Violence et hasard : dans l'auberge que tient Tikhone, ces deux puissances régneraient presque sans partage, si un faible éclat de pitié n'y brillait de loin en loin.
C'est le hasard qui a réuni là tous ces êtres voués à l'errance, pélerins, ouvriers, passants, à l'abri de la neige, du vent et du froid : « des mouches et des moustiques », dit Tikhone, « des petites gens », figures humbles et bien faites pour éveiller la sympathie de Bruno Boëglin. Une telle soirée, une telle auberge, n'ont rien d'abord qui mérite qu'on les distingue : ce que Tchekhov présente sous nos yeux est comme un échantillon quelconque prélevé par tirage au sort dans l'immensité de l'Empire russe, quelque part au milieu des années 1880. Les propos qu’échangent les hôtes de Tikhone, dans leur banalité, ne s'aventurent jamais très loin au-delà d'un étroit horizon quotidien où la religion même est un élément parmi d'autres. On a cru entendre parler de la beauté magique de Moscou ; on se vante d'avoir vécu soi-même « dans les villes » et de s'y connaître ; on croit savoir qu'ailleurs, au Kouban paraît-il, règne un perpétuel printemps et que là-bas, plus incroyable encore, « les gens s'entendent bien ».
Kouban, Moscou : nous sommes en Russie. Ce qui n'est pas forcément le principal aux yeux de Bruno Boëglin. Ce qui importe davantage, c'est que nous sommes parmi le peuple. Un petit peuple qui marche dans des chemins boueux, écoute les utopies et les rumeurs que colporte un soldat de passage, puis les propage à son tour parmi ses auditeurs de fortune. Ici, personne ne dit rien qui vaille la peine d'être noté, rien d'historique ni de sublime. Personne ne parle politique, n'échange de nouvelles ni ne lit le journal. C'est que l'on est bien trop pauvre pour cela, trop harcelé par la nécessité. Et c'est ici que la violence, à son tour, intervient dans les destinées.
Cette violence est d'abord une simple possibilité, faite d'indifférence et de brutalité ordinaire, de méfiance égoïste, de peur. Quand un ivrogne supplie le patron de lui faire crédit d'un seul verre, Tikhone refuse, et personne n'offre à boire au malheureux Bortzov. Avec l'entrée, peu après, d'un étrange vagabond nommé Méric, la violence latente se précise : cet individu louche est armé d’une hache. D'un côté, la dureté fruste, le chacun-pour-soi que tempère le goût de parler. De l'autre, malgré tout, quelques élans de pitié. Entre l'une et l'autre, comme pour arbitrer leur lutte sourde et trop inégale, le hasard qui préside aux rencontres.
Hasard qui remet en présence l'ivrogne Bortzov et Kouzma, lequel découvrira à l'assistance les malheurs conjugaux de ce propriétaire déchu, révélant ainsi un passé digne d’un feuilleton pour cœurs sensibles (aussi Boëglin et son assistant, Dominique Bacle, ont-ils entrepris de rêver une version de ce passé-là en reconstituant, à partir des œuvres de Tchekhov, un prologue qui nous permettra de saisir l'ensemble du tableau, sans être tributaires du seul point de vue de Kouzma). Hasard encore qui jette dans l'auberge celle par qui le malheur est arrivé : Maria, qui abandonna Bortzov aussitôt après leur mariage.
En apprenant le triste destin que cachait le silence de l'ivrogne, Tikhone, Fédia et d'autres lui offrent le verre qu'ils lui avaient auparavant refusé : tant il suffit parfois d'une histoire pour susciter la pitié. En voyant arriver Maria, Méric la supplie d'adresser à son mari « une parole douce », puis lève sur elle sa hache lorsqu'elle tente de fuir : tant il suffit parfois d'un visage pour déchaîner la violence. Ainsi le veut le hasard qui règne sur la grand’route. Mais c'est à la pitié que Tchekhov laisse le dernier mot - une pitié à venir que l'on invoque dans un cri.
salut bruno je suis herve le cointe fils de michel et jeannine le cinema le canut a lyon et le theatre de la cite michel est decede en 2009 cela fait deja lontemps que je voureait de tes nouveelles je suis bi'en content d en avoir par internet nous spmmes toujours a semur je v&is a lyon souvent et je bosse en cuisine a bientot ton filleul herve le cointe
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