En palermitain surtitré en français.
La famille palermitaine
Du particulier à l'universel
A propos de l'auteur et metteur en scène
La presse
Dans mPalermu (le M dialectal accordé à Palermu peut se traduire par "au coeur de ma ville de Palerme"), les cinq membres d’une famille de Palerme s’apprêtent à sortir pour la « passegiata », un rite dominical où l’on s’habille pour être vu. Tous s’affairent pour revêtir leurs effets les plus seyants, c’est la joie quand l’un trouve le vêtement ad hoc, la bagarre généralisée quand ils sont plusieurs à vouloir le même. Alors qu’ils sont sur le point de sortir, Mimmo, le chef de famille s’aperçoit que Rosalia n’est chaussée que de vulgaire savates. Pas question de sortir comme ça.
Une famille constamment empêtrée dans les névroses d’une société en mutation, au bord de la crise de nerfs. La tension va crescendo et débouche sur l’exaspération des protagonistes jusqu’à atteindre son paroxysme.
Emma Dante touche des thèmes forts et actuels relatifs à nos incertitudes face au culte de l’esthétique, face aux rapports contradictoires à la nourriture, privation et abondance, face aux nouveaux enjeux familiaux. La famille palermitaine est tout à la fois emblématique et atypique, miroir de Palerme, et d’une société à la recherche de nouveaux repères. mPalermu est un spectacle intense, bouleversant.
Les spectacles d'Emma Dante, en touchant au particulier atteignent l'universel : « La problématique des familles n'est pas que sicilienne, elle est aussi européenne. Quand mes spectacles sont joués à Milan, j'apporte dans le Nord, un peu de l'Italie du Sud et le public est heureux d'apprendre à nous connaître ». Mais la Sicile n'estelle pas archaïque et mafieuse ?
« Le Sicilien qui a une attitude mafieuse n'est pas forcément de la mafia. Le Sicilien en fait n'est pas mafieux même si les mafieux sont Siciliens. Quant à l'archaïsme, il est vrai que mon théâtre est un théâtre tragique, lié à la gesticulation. Le peuple sicilien peut faire tout un discours sans ouvrir la bouche. C'est pourquoi mon théâtre est si physique. »
Emma Dante : Jeune metteuse en scène italienne au langage très personnel qui décortique les noeuds des familles. Jean Louis Colinet, le directeur du Théâtre national présente un de ses coups de coeur. Il avait déjà invité Emma Dante au festival de Liège. Pour la première fois, et au National, sera jouée l'intégrale de sa trilogie autour de familles siciliennes sur lesquelles pèse le poids lourd des codes et de rites séculaires: Vita mia, Carnezzeria et mPalermu.
Son travail est très personnel, basé sur le jeu très physique des acteurs, sur un plateau presque nu. Parfois un lit occupe la scène, parfois des lumières festives. Surtout de la musique, du chant. Ses textes sont en dialecte palermitain et sont surtitrés. Elle est excommuniée !
Si on demande à Emma Dante pourquoi dans ses spectacles les familles sont toutes malades, « anthropophages », elle répond qu'elle sait qu'il existe des familles saines mais que personnellement, elle n'en connaît pas.
« La famille que je raconte dans cette trilogie n'est pas une famille bien pensante, c'est une famille désespérée et exaspérée et donc aussi violente. Dans ces familles les traditions se sont retournées contre elles et les ont détruites. La famille dans le monde actuel peut être un refuge, mais elle devient vite un bunker qui empêche de mener une vie personnelle. Et je pense encore davantage au poids de la famille plus lointaine, oncles ou cousins. »
Sa trilogie fonctionne par étages: « Dans mPalermu, on ne voit que des enfants bâtards, sans père et mère. Puis, dans Carnezzeria, arrivent les frères et soeurs. Enfin, dans Vita mia, on assiste à une veillée funèbre où une mère enterre son fils. C'est plus proche de la tragédie grecque que de Pasolini même si Pasolini fut très important pour moi.»
Sartre aussi a écrit sur la famille, « mais mon théâtre est instinctuel, charnel, il ne débouche pas sur une solution ou sur une philosophie ». « Mon père n'a jamais vu mes spectacles », ajoute-telle. L'Italie a souvent un problème avec la contemporanéité. Son patrimoine est si riche qu'elle hésite à créer du neuf
« Le moderne peut être une massue. Dans mon théâtre, le crucifix est plus moderne que le Coca-Cola, car j'utilise le crucifix comme une bouteille. Je précise que je suis croyante, mais pas dans l'Eglise et ses représentants. L'Italie est un pays faussement laïque où l'Eglise reste dominante et a son mot à dire sur tout. Cela ne me plaît pas, je viens d'être excommuniée par le cardinal Bertone de Gênes à cause d'un de mes spectacles La Scimia (la guenon) qu'il n'a même pas été voir. Sur base d'une interview que j'ai donnée, il a lancé publiquement un anathème à mon égard et demandé aux catholiques de ne pas voir mon spectacle. C'est très grave qu'un représentant de la religion qu'on dit la plus modérée du monde, condamne un spectacle qu'il n'a pas vu, comme un imam radical. »
Emma Dante se réjouit de la défaite de Berlusconi. « Il était génial, ironise-t-elle, d'avoir pu faire le maximum de voix dans la Sicile rétrograde et dans les milieux d'affaires du Nord. Aux deux extrêmes. J'espère que Prodi réussira, mais je suis inquiète du poids que l'Eglise conserve. Et on parle d'une arrivée du fils de Craxi et même d'un retour d'Andreotti ! ».
« une pièce brève, incandescente, de parfaite maturité, un récit en forme de conte, qui éclaire de multiples faisceaux de sordides « pesanteurs » méditerranéennes. (...) Cinq cœurs contraints se révèlent dans l'auscultation d'une famille quelconque, à jamais bloquée chez elle à lheure de la passeggiata dominicale, par manque de chaussures présentables. Image dune société confite dans sa fierté, paraissant cultiver le renoncement, avant de vivre, dans un simulacre désespéré, la vraie vie de la vraie ville, dans ses rumeurs, ses saveurs. Et lorsqu'un des cœurs s'interrompt, quatre bouches, béantes jusqu'à la déchirure, saluent, en un interminable cri muet, la fatalité d'un ordre sans merci. » Jean-Louis Perrier, Le Monde, 30 janvier 2004
« Elle est devenue, en moins d'un an et à travers cinq pièces, le phénomène théâtral français de l'année. Sicilienne à peine quadragénaire, cette Palermitaine passionnée a choisi de travailler dans sa ville… Ce qui la caractérise, c'est la force vitale, le refus des pleurnichements, la brutalité joyeuse par laquelle s'expriment les sentiments de ses personnages, puisés dans les milieux déshérités. » Laurence Liban, L'Express, 31 mai 2007
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