Vaterland croise deux histoires : celle d’un amour entre un soldat allemand et une jeune française pendant la Seconde Guerre mondiale ; et celle, trente-cinq ans plus tard, du voyage en Allemagne du fils du soldat, devenu musicien, dans l’espoir de retrouver son père et de découvrir ses origines.
À mi-chemin entre le polar et le road-movie, le spectacle de Cécile Backès adopte le mode d’un récit à quatre voix, traversé de séquences musicales en live, notamment du punk rock des années 1980. Des voix off surgissent du passé, apostrophent, commentent, s’exprimant parfois dans l’autre langue, l’allemand paternel. Les images des deux pays défilent sur l’écran, carnet visuel de ce voyage initiatique. Au-delà de la singularité du récit, les questions de l’origine et de l’appartenance résonnent en chacun de nous.
Avec les voix off de Anne Canovas, Nathalie Lojek, Andrea Schieffer, Jutta Wernicke, Cécilé Zanibelli, Olivier Bernaux, Werner Kolk, Igor Mendjisky, Richard Sammel, Frédéric Schulz-Richardn Slimane Yefsaf.
D'après Vaterland : le pays de nos pères de Jean-Paul Wenzel.
« Prenant et très bien mené et plein d'enseignements également. » Armelle Héliot, Le Figaro
« Servi par quatre excellents acteurs, cette mise en scène aux qualités esthétiques et chorégraphiques remarquables constitue une belle adaptation théâtrale d’un texte fort et poignant. » Catherine Robert, La Terrasse, le 28 février 2014
Vaterland est le récit d’une naissance à soi-même, à son identité propre, à sa culture.
Et sa culture, c’est le rock’n’roll. Sa culture est faite d’une mémoire d’enfance à Saint-Étienne pleine de bombes. Voilà le juste chemin pour traiter la seconde guerre, aujourd’hui et à ce moment de mon parcours.
Je crois que le son du rock’n’roll est né de la guerre. Qu’il incarne le souvenir des bombes. Des musiciens ont dit cela, Keith Richards, par exemple, guitariste des Rolling Stones, né en 1943 sous les bombardements de l’armée allemande. Le son de cette musique exprime un des visages les plus violents de la guerre. Peut-être a-til continué de raconter les autres guerres — le Vietnam, le Cambodge, les Intifadas, le Liban, la guerre du Golfe… — sur un mode quotidien, journalier, puisque maintenant c’est la guerre tout le temps, toujours il y a un conflit armé quelque part qui s’embrase. Comme David Lescot l’a très justement remarqué, on est passé d’une pensée de la guerre événementielle à un état de guerre permanent. De Brecht à Edward Bond.
Aujourd’hui qu’elle est racontée aux enfants en DVD colorisés, la guerre a rejoint les pages de l’album d’images de l’Histoire de France. Ce n’est plus de réalité dont il est question, ni de témoignage, ce temps-là est fini. Il s’agit d’images et de représentations.
Pour moi, le moment est venu de penser la guerre comme fond de scène, décor lointain, série de filigranes. Il n’y a pas de volonté pédagogique dans Vaterland : d’autres supports font ça très bien. Aucune image littérale, ni visuelle ni sonore. Mais des évocations, des signes pensés comme des traces de la guerre. De la musique, des images sonores. Et d’autres images, filmées, viendront évoquer les rues des villes dévastées.
Vaterland, s’il ne propose pas de point de vue sur la guerre, est en revanche un récit né de la guerre. Un roman familial, mélo -sauvage, les pieds dans la boue de l‘Occupation. D’une génération à l’autre, rien n’a été dit. Dans cette absence de paroles est arrivé le son pour raconter la guerre. Certains visages de la guerre sont impossibles à dire, alors la musique a pris le relais. C’est une histoire d’absence de transmission, Vaterland.
C’est ça que j’ai envie de raconter : comment se transmet une histoire comme celle-ci, comment naît la musique dans les trous de paroles, comment le sifflement des bombes enfante des riffs de guitare.
