Tac

L'histoire bouleversante d'un homme que l'on prive de sa vie et de son passé, Job de notre temps à qui l'on a enlevé la possibilité de comprendre pourquoi le malheur s'abat sur lui. Laurent Brethome retravaille la pièce de Philippe Minyana et touche à notre humanité.
  • La création

Après un magnifique Bérénice la saison dernière, Laurent Brethome, revient avec sa nouvelle création, mais cette fois-ci en tant que nouvel artiste en résidence au Théâtre Jean Arp.

Au départ est le fait divers : un homme de 70 ans a tellement accumulé de journaux dans son appartement du XXème arrondissement de Paris qu’il ne peut plus y entrer.

Il dort donc sur la paillasson ou chez ses maîtresses. Une fois par semaine, il va chercher son courrier. Jusqu’au jour où une fuite d’eau chez un voisin fait écrouler le plancher.

Copropriétaires et éboueurs décident de tout jeter, journaux, meubles, affaires personnelles. Quand le vieil homme rentre chez lui pour récupérer son courrier, il n’a plus rien, plus d’affaires, plus d’histoire…

En 2001, paraît Pièces de Minyana. 10 ans plus tard, Minyana offre cette pièce à Laurent Brethome dont il admire le travail. Il la remanie, coupe, épure. Tac est née. Le talent de Laurent et de ses comédiens va faire le reste.

  • Mot de l'auteur

TAC. Un homme, si différent des autres hommes, qu’il accumule chez lui, vieux journaux et collections, jusqu’à ce que chez lui, on ne puisse plus pénétrer. Et la logique sociétale se met en place. Dénonciation. Évacuation. Expulsion. Alors l’homme va errer, se mettre en quête de ses origines, recomposer sa famille, ses amis éparpillés. Après le périple, il perd pied. Il a quitté la réalité. Il a « chuté ».

C’est ainsi, que partant du fait divers (histoire lue dans le journal), on tisse l’Allégorie : « la chute de l’homme » ou bien encore « comment l’on résiste à la normalité et comment la normalité triomphe » ou bien encore « la solitude de l’homme est si grande qu’il en mourut ».

À l’Art Dramatique d’œuvrer, de mettre en partition l’essence même du théâtre, à savoir reconstituer à l’infini nos mythologies occidentales.

Philippe Minyana

  • Mot du metteur en scène

Et le public entre…

Une femme est assise sur une chaise en avant-scène et le regarde. Elle lui sourit. Derrière elle, des marches qui montent vers une grande fenêtre qui donne à voir un horizon sans perspective ; cadre en bois, carreaux sans taches, lumière douce et apaisante… Et le public est entré. Et les portes de la salle se ferment. Silence.

Soudain la femme se lève, fait tomber sa chaise, gravit les marches avec frénésie et se jette les bras en croix par la fenêtre. Son corps n’est plus visible. Il est retombé lourdement derrière les marches. Elle s’est défenestrée sous nos yeux. Immédiatement apparaît sur le plateau quelqu’un qui pourrait être Mike Brant… il entonne un refrain lancinant qui reviendra souvent dans nos oreilles… Alors peut commencer notre intrigue policière du quotidien... Notre opéra monstrueux.

Pourquoi cette femme s’est-elle défenestrée ? Où sommes-nous ? Qui est Tac ? Le reste est à écrire en répétitions puis avec le public…

Ce qui m’a immédiatement excité avec cette pièce, c’est d’abord cette histoire totalement bouleversante d’un homme que l’on prive de sa vie et de son passé. La figure de Tac est pour moi celle d’un Job de notre temps, d’un sacrifié à qui l’on aurait enlevé la possibilité de comprendre pourquoi le malheur s’abat sur lui.

Toujours désireux d’interroger des écritures et des formes nouvelles, je décide de passer au plateau et demande à l’auteur (Ah la joie, pour moi nouvelle, de pouvoir travailler main dans la main avec l’auteur à mes côtés !) de retravailler l’œuvre, de l’épurer et de réinterroger certains passages qui me paraissent obscurs.

À la lecture il est évident que cette pièce peut paraître difficile, fragmentée ou didactique… on perçoit pourtant très vite à quel point elle peut être drôle et toucher à l’humanité de chacun… cette pièce est un objet théâtral non identifié qui ne ressemble en rien à ce que j’ai pu lire depuis des années.

Il s’agit bien de s’attaquer à une œuvre rare… ce « Tac » est pour moi un vrai défi de mise en scène et questionne mon rapport frontal à la représentation d’un monde de conscience et d’inconscience… David Lynch n’est pas loin… et pourtant aussi près qu’Étienne Chatiliez…

Je me lance donc en apnée dans la douce musique de la parole quotidienne et je décide de convoquer avec mon équipe les voix de celles et ceux qui ont composé mon passé.

Et de manière très personnelle je pense à mes grands-parents au moment d’attaquer le travail… je pense à cette nuit d’août 1942 où, quittant le port bombardé de La Rochelle, ils enfourchaient deux vélos et se dirigeaient vers La Tranche-sur-Mer pour échapper à la folie de la guerre… Ils n’avaient plus rien que ce qu’il y avait sur leur porte-bagage… un enfant, quelques papiers et des vêtements… Eux ont fait un choix… Tac, lui, ne l’a pas eu.

Je veux mettre en scène ce que j’ai perdu. Je veux mettre en scène ce que nous pourrions tous perdre.

Laurent Brethome, septembre 2011

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Théâtre Jean Arp

22, rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart

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22, rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart
Spectacle terminé depuis le dimanche 21 avril 2013

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