Mette Ingvartsen crée un monde artificiel où règnent dissolution, évaporation et transformation. Manipulant des matériaux éphémères (mousse, sons, bulles, écume), la performance propose des paysages imaginaires où trouver le calme et le repos – comme si, par exemple, on était seul sur une banquise qui n’avait pas encore fondu.
Dans quelle mesure la place du spectateur a-t-elle été déterminante dans votre création ? Comment intégrez-vous le futur spectateur dans votre travail ? que souhaitez-vous qu'il/elle ressente ?
Dans Giant City, par exemple, les spectateurs font partie de la situation dans laquelle nous sommes. Nous pensons à eux comme à des éléments de la performance. Comme ils sont placés sur les quatre côtés du plateau, les spectateurs restent visibles à tous tout le long de la pièce. D’une certaine façon, le fond de la pièce, c’est comment les spectateurs répondent physiquement à ce qu’ils regardent. Ce qui arrive souvent, c’est que le genre de mouvement sur lequel nous travaillons, vibrations, balancements, cercles, oscillations sont des mouvements dans lesquels les gens entrent facilement en nous regardant.
Nous utilisons ce procédé de miroir physique comme une façon d’inclure les spectateurs dans notre fiction, ce qui est important pour ne pas faire de notre réalité fictionnel quelque chose d’oblique. En tant que performeurs, nous sommes dans un état différent des spectateurs. Nous ne leur répondons pas en utilisant des signes humains pour confirmer que nous appartenons à la même communauté. Nous essayons d’éviter tout ce qui pourrait nous faire tomber dans une « codification normale. » Un spectateur sourit et au lieu de lui sourire en retour nous essayons d’utiliser ce sourire comme une information qui nous affecte dans l’espace. Ce qui veut dire que les mouvements des spectateurs sont inclus dans la performance.
Quel est votre rapport avec la scène traditionnelle ? Avez-vous envie d'en sortir ? Et si oui, pourquoi et comment ?
J’aimerais penser qu’il n’y a pas de scène traditionnelle, conventionnelle. Je sais bien que c’est faux, mais d’un autre côté je crois que nous devons nous rappeler que tous les formats de théâtre ont existé depuis longtemps et que travailler en bi ou en quadri frontal n’a rien de neuf. Je vois le format des performances comme quelque chose de très lié au contenu des pièces. Les choses qui m’intéressent depuis quelque temps tendent à marcher mieux de près. La tactilité, les sensations, la possibilité d’inventer des regards qui littéralement touchent, des regards haptiques, sont très liés au genre d’expériences que nous offrent l’économie dans laquelle nous vivons et il est important de donner ce cadre à nos performances.
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