L’histoire
Intentions de mise en scène
Adèle et Ernestine, deux sœurs orphelines, vivent isolées dans la maison familiale. Adèle assume son rôle d’aînée. Leur seul contact extérieur est M. Zombrovitch, collègue et ami de leur père célèbre zoologiste décédé. Ernestine veut prendre la relève du père et préfère la compagnie des animaux à celle des hommes.
Comment ces trois univers cohabitent-ils ? Que ce cache-t-il sous cette apparente banalité quotidienne ?
Dans un climat de tension et d’étrangeté, ces trois individus tentent de s’épanouir, ou du moins de réaliser ce qui leur semble bon.
Les plus beaux textes de théâtre traversent le temps et les époques pour nous livrer chaque fois une idée, une sensation dont la résonance est nouvelle.
Toi et tes nuages de Eric Westphal a été créée pour la première fois en 1971. Quelques décennies plus tard, je découvre ce texte dont les images et le message me touchent. C’est une pièce forte sur l’enfermement, qu’il soit physique ou religieux, l’amour et le pouvoir. Il nous a paru important de mettre l’accent sur les rapports entre Ernestine et Adèle, sur leur relation de dépendance. Elles ne peuvent vivre l’une sans l’autre, et pourtant leur vie commune se soldera par un échec. Mais à cause de qui ? Qui est fou ou folle ? Qui est raisonnable et sait ce qui est bon pour l’autre ? N’est-ce pas ceux qui accusent les gens de folie qui en font des fous ? Qui tient les rênes et manipule les autres ? C’est à partir de ces interrogations que nous avons créé notre spectacle, refusant une lecture manichéenne de la pièce. Adèle est-elle vraiment sincère ? Ne manipule-t-elle pas sa sœur ? Ernestine est-elle vraiment folle ou est-elle sadique ? Monsieur Zombrovitch n’est-il pas lui même responsable de la manie d’Ernestine en lui fournissant des singes ? N’est-ce pas lui aussi qui décide de cette fin tragique en la sevrant de sa drogue ?
La mise en scène et la scénographie créent une atmosphère trouble et « irréelle », elles suggèrent au spectateur de construire son histoire et de répondre lui-même à ces questions ouvertes. Rien n’est démontré. Le spectateur pourra tour à tour comprendre, défendre chacun des personnages, et peut-être même compatir…Car les personnages d’Eric Westphal ont tous leur part d’ombre et de lumière et ne se révèlent qu’en partie au contact de l’autre.
Dans cet univers essentiellement féminin, « l’homme » occupe une place particulière, à la fois ciment entre les deux femmes et élément séparateur, avec toujours l’ombre portée du père.
Les deux personnages masculins interprétés par un seul comédien qui se change et se maquille à vue du spectateur, renforce cette idée d’ambiguïté et de frontière indiscernable entre la réalité et le rêve, entre la folie et la raison, entre la vérité et le théâtre.
Aurélie Rolin
3, rue des Déchargeurs 75001 Paris