À partir de 12 ans.
« Ce qu'il y a de terrible avec la mémoire c'est qu'on la sait condamnée à disparaître. »
Après dix ans de guerre, Troie, mise à sac et incendiée, est tombée.
Les Troyens sont massacrés par les vainqueurs grecs qui prennent comme butin les femmes illustres de la cité.
C’est aux grandes figures de la tragédie antique - Hécube, Hélène, Cassandre et Andromaque - que cette pièce redonne toute la puissance de la charge orale contenue dans le texte grec. Ce spectacle interroge, à travers la mémoire d'Hécube et la chute de son monde, le refus d'oublier et de se soumettre. Lorsque la douleur est indicible, le héros chante. Chant polysémique d'une génération qui témoigne du bonheur ravi plutôt que d'énumérer les souffrances... Pour rester en vie.
D'après Euripide.
L’histoire des Troyennes, car il s’agira de la raconter, nous l’avons pour la plupart en tête, sous formes de fragments, comme un souvenir universel parfois incomplet. Pour ma part, cela fait 10 ans que cette histoire me suit, et murmure à mon oreille de ne pas oublier ce qui, sur les bancs de l’école de théâtre, m’avait fait dire « je serai metteur en scène pour ce texte ». Le moment du passage à l’acte est arrivé, et je suis, comme Hécube au milieu des cendres, à ne pas bien comprendre ce qui s’est passé et comment reconstituer les pièces de puzzle.
J’ai choisi la version d’Euripide précisément pour sa forme séquencée, sertie de détails sur la grande Grèce de l’époque, comme pour ne pas isoler le sort des personnages du fracas historique. Mais j’ai choisi aussi d’interroger à nouveau ce grand texte pour y donner toute la dimension personnelle qu’il avait eu pour moi.
Questionner à nouveau cette oeuvre, d’abord par le biais d’une adaptation nouvelle mais aussi par la présence d’une équipe nombreuse (artistes, techniciens...) présente à chaque étape de travail.
Car non, je n’ai pas vécu le feu, le viol...Non, je n’ai pas été une reine puissante et je ne suis pas devenue esclave d’un seul coup... Non, on ne m’a pas arraché mon enfant pour le jeter des remparts et je n’ai pas prophétisé la chute des Atrides.
Ce que je sais, en revanche, c’est que tout comme Hécube, j’ai, l’obsession de la mémoire, du souvenir... Ce que je sais, c’est que je suis une femme Noire et Juive et que comme les Troyennes de mon histoire, je me suis parfois trouvée dans ce moment de la mémoire qui n’existe plus car on la sait condamnée à disparaître. Comme ces Troyennes, j’ai eu l’obsession du passé et du futur, quand l’identité avait été incendiée.
Ce que je souhaite, à travers cette mise en scène, c’est raconter au spectateur, précisément ce moment de présent où l’on est en vie. Dans les cendres, dans les larmes, peut-‐être, mais où l’on est en vie. Je souhaite affirmer à nouveau que les textes de plus de 2000 ans résonnent encore à nos oreilles, grâce à la puissance de leur charge orale. Je souhaite que le temps s’arrête, et que comme pour Hécube, les fantômes réapparaissent. Je souhaite faire appel à la mémoire du spectateur, à sa propre histoire, à son actualité...
Si comme dans la pièce Andromaque d’Euripide « les morts se moquent des beaux enterrements », alors notre chute de Troie érigera ceux qui sont en vie.
Laëtitia Guédon
Kevin Keiss et Laëtitia Guédon ont été accueillis en résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon
Datée de 415 avant J.C, Les Troyennes raconte l’immédiate après guerre du point de vue des femmes.
Pourtant, chez Euripide, les vainqueurs d’aujourd’hui seront les vaincus de demain. Notons que les Troyennes est la troisième partie d’une trilogie perdue mais dont nous connaissons les enjeux des deux premières tragédies qui toutes s’intéressaient au cycle troyen.
