"Une seule chose me fait souffrir : devoir profiter seule de tant de beauté. Je voudrais crier par-dessus le mur : je vous en prie, faites attention à ce jour somptueux ! N’oubliez pas, même si vous êtes occupés, même si vous traversez la cour à la hâte, absorbés par vos tâches urgentes, n’oubliez pas de lever un instant la tête et de jeter un oeil à ces immenses nuages argentés, au paisible océan bleu dans lequel ils nagent. Faites attention à cet air plein de la respiration passionnée des dernières fleurs de tilleul, à l’éclat et la splendeur de cette journée, parce que ce jour ne reviendra jamais, jamais ! Il vous est donné comme une rose ouverte posée à vos pieds, qui attend que vous la preniez, et la pressiez contre vos lèvres." in Rosa, la vie, Lettres de Rosa Luxemburg, éditions de l’Atelier, 2009.
En septembre 2008, lors d’une soirée unique, Anouk Grinberg portait, avec une empathie et un engagement frémissants, ce chef-d’oeuvre méconnu de la littérature épistolaire, cette ode à la vie d’une femme tout entière tournée vers le bonheur. Elle revient pour dix représentations exceptionnelles avec une nouvelle partition.
J’avais envie de donner à entendre la voix d’une très grande dame de ce siècle, d’un génie de la vie. Presque toutes ces lettres ont été écrites alors qu’elle était en prison, où elle allait passer trois années pour s’être opposée à la guerre de 14-18. Ce ne sont pas des lettres politiques, ce sont plutôt des incitations à vivre, à rester bon « malgré tout et le reste », à rester humain. Tout enfermée qu’elle était, elle a continué d’aimer la vie et n’a pas cessé de donner à ses amis, qui eux étaient en liberté, des raisons d’espérer et de rester vaillants. À se demander, qui, d'elle ou des autres, était le plus emprisonné...
Mais comment cette femme a pu rester si vaste au fond d'un cachot, et ouvrir sans arrêt les portes de la vie ? D'où lui venaient cette joie, ce tact, cette grandeur ? Par quel miracle ont-ils résisté à une si longue adversité ? C'est ce mystère qui depuis trois ans m'aimante et me sidère, comme s'il y avait là un grand secret, ou du sacré, ou du soleil, ou de la beauté, puis je les ai lues en public (et j'ai vu que ce qui m'arrivait arrivait aussi aux autres) ; puis un éditeur m'a demandé de concevoir une anthologie de ces lettres de prison, et retraduire le tout. J'ai donc travaillé avec une traductrice pendant deux années dans la dentelle de ses pensées, de sa langue, et je peux dire que je n'ai jamais rien lu qui rende aussi heureux.
Anouk Grinberg
Le livre Rosa, la vie, Lettres de Rosa Luxemburg sort en librairie le 24 septembre 2009, coédition France Culture/éditions de l’Atelier, avec un cahier photos et un CD audio produit par France Culture. Les lettres ont été choisies par Anouk Grinberg, traduites par Laure Bernardi et Anouk Grinberg.
"L'enthousiasme allié au sens critique, que pouvons-nous souhaiter de mieux ? J'ai parfois le sentiment de ne pas être un vrai être humain, mais un oiseau... Au fond de moi, je me sens beaucoup plus chez moi dans un petit bout de jardin... ou dans la campagne, sur l'herbe, entourée de bourdons, que... dans un congrès du parti. À vous je peux bien dire tout cela : vous n'irez pas tout de suite me soupçonner de trahir le socialisme. Vous le savez, j'espère malgré tout que je mourrai à mon poste, dans une bataille de rue ou au bagne. Mais mon moi le plus profond appartient plus au mésanges charbonnières qu'aux camarades." Rosa Luxemburg
Rosa Luxemburg était un être de volonté, comme il y en a peu. Parfaitement maîtresse d’elle-même, elle savait refouler dans son âme la flamme toujours prête à en jaillir et garder, en toutes circonstances, des apparences de calme et de détachement. Sachant se dominer elle-même, elle savait former l’esprit des autres et le diriger. Sa sensibilité exquise lui faisait rechercher des moyens de se protéger contre les impressions du dehors, mais sous les aspects d’une nature renfermée en elle-même, elle cachait une âme délicate, profonde et riche, qui non seulement embrassait tout ce qui est humain, mais encore s’étendait à tout ce qui vit, et pour laquelle l’univers formait comme un tout solidaire. Il arrivait que celle qu’on appelait « Rosa la Sanguinaire », bien que fatiguée et surchargée de travail, retournât sur ses pas, pour remettre une chenille égarée dans l’herbe. Son coeur était ouvert à toutes les souffrances humaines. Elle ne manquait jamais de temps et de patience pour écouter ceux qui s’adressaient à elle, cherchant aide et conseil. Volontiers, elle se serait privée du nécessaire pour le donner aux autres.
