Une année sans été

<strong>Joël Pommerat</strong> met en scène la première piè
Joël Pommerat met en scène la première pièce de Catherine Anne, habitée par la fragilité violente de la jeunesse. Tout ici en parle, et du besoin de s’arracher à la « mort sédentaire » pour trouver sa voie ou s’exposer à son tour au monde, entre besoin d’amour, désir de créer et urgence du mouvement.
  • Un passage

Une année sans été, texte de jeunesse de Catherine Anne, est inspiré par la vie du poète allemand Rainer Maria Rilke. Aux prémices de la Première Guerre Mondiale, cinq jeunes adultes vont traverser ensemble un automne, un hiver et un printemps. Tous sont confrontés au passage entre enfance et âge adulte. Les questions propres à cette période de la vie se bousculent : enchevêtrement des désirs et des peurs, révolte contre l’ordre établi, séparation des parents et besoin de créer de nouveaux repères, tension entre utopie et recherche d’authenticité.

Ce projet unique dans le parcours de Joël Pommerat et de ses collaborateurs a pour objectif de mettre en situation de création un groupe de jeunes gens entourés des personnalités habituelles de la Compagnie Louis Brouillard. Ceci afin de transmettre et partager une expérience artistique et professionnelle.

  • Fragilité violente de la jeunesse

Une année sans été, cela laisse trois saisons, une par acte, en commençant par l’automne – temps des rentrées, donc des départs et des migrations. Gérard veut écrire, il va partir de chez lui, loin de sa ville natale et des bureaux de son père. Gérard a dix-neuf ans, il est bien jeune pour être prudent : une fois à Paris, il avisera. En attendant, tout à son exaltation, il est aussi lyrique que décidé – mais pour peu qu’on l’écoute vraiment et qu’on prenne garde à son projet, le voilà déjà moins sûr d’avoir fait le bon choix. Celle qui l’écoute si profondément, qui l’interroge et l’encourage dans son français maladroit d’Allemande, est à peine plus âgée que lui. Elle aussi voudrait écrire ; elle non plus ne va pas tarder à s’en aller, mais plutôt du côté de l’Angleterre. Avant de traverser la Manche, Anna viendra cependant rendre visite à Gérard. Dans une rue froide de Paris, il lui raconte sa solitude et lui demande en vain de rester, comme s’il n’avait pas vu avec quelle douceur attentive la petite Louisette, la fille de sa logeuse, veillait sur lui à mesure que les journées se faisaient plus courtes...

Ainsi commence Une année sans été, la première pièce qu’a publiée Catherine Anne en 1987. De ses cinq personnages – deux hommes, trois femmes – aucun n’a plus de vingt ans. L’intrigue est simple et hasardeuse. Les rencontres se font en tâtonnant, les amitiés se nouent puis se défont, les sentiments se dessinent tant bien que mal tandis que les questions se bousculent, maladroitement, cruellement.

Pour son coup d’essai, Catherine Anne (qui dit de son texte qu’il fut « librement inspiré par la vie et l’œuvre de Rainer Maria Rilke ») a réussi une pièce habitée par la fragilité violente de la jeunesse. Car il n’est question que d’elle. Tout ici en parle, et du besoin de s’arracher à la « mort sédentaire » pour trouver sa voie ou s’exposer à son tour au monde, entre besoin d’amour, désir de créer et urgence du mouvement. Joël Pommerat, sensible à cette jeunesse d’un temps révolu, a suffisamment aimé cette pièce pour désirer la mettre en scène. Pour cela, il ouvre une parenthèse dans sa propre carrière de « créateur de spectacles » afin de se mettre au service d’une autre écriture que la sienne. C’est donc à travers sa vision que nous sera révélé ce qu’il advint de la saison manquante – et comment, dans ces destins presque sans histoire, le couperet de la grande Histoire finira par s’abattre.

  • Entretien avec Joël Pommerat

Un sentiment de nostalgie
Ce projet est unique dans le parcours de Joël Pommerat et de ses collaborateurs. Il a pour objectif de mettre en situation de création un groupe de jeunes gens, comédiens mais pas seulement, entourés des personnalités habituelles de la Compagnie Louis Brouillard, afin de leur transmettre une expérience artistique et professionnelle. Pour pouvoir se consacrer entièrement à ce projet d’accompagnement et de transmission, Joël Pommerat a décidé exceptionnellement de ne pas écrire et de partir d’une œuvre déjà existante : Une année sans été, de Catherine Anne.

Pourquoi un projet de transmission ?
On m’a beaucoup sollicité pour intervenir dans des écoles de théâtre, pour travailler avec de jeunes comédiens de ces écoles. J’ai quasiment toujours décliné. Je ne me sentais pas très à l’aise, comme en contradiction avec une conviction essentielle qu'on pourrait résumer comme ceci : devenir comédien ou artiste ne s’apprend pas, et surtout, l’école est bien souvent un lieu de déresponsabilisation. Le terme d’école en lui-même, qui induit un rapport d’élève à maître, me paraît problématique. Ma conviction : c’est en plaçant les personnes dans les conditions réelles de la création et de la vie d’un spectacle sur la durée qu’on les fait mieux évoluer et grandir. J’ai eu envie aujourd’hui de mettre en place, avec ma compagnie, un projet qui soit une réponse concrète à ces interrogations et convictions. Projet que j’aimerais inscrire dans la durée, et renouveler tous les trois ans.

