La pièce
La fabrique de l’homme
La presse
Depuis sept ans les Grecs assiègent Troie. Mélénas est un cocu. Hélène une catin. Achille et Ajax, des bouffons. Mais la guerre n'est pas une chose bouffone. Des Troyens et des Grecs meurent, Troie périt. Les héros invoquent les dieux, mais il n'y a pas de dieux dans Troïlus et Cressida. No dieux, ni fatum. Mais alors, pourquoi faire la guerre ?
Dans un camp et dans l'autre, il n'y a pas que des imbéciles pour la faire. Ni Nestor, ni Ulysse, ni même Agamemnon ne sont des imbéciles. Ni Priam, ni Hector, ni Troïlus qui a soif d'absolu.
Dans aucun autre drame de Shakespeare, les héros ne se livrent à une analyse aussi violente et passionnée d'eux-mêmes et du monde. Ils veulent choisir en toute conscience. Ils philosophent, mais ce n'est pas de la philosophie facile ni apparente. Et ce n'est pas seulement rhétorique pure.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? C’est en marchant, c’est dans l’acte même de vivre que chacun d’entre nous, sans cesse, se pose la question pour lui-même. Aux « frères voyants » est dévolue la tâche de rendre publique la question en mettant en avant le fait que cette dernière ne peut être que subjective.
Le théâtre a toujours été un des outils que l’homme s’est inventé pour briser l’isolement de chacun d’entre nous devant la bénéfique douleur de son interrogation personnelle. C’est là qu’aujourd’hui, Shakespeare me bouleverse, surtout avec Troïlus et Cressida, justement parce qu’avec son côté mal fichu cette pièce n’apaise en rien la douleur de la question.
Bernard Sobel
« Qu'ils peuvent être trompeurs, les reflets que nous renvoient la réalité et le regard des autres... Comme sont trompeurs les reflets déformés, toujours mouvants, que renvoie le magnifique décor de miroirs dans lequel Bernard Sobel inscrit sa version de Troïlus et Cressida. Et qu'il est difficile de se faire une image juste de soi-même et de ses actes dans les miroirs déformants de la gloire, du pouvoir et de l'amour, semble dire Shakespeare avec cette pièce infernale. (…)
"All the argument is a whore and a cuckold", nous dit le bouffon Thersite. Autrement dit, en français : "Tout ça à cause d'une putain et d'un cocu..." La voici donc, cette pièce quasi inconnue en France, que les metteurs en scène ne montent pas parce qu'elle est difficile, touffue, complexe, composite, mêlant vers et prose, tragédie et comédie, bouffonnerie et méditation métaphysique, en une sorte de laboratoire qui permettra l'éclosion des oeuvres majeures - Troïlus et Cressida est quasi contemporaine de Hamlet (1601).
(…) Bernard Sobel, aidé par la traduction vive et contemporaine de Bernard Pautrat, a réussi à faire de cette pièce rugueuse, mineure dans l'oeuvre du grand Will, une très belle soirée reposant sur tous les pouvoirs du théâtre, qui aurait gagné à être légèrement raccourcie. Dans cet étonnant décor de hautes colonnes mouvantes, où les miroirs renvoient de subtils jeux de noirs et de lumière, il dirige à la perfection quatorze remarquables comédiens. Un véritable ensemble comme on aimerait en voir plus souvent sur les scènes françaises : homogène, faisant vivre le texte dans tous ses replis, farce, tensions dramatiques, méditations poétiques. » Fabienne Darge, Le Monde, 3 avril 2005
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