En français, allemand, néerlandais, anglais surtitrés.
Devinette : qu'est-ce que Maeterlinck ? Réponse : c'est un Marthaler. Autrement dit, une combinaison unique d'humour et de mélancolie, de lucidité critique et de légèreté enfantine. Et puis des comédiens extraordinaires, une population d'êtres un peu perdus, maladroits, solitaires ou plutôt ensemble sans l'être, vêtus de nylon gris perle ou de percaline à fleurs, « patientes ouvrières » perdues dans leurs pensées au fond d'un atelier de confection décati ou contremaîtres « embarrassant le travail, bousculant, bousculés, ahuris, importants, tout gonflés d'un mépris étourdi et sans malice ». Des gens qu'on dirait taciturnes s'ils n'interprétaient soudain des airs comiques ou sublimes, un tube en langue hollandaise ou un lamento de Purcell.
Quant à Maurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck poète, dramaturge, observateur passionné de la vie des insectes sociaux, il est celui dont une dizaine d'ouvrages (de Pelléas au Trésor des humbles) hantent ce Marthaler-ci, sous l'épigraphe suivante : « Un grand nombre de nos pensées attaquent notre âme par-derrière .»
Maeterlinck, d'après l'oeuvre de Maurice Maeterlinck, comprend des extraits des textes suivants : Les sept princesses, Visions typhoïdes, Bulles bleues : souvenirs heureux, L'intelligence des fleurs, La princesse Maleine, Le trésor des humbles, Intérieur, L'intruse, Pelléas et Mélisande, Les Quinze chansons.
Musique : Pelléas et Mélisande (Debussy), La Messe des pauvres (Satie), Tendrement (Satie), Chant ecclésiastique (Satie), Chorals 5 et 6 (Satie), Les Pantins dansent (Satie), Carmen (Bizet), Nocturne (Mozart), Le Baiser de ma mère (Bovet), Schoon is de lente (Worp), Lamento et finale de Didon et Enée (Purcell), The Ninety-Nine (Sanky / Clephane), Die Mädchen mit den verbundenen Augen (Zemlinsky).
Pour l'instant, il suffit d'appeler l'attention sur le trait essentiel de la nature de l'abeille qui explique l'entassement extraordinaire de ce travail confus. L'abeille est avant tout, et plus encore que la fourmi, un être de foule. Elle ne peut vivre qu'en tas. Quand elle sort de la ruche si encombrée qu'elle doit se frayer à coups de tête un passage à travers les murailles vivantes qui l'enserrent, elle sort de son élément propre. Elle plonge un moment dans l'espace plein de fleurs, comme le nageur plonge dans l'océan plein de perles, mais sous peine de mort il faut qu'à intervalles réguliers elle revienne respirer la multitude, de même que le nageur revient respirer l'air. Isolée, pourvue de vivres abondants et dans la température la plus favorable, elle expire au bout de quelques jours, non de faim ou de froid, mais de solitude. L'accumulation, la cité, dégage pour elle un aliment invisible aussi indispensable que le miel. C'est à ce besoin qu'il faut remonter pour fixer l'esprit des lois de la ruche. Dans la ruche, l'individu n'est rien, il n'a qu'une existence conditionnelle, il n'est qu'un moment indifférent, un organe ailé de l'espèce. Toute sa vie est un sacrifice total à l'être innombrable et perpétuel dont il fait partie. Il est curieux de constater qu'il n'en fut pas toujours ainsi. On retrouve encore aujourd'hui parmi les hyménoptères mellifères, tous les états de la civilisation progressive de notre abeille domestique. Au bas de l'échelle, elle travaille seule, dans la misère ; […]. Elle forme ensuite des associations temporaires […] pour arriver enfin, de degrés en degrés, à la société à peu près parfaite mais impitoyable de nos ruches, où l'individu est entièrement absorbé par la république, et où la république à son tour est régulièrement sacrifiée à la cité abstraite et immortelle de l'avenir. Ne nous hâtons pas de tirer de ces faits des conclusions applicables à l'homme.
Maurice Maeterlinck : La Vie des abeilles, livre premier, VII-VIII.
Place de l'Odéon 75006 Paris