Les derniers jours de Toby, star mondialement connue, hantée par la figure du diable sous les traits d’une petite fille. Les tous derniers jours, l’inexorable pente tragique, une descente aux enfers à l’intérieur du crâne de Toby. La folie d’un homme possédé par ses visions et hallucinations. Le destin tragique et lumineux. Les proches sont là, le cercle des proches qui entourent la star et assistent, impuissants, à sa destruction. Le chœur est là, aussi, qui fabrique la légende de Toby. Tous sont là, assistant à l’inéluctable fuite en avant, jusqu’au tout dernier saut.
Night-club, hôtel, aéroport, hôpital, plateau de télévision… : la traversée de plusieurs espaces, de plusieurs mondes, comme autant de cercles de l’enfer, une descente progressive, une chute infinie. La fuite en avant d’un jeune homme, star mondiale, divinité moderne, confronté à son propre vide, à la vertigineuse sensation de la perte de soi. La rencontre d’une petite fille (petit diable, fantôme), un jour, a créé un blocage, provoqué un doute, dans le parcours tout tracé de cet individu au sommet de sa gloire. Un grain de sable est entré dans le système, a déréglé la mécanique et l’entraîne dès lors dans une course irrémédiable vers la mort. Une course qui s’accélère, qui est volonté d’échapper à son propre néant. Mais un néant qu’il faudra affronter pour le dépasser. Une course face à laquelle il n’y aura bientôt plus d’autre solution que de l’accélérer davantage, seul moyen peut-être de maîtriser l’inéluctable. S’abandonner à la nécessité. Aimer son destin. Amor Fati. Sauter dans le vide. Faire le grand saut. Hors de soi. Reconquérir son identité en acceptant sa perte, même en la désirant. Ne plus faire « un bloc unique et inamovible » mais devenir « tout une multitude mouvante », devenir la foule, devenir le monde. Donner son corps en pâture. Destin tragique des véritables étoiles.
« Un individu acquiert un véritable nom propre à l’issue du plus sévère exercice de dépersonnalisation, quand il s’ouvre aux multiplicités qui le traversent. » Gilles Deleuze
TOBY. Je marchais dans la ville. J’avais décidé de marcher dans la ville, un soir, de ne pas rentrer. J’avais échappé à la surveillance de mon équipe après un concert - c’était après un concert. Je m’étais enfui et je comptais rejoindre mon hôtel à pied. Et je m’attendais un peu à ce qu’on se retourne sur mon passage, qu’on me reconnaisse, je m’attendais à certaines manifestations. Mais, personne ne se retournait, personne ne me reconnaissait. Non, à mon grand étonnement, ce fut l’inverse, c’est moi qui reconnaissais chaque chose. Moi qui me reconnaissais en tout. Et ce fut tout d’abord une sensation horrible, cette sensation de se voir en chaque visage, de se reconnaître dans la grimace d’un petit garçon, l’ébriété d’un clochard ou l’effronterie d’une jeune fille. Cette familiarité m’était pénible. Je me voyais partout, je me reconnaissais, et c’était une sensation horrible, un haut le cœur me prenait à chaque pas.
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