expiatoire de la société qu'il écrase. La nécessité que son destin révèle est beaucoup plus profonde, plus archétypale, que les commandements de l'ambition ou la soif du pouvoir, que la logique du meurtre, le vertige de la damnation : c'est la nécessité tragique de prendre sur soi et sur soi seul les processus meurtriers qui commandent la marche de l'histoire — et dont le principal est le meurtre —, la nécessité d'être investi d'un rôle qu'on pourrait définir comme la polarisation du chaos.”

A la fin de la pièce, une nouvelle ère s’ouvre, proclamée par Malcolm, le nouveau Roi d’Ecosse : “Thanes et cousins, soyez désormais Comtes : les premiers que l’Ecosse honore de ce nom. Ce qu’il nous reste à faire : (…) Rappeler de l’étranger nos amis exilés qui ont fui les pièges de la tyrannie soupçonneuse, débusquer les ministres cruels de ce boucher mort (…); cela, et toutes les autres tâches qui nous requièrent, par la grâce de Dieu, nous le ferons dans l’harmonie en temps et lieu. Merci à tous ensemble, à chacun en personne, nous vous invitons tous à nous voir couronner à Scone.”

La paix est retrouvée — mais jusqu’à quand ?

Sylvain Maurice

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“Il a confié les Macbeth à deux jeunes solistes, opposés et complémentaires. Nadine Berland joue dans la retenue calculée, la froideur affichée, le masque tendu. Pierre Louis-Calixte, par ses contorsions incessantes, offre une version innovante, marquante, du rôle-titre. Mobilité du corps. Mobilité du visage. Comme s’il ne tenait pas en place. Comme si Macbeth n’avait pas de place où se tenir. Pas de place à lui. Comme s’il ne la trouvait pas. Comme si son visage n’avait pas d’expression propre. Qu’il lui fallait l’habiller d’incessantes grimaces. Il butte sans cesse d’un nouveau chaos d’expressions, témoignant d’une souffrance sans repos. Celle d’un pitre meurtrier, épuisé, prêt à plier le genou au premier signe.” Jean-Louis Perrier - Le Monde

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Informations pratiques

Théâtre d'Angoulême

Avenue des Maréchaux 16007 Angoulême

Spectacle terminé depuis le mardi 15 janvier 2002

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