Texte au souffle court qui tient du polar d’après-guerre et du road-movie des années 80, Vaterland juxtapose et alterne quatre voix, en brèves séquences : celles d’Henri, de Wilhelm, d’Odette, de Jean. Multiplication et succession instantanées des points de vue, des préoccupations. Dispersion, éclatement de la chronologie et des lieux : hier et aujourd’hui, la France et l’Allemagne. Saint-Étienne, octobre 1943. Francfort, mars 1982. Saint-Dié, mai 1945. Mannheim, juillet 1982. Chaque séquence, en sa voix, son temps et son lieu, est une pièce d’un puzzle qui finira par se recomposer, celui des origines de Jean et de la destinée conjuguée de ses parents et des frères Duteil. Dans cet espace où trois hommes et une femme jouent les récits debout, au micro, des images sonores viennent ponctuer le récit. Elles se densifient du surgissement d’autres voix, off celles-là, qui apostrophent, commentent, viennent en aide ou surgissent du passé, résonnant parfois dans l’autre langue, l’allemand paternel.
Des musiques du voyage de 82 — the Clash, Joy Division, Bauhaus… L’univers sonore de Jean, le fils, musicien de rock en tournée allemande. Des gares, des trains, des foules. Le silence d’après-guerre et ses stridences parfois. Des images projetées, filmées en France et en Allemagne : les étapes du voyage de 1982, re-foulées en 2008. Filmer les traces de l’absence : celles du passé recouvert, celles de visages qu’on ne verra jamais. Des paysages, des lieux vides, passages furtifs, mouvements, fragments de corps aperçus.
La pièce est poursuite, enquête, quêtes. Mais cette aventure, ce suspens, cette forme « chorale » suscite chez le spectateur une réflexion parallèle à celles des protagonistes : lui aussi, confronté au patchwork de ces vies-là, exemplaires de notre temps, s’interroge sur ses origines, son identité, les hasards qui président aux existences, la conjugaison des bouleversements collectifs et des cheminements individuels, le poids de la faute et de la rédemption.
Cécile Bakès
1942-1948 : un premier récit, en France, celui d’un amour magnifique entre un soldat allemand et une jeune femme française. Derrière cet amour, il y a un terrible secret ; derrière cet amour, il y a un homme qui va se mettre en chasse d’un autre à travers l’Allemagne dévastée.
1982 : un deuxième récit, celui d’un voyage en Allemagne. 35 ans après, le fils du soldat allemand passe la frontière. Derrière ce voyage, il y a la quête d’un père jamais revu depuis l’enfance, le sentiment d’être étranger dans une culture dont pourtant on est issu.
Ce périple a donné un récit de voyage écrit par Wenzel à son retour, dans une langue de l’urgence, sans apprêt, précise et brutale. Comme s’il fallait se débarrasser de toute cette violence. Ou n’en rien oublier.
2008 : un récit d’aujourd’hui, des notes griffonnées sur le carnet d’un voyage en Allemagne. Les mêmes étapes qu’en 1982. Derrière cet autre voyage, un questionnement : qu’est-ce que le lieu d’une origine ?
Je songe à ces propos de l’écrivain Cécile Wajsbrot : “Oui, c’est bien un aller, et non un retour, vers un lieu d’origine, mais la question sous-jacente est, qu’est-ce qu’un lieu d’origine, et au-delà, qu’est-ce qu’une origine ? Dans quelle mesure elle nous influence, nous détermine, dans quelle mesure elle nous échappe, ou nous lui échappons, que veut dire revenir vers un lieu où on n’est jamais allé ?“
Derrière ce voyage et ce projet, il y a pour moi la quête d’origines familiales — venues de l’Est. La quête de lieux oubliés, d’images perdues, toutes sortes de traces qui me constituent sans que je sache comment. Tout ce qui me fait prendre des trains vers l’Est depuis longtemps, vers la Lorraine où je travaille et vers l’Allemagne. Comme beaucoup d’autres, mon histoire familiale est faite denaissances lointaines, d’exils, de disparitions en fumée. De silences. Comme tant d’autres.
Voilà ce qui me pousse à mettre en scène Vaterland, ce texte au souffle court qui tient du polar d’après-guerre et du road-movie des années 80.
Cécile Backès
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