À la croisée de la performance et du concert live, Tchoko mêle Afrotrap, RnB et électro pour traiter de la dépigmentation comme dualité identitaire. Cette addiction destructrice résulte d’un fantasme d’être claire de peau, un des critères de beauté en Afrique subsaharienne. L’objectif étant le modèle occidental. À partir de 14 ans.
À partir de 14 ans.
Elle s’appelle Gloire. Depuis qu’elle est petite sa mère lui dit qu’elle est noire avec des cheveux crépus. Pour s’échapper de ces réflexions, elle décide avec son comité de copines « I’m a survivor », chanson célèbre du groupe Destiny’s Child, de se défriser les cheveux et de se tchokoter la peau, dans l’espoir de ressembler à son idole Beyoncé.
Elle « tchokote », en lingala, cela signifie « s’éclaircir la peau ou se chauffer la peau ». Pour cela, elle utilise le produit n°1 des ventes : CAROLIGHT. Un nouvel enjeu dans la vie de cette adolescente qui entrave toutes les lois pour défier le système, tenter de survivre et de trouver sa place.
J’écris Tchoko, dans la sueur, arrachant de ma mémoire une histoire que je savais universelle, actuelle et profondément politique. Tout commence dans une petite ville du Loir-et-Cher à Blois, où j’assiste au spectacle de la dépigmentation volontaire de la peau. Je remarque que les femmes, les mères et les jeunes filles, se transforment, se changent, se déforment, se défigurent. Je m’interroge sur la quête du désir de soi et de l’identité, un voyage complexe, marqué par des expériences personnelles, des questionnements intérieurs et des influences sociales et contemporaines. C'est à la suite de mon troisième voyage au Congo-Brazzaville, où j'ai résidé plusieurs mois dans la ville de Pointe-Noire, que je constate que c’est une vielle tradition, se dépigmenter est une pratique aussi anodine que celle de se maquiller, on l'appelle même : « le maquillage ». Mon premier matériau a été l’enregistrement et la création d’archives sonore et visuelles. Je possède donc des pièces vivantes et intemporelles pour commencer l’écriture et construire une langue verticale, sensible et réaliste.
Voilà des femmes, des mères, des jeunes filles, qui se fabriquent, s’essayent ou achètent les produits à la mode pour conquérir et traverser ensemble le racisme et les discriminations qu’elles subissent. Pour survivre et lutter contre les oppressions et les injonctions des normes de beauté, certaines femmes n’hésitent pas à se dépigmenter la peau ou à se défriser les cheveux. Beaucoup pensent que ce sont des choix personnels, mais comme le souligne la sociologue Juliette Sméralda, le poids des influences culturelles, familiales, médiatiques, et même économiques, façonnent ces choix, tout en soulignant la toxicité des produits utilisés pour atteindre ces standards de beauté. Dans l'émission Les Femmes puissantes présentée par la journaliste Léa Salamé, la chanteuse française Aya Nakamura explique qu'on l'a incité à s’éclaircir la peau pour « être plus belle ». Une incitation souvent dictée par les lois de l’image et des médias découlant de l'histoire de la représentation de la femme noire toujours invisibilisée dans les espaces de pouvoirs et de réflexions la réduisant à un imaginaire encore colonial.
Un challenge d’écriture qui parle de manière libre de la dépigmentation, comme dualité identitaire et addiction destructrice, résultant d’un fantasme d’être claire de peau, un des critères de beauté en Afrique subsaharienne. L’objectif étant : le modèle occidental.
Olivia Mabou
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