L’argument
La mise en scène
La scénographie
Note du metteur en scène
La presse
En pleine guerre froide, un escroc de haut vol traqué par la police se fait passer pour un ministre soviétique ayant « choisi la liberté » ; il est embauché par la rédaction d’un journal spécialisé dans l’anticommunisme.
Ses tribulations l’amèneront à croiser nombre de personnages hauts en couleur : des politiques divers et magouilleurs, un rédacteur en chef survolté, ou encore un vieux journaliste conservateur dont la fille travaille dans un journal progressiste Tous chercheront à l’utiliser, tandis qu’il tentera de naviguer au mieux de ses intérêts au milieu de ce joli monde...
La pièce traite de la manipulation des médias et de l’opinion, des confrontations idéologiques et de la capacité de l’Homme à maîtriser son destin. Sur ce sujet, qu’il pourrait traiter gravement, Jean-Paul Sartre s’emparant de la forme de la comédie farcesque a écrit une pièce plaisante, adroitement découpée en scènes bien troussées, ne reculant ni devant les techniques vaudevillesques ni devant les « mots d’auteur », alliant la profondeur du sujet à la légèreté de la forme.
C’est Roland Barthes qui, oubliant que l’efficacité du théâtre bourgeois était hérité du théâtre populaire -les quiproquos de la commedia dell arte, la satire aristophanesque etc.- s’interrogeait sur la capacité à « faire du théâtre politique avec les formes compromises de la dramaturgie bourgeoise ». C’est justement cette dualité, ou cette complémentarité, qui m’intéresse dans Nekrassov. J’ai été séduit dans cette œuvre par l’alliance totalement réussie, entre la « comédie » et le « politique ».
Voici en quelques lignes ce qui, je crois, nous parle dans ce texte aujourd’hui encore, et que le metteur en scène que je suis, aimerait souligner : les arrangements politiques bien sûr, mais aussi le rôle des medias, les contradictions humaines, les rapports de pouvoir et surtout, à travers le personnage de Georges de Valera, le mythe de la réussite individuelle, qui ne s’embarrasse pas de morale, l’homme qui croit manipuler alors qu’il est manipulé. Il est, après un demi-siècle, plus que jamais notre contemporain.
Il va sans dire que je n’ai en rien l’intention de rendre la pièce « contemporaine ». Le contexte de la guerre froide est essentiel ; il est de surcroît, théâtralement et plastiquement intéressant. Je n’aurai pas non plus l’outrecuidance de vouloir « actualiser » la langue sartrienne - elle est d’une totale modernité - la vivacité des dialogues comme la qualité des situations ne pourraient qu’en pâtir.
La pièce met en scène une bonne trentaine de personnages et la forme, si l’on restait dans le naturalisme, pourrait sembler un peu datée. Mon propos serait donc, de faire jouer le spectacle par une dizaine d’acteurs. Un certain nombre ayant des rôles fixes (George de Valera, Véronique …), les autres interprétant plusieurs personnages.
On inscrit ainsi dans la mise en scène le plaisir ludique de la composition affirmée, mais aussi la volonté de souligner la dualité, voire parfois les contradictions contenues dans des raisonnements antinomiques développés par les mêmes acteurs.
Faire le théâtre d’aujourd’hui avec les textes d’hier c’est le défi (et le plaisir) auquel tous les metteurs en scène sont confrontés. Le respect du « classicisme » n’est bien souvent que la nostalgie du passé pris pour référence. Il ne s’agit pour moi ni de faire une reconstitution servile du théâtre des années cinquante, ni d’imposer une modernité plaquée, mais, en respectant la pensée de l’auteur, de trouver une manière d’allier la jubilation théâtrale à la profondeur du propos.
Le décor, loin du réalisme d’une salle de rédaction, d’un salon de grand hôtel ou des autres lieux évoqués, sera plutôt une mécanique théâtrale qui permettra des apparitions/disparitions et créera des images fortes et inattendues.
Les costumes, à l’image des personnages, seront archétypiques. Qu’elles soient rédacteur en chef, inspecteur, femme politique, ou fonctionnaires de la DST, toutes les silhouettes des personnages rappellent celles que l’on trouve dans les univers de BD, empreintes de significations immédiates.
Les années cinquante, quant à elles, seront fantasmées à travers nos souvenirs cinématographiques ou familiaux. La création des lumières sera conçue en ce sens.
L’environnement sonore, lui, s’appliquera à recréer une ambiance disparue (que sont devenus les sifflets à roulettes des agents de police ?), et permettra - par l’utilisation d’informations radiophoniques, d’extraits musicaux de l’époque, etc.- de replacer l’action dans son contexte historique.
Je n’aurais pas la cuistrerie de présenter Jean–Paul Sartre, peut-être l’un des intellectuels ayant eu la plus forte influence sur son époque. En revanche, illustrons de quelques réflexions son rapport au théâtre et à la politique.
Comme beaucoup d’autres à son époque (Camus, Roblès, Vaillant, Vercors…) la spécificité de l’écriture théâtrale n’est pas sa préoccupation. Force est de constater qu’il n’a jamais utilisé que des formes traditionnelles (la tragédie antique, le drame romantique etc.), nombreux sont ceux qui le lui reprocheront et lui reprochent encore.
Lorsqu’il écrit Nekrassov en 1955 il s’empare ouvertement de la forme boulevardière, (il y a de l’Anouilh voire du Guitry dans ce texte) à une époque qui voit apparaître d’un coté ce qu’appellera improprement le théâtre de l’absurde avec Ionesco, Beckett, Adamov, et de l’autre le Brechtisme triomphant (le Berliner vient à Paris pour la première fois en 1954).
Sartre malgré toutes les critiques sur sa vie, et un bilan que certain juge accablant (il a été passif sous l’occupation, compromis avec les staliniens, démagogique avec les maoïstes), reste un homme épris de liberté qui dans son théâtre comme dans le reste de son œuvre, remet en question la société en défendant farouchement la liberté humaine. Peu de temps après Nekrassov, Sartre s’éloignera du parti communiste, à la suite de l’intervention soviétique en Hongrie, mais restera marxiste.
On retrouve, dans tout le théâtre de Sartre, cette opposition entre les nécessités de la vie politique et les illusions de la morale. Sartre, paraît-il, adorait Arsène Lupin !
Certains disent qu’il y avait du Lupin en lui, en particulier dans sa capacité de séduction verbale ; en tout cas il est certain que le personnage principal de Nekrassov est directement inspiré par le héros de Maurice Leblanc. Rien d’étonnant à cela de la part d’un homme qui dans « L’existentialisme est un humanisme » affirmait : « la liberté n’est pas de pouvoir ce que l’on veut, mais de vouloir ce que l’on peut » !
Jean-Paul Tribout
« On se marre à ce vaudeville politique admirablement servi par ses interprètes. » Marianne.
« Les comédiens dégustent leurs répliques, prennent des mines et des attitudes de vaudeville ; les décors s'escamotent avec une habileté digne de Valera, le fond sonore fait résonner Trenet et Mouloudji, et la mise en scène réunit tout cela dans un vif et délicieux va-et-vient. Exit l'actualité, place à la farce ! » Le Monde.
« Jean-Paul Tribout en grande forme… Rapidité, vivacité sont les maîtres mots de sa mise en scène. Toute la troupe serait à citer tant elle est homogène. » Valeurs Actuelles.
« On rit beaucoup. » Le Parisien.
« Quel étourdissant jeu de massacre ! » Politis.
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