Sévère envers elle-même, elle était pleine d’indulgence pour ses amis, dont les soucis et les peines lui pesaient plus que ses propres souffrances. Elle était d’une fidélité et d’un dévouement à toute épreuve. Celle que l’on considérait comme un esprit fanatique et exclusif, pouvait, lorsqu’elle se trouvait au milieu d’amis, être d’un entrain et d’un esprit pétillants. Tout le monde alors était sous le charme. La discipline qu’elle s’était imposée, sa fierté naturelle avaient développé en elle la faculté de souffrir, les poings serrés. Devant elle, tout ce qui était commun et brutal semblait s’évanouir. Petit être fragile et délicat, Rosa Luxemburg incarnait une énergie sans exemple. Elle exigeait à chaque moment d’elle-même le maximum d’effort, et y réussissait. Lorsqu’elle se sentait sur le point de succomber au surmenage, elle se « délassait » en s’imposant une tâche encore plus lourde. Le travail et la lutte lui donnaient des ailes. Il ne lui arrivait que rarement de dire : « Je ne peux », mais elle disait d’autant plus souvent : « Je dois ». Sa santé délicate et les circonstances adverses n’avaient aucune prise sur elle.
Entourée de dangers et de difficultés, elle restait toujours fidèle à elle-même. Son âme libre surmontait les barrières qui l’entouraient. Le citoyen Mehring avait bien raison de dire que Rosa Luxemburg était le plus génial d’entre les disciples de Marx. Aussi claire que profonde, sa pensée était toujours indépendante ; loin de s’en tenir aux formules traditionnelles, elle savait juger de la vraie valeur des choses, et des phénomènes par un effort personnel. Son esprit logique et pénétrant se doublait de l’intuition des contradictions par lesquelles passe la vie. Il ne suffisait pas à ses ambitions personnelles de connaître Marx, de comprendre et d’interpréter sa doctrine, elle voulait continuer à chercher et à créer dans l’esprit de Marx. Un style brillant lui permettait de mettre ses idées en valeur. Les thèses qu’elle développait n’étaient jamais des démonstrations sèches et arides, confinées dans les bornes de la théorie et du savoir. Toutes pétillantes d’esprit et d’ironie, elles vibraient d’émotion contenue et révélaient une culture générale des plus étendues et une grande richesse de vie intérieure. La grande théoricienne du socialisme scientifique qu’est Rosa Luxemburg était loin d’être une pédante qui tiendrait tout son savoir des livres et se bornerait pour toute nourriture spirituelle aux connaissances nécessaires dans sa partie : sa soif de savoir ne connaissait pas de limite et son esprit ouvert, sa sensibilité aiguisée lui faisaient trouver dans la nature et dans l’art des sources toujours nouvelles de jouissance et de développement intérieur.
L’idée socialiste dans l’esprit de Rosa Luxemburg était une passion à la fois puissante, à laquelle tout cédait, une passion à la fois du cerveau et du coeur qui la dévorait et la forçait à produire. La seule grande et pure ambition de cette femme unique, la tâche de sa vie fut de préparer la révolution qui devait frayer la voie au socialisme. Pouvoir vivre la révolution et participer à ses batailles lui paraissait le bonheur suprême. Avec une volonté de fer, un abandon d’elle-même, un dévouement que les mots sont impuissants à rendre, Rosa Luxemburg a mis au service du socialisme tout ce qu’elle était, tout ce qu’elle portait en elle. Le sacrifice de sa vie, elle ne le fit pas seulement le jour de sa mort, elle l’avait fait à chaque instant de son existence de lutte et de travail. C’est pourquoi elle était autorisée à exiger des autres aussi, qu’ils missent tout en jeu, et jusqu’à leur vie même pour le socialisme. Rosa Luxemburg restera une des grandes et éminentes figures du socialisme international.
Clara Zetkin, révolutionnaire allemande (1857 - 1933). Membre du parti démocrate depuis 1878, elle participa au mouvement spartakiste, puis adhéra au Parti communiste allemand (1919).
"[Cette lecture nous rappelle que] l'engagement ne va pas sans une puissance d'âme rayonnante. Une magistrale interprétation." Le Figaro
"D'émouvantes leçons de ténacité, d'énergie et d'amour de la vie." Télérama
"Tout au long du spectacle grandit une émotion intense. Empathie profonde d'une femme pour une autre." La Croix
"Une osmose déconcertante." Le JDD
"C'est passionnant." Le Monde.
"Grinberg dépasse la simple lecture et nous bouleverse." Le Pariscope
"Les petits bouts de femmes, parfois, parlent à l'avenir de l'homme." L'Humanité
A quand très très vite sur scène à nouveau?Il n'y a pas de place pour tout le monde et surtout pour les Provinciaux!
A quand très très vite sur scène à nouveau?Il n'y a pas de place pour tout le monde et surtout pour les Provinciaux!
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