Ce qui se passe ce sont des mots, des mots qui tombent, on ne sait pas où, on ne sait pas d’où. Des mots n’appartenant à personne, prononcés par une bouche n’appartenant à personne. La présence silencieuse, plaintive ou accusatrice, d’un Auditeur qui la regarde, oblige Bouche, par quatre fois, à tenter de dire « je ». Elle cherche au hasard des mots, des petits silences, des traversées de murmures malheureux, celui qu’elle doit lâcher, espérant que cet aveu la rendra au « doux silence de tombe » d’un jour d’avril, dans une prairie.
Avec Pas moi, Samuel Beckett lance au théâtre le défi d’aboutir à une image visuelle ou sonore, pleine d’intensités innommables, qui, en desserrant l’étreinte des mots dits par une voix qui n’aspire qu’au silence, amène le spectateur au plus près de lui-même, « aux aguets d’on ne sait quoi, un signe de vie ».
Nathalie Kourouma
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris