Un voyage au cœur même de l’acte créateur
Note de l'auteur
La clef des songes
Extrait
La compagnie des Lumières & des Ombres
L’écriture de Rêves démarre en 1999, juste après l’aventure fantastique de Littoral, spectacle joué 130 fois au Canada et en Europe, contre toute attente. Au sortir de cette expérience se posent quantités de questions, dont celle de la difficulté d’écrire autre chose après ce succès inattendu.
Wajdi Mouawad écrit donc une pièce sur le phénomène de l’écriture, comme un voyage au cœur même de l’acte créateur. La dimension indéniablement autobiographique de Rêves m’incite à penser que cette plongée introspective dans le geste artistique à l’état brut, recèle une universalité touchante et lumineuse.
Pour Wajdi Mouawad, la page blanche de l’écrivain s’envisage comme un point de contact, le champ d’amour, le lit de rencontre entre auteur et personnage. Là se trouvent réunis ceux qui se cherchent et partagent la même perte, toute forme d’absence, et qui, par leur union amoureuse, font naître leur beauté commune.
L’écriture de Wajdi Mouawad ose la rencontre avec l’émotion, une certaine forme de violence, une dimension tragique toute contemporaine et qui rejoint les Grecs antiques.
Le plus frappant étant le degré visible d’investissement personnel de l’auteur dans son écriture. Mais si Wajdi Mouawad compose un texte que l’on ressent, plutôt qu’une œuvre que l’on comprend, cette dimension organique, presque physique d’un texte théâtral, nous va droit au cœur, comme une parole qui nous appartiendrait et que l’on retrouverait après un long oubli. L’amnésie du lecteur-spectacteur fait long feu et les mots de Rêves sont notre nécessaire et intemporelle lucidité.
Guy Pierre Couleau (mars 2004)
« … Rêves se perd dans les méandres de mes peines, de ma colère et de ma rage. »
« Après avoir créé une dizaine de pièces, et après en avoir écrit six qui avaient toutes pour battement de cœur un personnage central qui essaie de trouver ce qu’il y a, dans sa voie et dans son existence, d’original, il m’a fallu arrêter pour respirer. Pour comprendre ce que pouvait signifier ce flot de mots sorti en si peu de temps.
Ce que j’ai cru comprendre, c’est que cette tentative de dire l’identité profonde de ma vie m’a poussé à brûler, en chacun de mes personnages, toute parole qui ne soit pas celle de l’humanité mais celle des conventions et du compromis. Comprenant cela, il devenait indispensable pour moi de pencher sur l’acte même de création. »
Wajdi Mouawad, extrait de la préface de l’édition de Rêves
Actes Sud-Papier, 2002
« Tu es un personnage et tu as tous les droits. »
Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves.
Seules les traces font rêver.
René Char in : « En trente trois morceaux »
Au début, le désordre, le chaos intérieur. L’ouragan d’une tête. Mais en silence, dans la solitude d’une petite chambre d’hôtel, à la morte saison. Un écrivain écrit un écrivain qui écrit. Telle est la proposition de Wajdi Mouawad pour ces « Rêves ».
À l’instar de Velasquez ou Escher, la question, ruban de Möbius au trait infini et dont l’intérieur devient le contour, la question donc devient l’œuvre d’art elle-même : « Et maintenant, qu’écrire encore ? » écrit l’auteur, (Wajdi Mouawad lui-même, à peine déguisé en un Willem de fiction), écrivain en travail devant sa page blanche, visité par les personnages de son imaginaire, traversé des corps, des visages et des questions que pose le geste de la création, de toute création artistique. D’une femme immobile à un homme ensanglanté, autant d’obsessions qui se re-présentent entre les murs de cette chambre, noire et mentale, révélatrice de paysages, de voyages, chambre d’hôtel semblable à la camera oscura du photographe, théâtre du monde et théâtre de la vie. Lieu de passage et de naissance.
Et lorsque Wajdi Mouawad s’interroge sur le lien Art-Monde, il fait intervenir un second personnage issu du réel, empli de souvenirs enfouis, de strates d’émotions et de douleurs, il fait intervenir l’hôtelière, tenancière des lieux, gardienne des clés de ce royaume des spectres, femme seule qui après avoir perdu son mari, voit à présent disparaître son fils.
C’est alors en cette perte que se joignent imaginaire et réel, cette perte qui constitue tout un chacun, cette absence, cette inéluctable disparition de toute enfance, de tout présent et de toute origine. Et lorsque les murs de la chambre se sont libérés des fantômes qui les habitent, lorsque l’espace vide de la feuille blanche est empli des mots de la fiction, l’écrivain retourne à la vie, continuant sa marche en avant, son voyage au fil du temps, son existence.
C’est en marchant vers ce qu’il se construit de lui-même, qu’il abandonne - mue de serpent la part de ce qu’il était pour se découvrir autre et nouveau.
Aujourd’hui, comment avançons-nous dans notre travail et que disons-nous sur nos scènes ? Quelle place faisons-nous à la pensée, à la diversité des pensées et à la richesse par cette diversité ? Que voulons-nous encore faire de nos idées et de nos croyances ? Que pouvons-nous encore construire (ou préserver) de notre liberté de pensée ? Que souhaitons-nous, que désirons-nous pour demain, de la connaissance de nous-mêmes au travers de l’Autre ? Où sont nos utopies ? Où sont nos rêves ? Interroger les formes de nos songes, les désirs secrets de nos cœurs, revient à explorer le sacré, le mystérieux de nos personnes, l’inviolé de nos esprits.
Ce voyage intérieur est le reflet de notre humanité.
Guy Pierre Couleau (janvier 2005)
« Willem : Voilà ! L’essence même de la raison qui pousse un personnage à apparaître à tel auteur plutôt qu’à tel autre est très simple : tous deux portent, au fond du cœur, la même perte ! Exactement la même ! C’est ce qu’on appelle le miracle de la création, celle qui se tient au-dehors de toute raison, de toute logique, celle qui vit en pleine liberté et qui est tout incompréhensible ! Qu’un être qui n’existe pas porte la même douleur qu’un être qui existe, et alors le papier, c’est le lieu de leur rencontre, le lit où ils finiront par baiser ensemble pour que, de leur perte, ils accouchent de la beauté qui est la leur. »
La compagnie Des Lumières et des Ombres (DL & DO), conventionnée avec le Ministère de la Culture - Drac Poitou-Charentes, a été créée en 1999. Associée au Moulin du Roc, scène nationale de Niort, elle s’est consacrée, sous la direction artistique de Guy Pierre Couleau, à la création de textes contemporains ou d’oeuvres majeures d’un répertoire classique peu connu. DL & DO s’efforce d’être un laboratoire, autant qu’un producteur de sens et d’images scéniques. C’est sur la présence de l’homme dans le monde, sur son origine et son devenir, au-delà des esthétiques et des modes, sur la présence physique de l’acteur que se construit aujourd’hui la recherche théâtrale de la compagnie.
La compagnie diffuse régulièrement ses créations au niveau régional, national et international. DL & DO est accueillie, par le festival d’Avignon, le festival Ouest-Nord-Ouest de Quimper, le Théâtre National de Lettonie ou encore l’école de théâtre de l’Université de Houston-Texas. Au delà de la seule diffusion, DL & DO collabore régulièrement à des activités pédagogiques, des résidences ou des ateliers avec le Théâtre de la Coupe d’Or à Rochefort, Le Théâtre -scène nationale de Poitiers, La Passerelle -scène nationale de Gap et des Alpes du Sud, le Nouveau Théâtre - CDN d’Angers, le CDN de Franche-Comté, La Passerelle - scène nationale de St Brieuc.
13, rue Maurice Labrousse 92160 Antony
Voiture : par la N20. Après la Croix de Berny suivre Antony centre puis le fléchage.
15 min de la porte d’Orléans.
Stationnement possible au parking Maurice Labrousse (gratuit à partir 18h30 et les dimanches), au parking du Marché (gratuit pendant 3h après validation du ticket de parking à la caisse du théâtre) et au parking de l’Hôtel de ville (gratuit pendant 1h15).