Nous proposons à des artistes bien réels venant d’horizons divers d’être l’élément moteur dans l’élaboration d’une série de propositions théâtrales, entre autobiographie et autofiction. Une bulle gonflable transparente est donnée comme espace de création, à la fois cocon, loupe, lieu de projection physique et mentale.
À chacun de trouver une forme cohérente, un type de relation au public, pour faire partager les expériences qui l’ont constitué en tant qu’artiste. Au fil des rencontres, nous explorons l’histoire de l’art des cinquante dernières années et nous fabriquons, de notre côté, un prototype d’artiste tangent. Ce personnage récurrent inscrit son parcours fictif dans les différentes biographies dont il se nourrit. Ces biographies, réelles ou imaginées sont un des éléments qui constituent l’histoire de l’Art Tangent comme oeuvre d’art. Quelques remarques :
1. Il n’est pas nécessaire d’être vieux pour raconter sa vie.
2. Imaginer raconter sa vie de A à Z est une activité tangente, une façon, par le biais de la fiction, de hisser sa biographie au rang de projet artistique.
3. Si la fiction c’est moi, est-ce que le documentaire c’est les autres ?
Après le cinéaste Boris Lehman, nous avons abordé la deuxième tranche de l’ananas en compagnie d’Hubertus Biermann, cycliste, comédien et musicien. Nous avons imaginé, avec lui et Natascha Rudolf, qui l’a mis en scène dans La Contrebasse de Süskind, une forme spectaculaire pour revisiter son parcours d’artiste, entre le rock’n roll et Kurt Schwitters, John Cage et Arno Schmidt, sans oublier Fausto Coppi.
Odile Darbelley et Michel Jacquelin
Il s’agit d’une installation, une bulle d’air, accueillant l’AAA ( Artistes Anonymes Associés ) du jour et/ou la personne invitée. Entre eux les questions se posent d’abord en terme de territoire Autour, d’autres protagonistes et le public. Le dispositif jouera sur le dur, le mou, la transparence et l’opacité du blanc (comme le faisait remarquer Wittgenstein, le blanc, contrairement aux autres couleurs, ne peut être transparent). Le temps y est suspendu, entre le passé et le futur, le souvenir et l’oubli. Une image de la représentation, de la solitude, d’un isolement habité par l’expérience d’un récit.
Il s’agit d’une bulle gonflée d’environ 8 mètres de diamètre dans le plan horizontal et de forme elliptique dans le plan vertical, en plastique transparent. Cette bulle est posée sur un socle opaque haut de 50 cm qui permet les entrées et les sorties du dispositif ainsi que les installations techniques nécessaires à son fonctionnement (son, lumière, image, informatique, air…).
Ce dispositif est autonome et peut être posé sur un plateau de théâtre, dans une salle d’exposition et dans tout autre lieu intérieur. A chaque projet de définir et de se définir en fonction d’un espace jugé favorable à la proposition.
Représenter ce que c’est le fait d’être là, de se raconter. On est soi (soit) à l’intérieur soit à l’extérieur. La bulle matérialise la distance entre le point de vue de l’autre ou des autres et son propre point de vue. Dans l’idée de contour, elle définit un espace, oblige à se situer dans un dedans ou un dehors, à se glisser sous sa peau tendue ou à rester à sa périphérie.
Au-dedans ou en-dehors de ce dispositif, tous les aménagements sont envisageables comme, par exemple, la projection d’images à l’extérieur sur un cyclo et l’amplification du son, permettant la duplication des points de vue et des espaces.
A l’origine de ce projet il y a le constat que la parole directe nous a toujours plus intéressés que les écrits théoriques. Raconter sa vie, parler de ce que l’on fait, au-delà même du champ artistique, sont des activités sociales partagées au quotidien.
A cela s’ajoute les postulats de ce projet : d’une part qu’il n’est pas nécessaire d’être vieux pour raconter sa vie et d’autre part qu’on n’est peut-être pas l’artiste de sa vie.
Au-delà des genres, c’est l’occasion de renommer ou de dénommer des pratiques (qui se classent tout naturellement dans ce que nous appelons Tangent) ou plus simplement de préparer sa nécrologie.
Quand on meurt, on voit, paraît-il, sa vie, défiler. Dans ce projet, il y a l’idée de répéter, de s’entraîner pour maîtriser l’accélération finale et ne pas se rater au dernier moment.
Chaque spectacle ajoute un événement à notre existence, et ce nouvel événement pourra lui aussi être « revu ». L’expérience partagée de la représentation permet d’entrer dans l’intimité des protagonistes et de chaque spectateur. La bulle est une manière de se retourner pour avoir toujours la vie devant soi. (cf Ajar/Gary justement…) et éviter le dépôt de bilan.
Pour fabriquer ces biographies nous nous appuierons sur des interviews pour, d’une part, recueillir des micros expériences et pour, d’autre part, les situer de manière plus systématique par rapport à des « passages obligés » ou à des événements historiques partagés. Quelques questions à titre d’exemples :
Enquête personnelle :
Où étiez-vous quand vous étiez petit ?
Quel est votre profil d’artiste ?
Quel a été l’événement premier pour vous ?
Quel a été le premier film que vous avez vu au cinéma ?
Quel(s) métier(s) vouliez-vous faire quand vous étiez enfant ou adolescent ?
Quand êtes-vous mort pour la première fois ?
Quel est le modèle de paradis que vous souhaitez ?
On vous propose un pavillon à la biennale de Venise, qu’en faites-vous ?
Vous êtes le chaînon manquant entre qui et qui ?
Racontez votre rencontre avec quelqu’un de connu.
Savez-vous quels événements vous allez revoir au moment de mourir ? Si oui, lesquels ?
Enquête statistique :
A quel événement de la guerre d’Algérie vous sentez-vous relié ?
Qu’avez-vous fait en Mai 68 ?
Comment avez-vous fait pour échapper (ou tenter d’échapper) au service militaire ?
Vous avez raté votre permis de conduire ? Racontez pourquoi et comment.
Où étiez-vous et que faisiez-vous quand vous avez appris les événements du 11 septembre 2001 ?
Vous souvenez-vous de votre premier fax envoyé ?
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