Pourquoi un texte d’un autre auteur ?
Dans ce cadre, je ne me « sentais » pas d’aborder le théâtre de la même manière que d’habitude. Ne pas écrire, me tenir un peu en retrait, cela me permettra de me consacrer entièrement à l’accompagnement des jeunes gens embarqués dans ce projet.

Et pourquoi ce texte-là ?
Ce texte, à ma connaissance, est le premier de Catherine Anne. Il met en scène cinq jeunes garçons et filles confrontés aux grandes questions de l’existence : la création (au sens artistique et existentiel), la question du devenir, de la responsabilité face à son avenir, ainsi que l’amour et la mort. L’action se situe au début du XXe siècle. L’écriture est simple, épurée. Elle laisse un espace très ouvert à l’imagination et même à l'abstraction. La parole sonne juste. Catherine Anne a trouvé un équilibre entre romantisme, sentimentalisme et cruauté. Noirceur et légèreté. J’aime beaucoup cela. C’est une pièce très pertinente sur la jeunesse. L’entrée dans l'âge adulte, le passage entre enfance et âge adulte. Le bousculement des questions propre à cette période de la vie, l'enchevêtrement des désirs et des peurs, la révolte contre l’ordre établi, les parents et le besoin de créer de nouveaux repères, la tension entre utopie et recherche d’authenticité. Il y a bien sûr quelque chose de décalé dans ce portrait de la jeunesse – l’action ne se situe pas aujourd’hui mais il y a un siècle. Et c’est peut-être ça aussi qui touche : cette impression que quelque chose est dépassé, qu'un palier de modernité a été franchi, de manière inexorable à mon avis depuis une dizaine d’années. D’où un sentiment de nostalgie que je ressens aussi très fort.

Trois questions posées à Joël Pommerat, 19 avril 2013

  • Extrait

GÉRARD. Mon père est dans son bureau.
MLLE POINT. Non monsieur. Monsieur est absent. Nous sommes jeudi.
GÉRARD. Jeudi...
MLLE POINT. L'après-midi du jeudi monsieur s'absente.
GÉRARD. Monsieur s'absinthe.
MLLE POINT. S'absente monsieur.
GÉRARD. Chaque jeudi.
MLLE POINT. Oui monsieur.
GÉRARD. Je ne savais pas. Bien. Très bien. Dites-lui. Dites-lui adieu. Son fils part.
ANNA. Vous partez ?
GÉRARD. Oui. Je vais à Paris. Pour travailler. écrire. Mon père comprendra. Dites-le-lui.
MLLE POINT. Bien monsieur.
GÉRARD. Je cavale vers la ville éblouissante. J'échappe à la crasse tenace des années passées. Croyez-moi ! je dois partir loin très loin. Vouloir tout est là ! Mademoiselle Point fermez vos yeux éberlués. Votre étoile file. Vite. Serrez le poing. Faites un vœu. Dites : « Je suis l'impératrice d'Europe ! » Vous verrez vous la serez.
MLLE POINT. Impératrice d'Europe...
GÉRARD. Vous restez ici. Vous additionnez des chiffres. Dehors l'été fulmine. Vous croyez mener une vie sédentaire. C'est un suicide, une mort sédentaire. Il faut partir partir partir.
ANNA. Difficile partir.

Catherine Anne : Une année sans été, I, 1 (Actes Sud-Papiers, 1999, p. 9)

Sélection d’avis du public

une annee sans ete Le 30 novembre 2014 à 17h58

tres beau texte de Catherine Anne, fluide, intelligent, dans une mise en scène très sobre signé Joel Pommerat, qui sert divinement le texte et les acteurs tous très jeunes. Très beau spectacle que je recommande chaleureusement

Une année sans été Par ElfriedeD - 23 novembre 2014 à 11h04

Rilke est présent tout au long de ce spectacle... Excellente interprétation, mais par moment, les acteurs sont inaudibles.

Synthèse des avis du public

4,0 / 5

Pour 1 Notes

0%
100%
0%
0%
0%

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

4 2 5
une annee sans ete Le 30 novembre 2014 à 17h58

tres beau texte de Catherine Anne, fluide, intelligent, dans une mise en scène très sobre signé Joel Pommerat, qui sert divinement le texte et les acteurs tous très jeunes. Très beau spectacle que je recommande chaleureusement

Une année sans été Par ElfriedeD (2 avis) - 23 novembre 2014 à 11h04

Rilke est présent tout au long de ce spectacle... Excellente interprétation, mais par moment, les acteurs sont inaudibles.

Informations pratiques

Théâtre de l'Odéon - Ateliers Berthier

8, boulevard Berthier 75017 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Batignolles Librairie/boutique
  • Métro : Porte de Clichy à 138 m
  • RER : Porte de Clichy à 338 m
  • Tram : Porte de Clichy - Tribunal de Paris à 213 m
  • Bus : Porte de Clichy à 35 m
  • Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.

Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre de l'Odéon - Ateliers Berthier
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Spectacle terminé depuis le mercredi 30 avril 2014

Pourraient aussi vous intéresser

- 27%
Eva Rami - Va aimer !

Pépinière Théâtre

Exit

Ferme du Buisson

4211km

Studio Marigny

Si tu t'en vas

La Scala Paris

Spectacle terminé depuis le mercredi 30 avril 2014