Ici, pas de dessin progressif de l’action. La pièce se déroule à l’aune d’un éclairage d’emblée placé sous le signe de la destruction. Peu importe que l’on ne prête plus aux dieux la seule responsabilité des événements tragiques, le malheur a seulement moins de sens ayant perdu tout à la fois la signification que lui conférait la théologie eschyléenne et la valeur d’épreuve que lui laissait la piété sophocléenne.
Le temps d’Euripide est celui où l’homme vit des souffrances qui désormais existent pour elles-‐mêmes, sans fournir ni leçon ni modèle, ni possibilité de résister. Les actes comptent surtout pour les sentiments qu’ils entraînent et pour lesquels la pitié l’emporte sur la crainte.
Les tragédies antiques ont beaucoup été traduites pour l’usage scolaire, c’est à dire pour la lecture silencieuse. Traduire cette pièce implique donc l’extrême nécessité de rendre à la langue d’Euripide la puissance de sa charge orale. La difficulté de traduire un poète grec en français réside essentiellement dans le fait que l’on passe d’une langue casuelle à une langue non casuelle. Le grec, en effet, peut librement déplacer les mots dans la phrase puisque leur fonction n’est pas, à la différence du français, indiquée par leur place mais par leur désinence casuelle. Aussi, peut-‐il rapprocher un adjectif d’un nom auquel il ne se rapporte pas et jouer, par exemple, sur leur proximité sémantique.
Le système casuel du grec offre des ambiguïtés que n’offre hélas pas le système prépositionnel du français. Les jeux de polysémies morphologiques et syntaxiques sont systématiquement utilisés par les poètes grecs qui, dans ce but, éliminent les prépositions pouvant rétablir une monosémie. D’une façon générale, nous avons donc choisi d’expliciter ces polysémies, de transcrire les rapprochements sémantiques ne conservant pas la concision du grec qui apparaît davantage comme un effet de langue que comme un effet d’écriture. Autre différence notable et dont nous avons tenu compte : les textes anciens ne possèdent pas de ponctuation car ils n’étaient pas faits pour la lecture silencieuse. Par souci de lisibilité et en vue du travail scénique, nous avons opté pour l’usage de l’alinéa, supprimant ainsi toute ponctuation, laissant les comédiens libres de respecter les unités de son et de souffle proposées.
Des strophes rendront visibles les unités de rythme, fondamentales dans le texte grec en fonction des variations métriques. On accordera notamment une place importante aux passages chantés. L’idée qui guide cette traduction est de ne pas fermer les sens mais de les laisser ouverts en proposant des choix de dictions à faire par l’interprète. Le début ou la fin d’un vers peut être modulé selon l’interprétation et non selon une ponctuation visant à normaliser la poésie du texte. On tentera également, de marquer les différences de styles de langues, préservant les décalages présents dans l’écriture d’Euripide.
Enfin, certaines équivalences culturelles sont à trouver afin d’éviter les zones d’obscurités et les contresens chez l’auditeur (zones géographiques nommés par leur nom actuel plutôt que leur nom antique par exemple.)
L’idée pour cette traduction fut donc de ne s’écarter du texte que pour mieux le retrouver, et ceci en passant toujours par la culture grecque.
Kevin Keiss
Prendre un chef-d'oeuvre absolu comme les Troyennes d'Euripide et le massacrer ainsi relève de la malfaisance ou de la folie. Toutes les limites du ridicule sont explosées dans cette mise en scène grotesque où tout n'est que contresens et absurdités. Honte sur ceux qui y ont participé. Vive Euripide !
un spectacle trés émouvant, créatif, contemporain celà m'a enchanté sur le moment et j'y pense souvent depuis...
Pour 2 Notes
Prendre un chef-d'oeuvre absolu comme les Troyennes d'Euripide et le massacrer ainsi relève de la malfaisance ou de la folie. Toutes les limites du ridicule sont explosées dans cette mise en scène grotesque où tout n'est que contresens et absurdités. Honte sur ceux qui y ont participé. Vive Euripide !
un spectacle trés émouvant, créatif, contemporain celà m'a enchanté sur le moment et j'y pense souvent depuis...
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