Après 18 ans de silence, une jeune femme fait irruption sur le lieu de travail d’un homme d’âge mûr.
Elle a par hasard retrouvé sa trace et questionne, insiste, rageuse, vindicative ; il élude, se défend, s'impatiente.
À travers un dialogue haletant, chacun révèle par bribes ce qu'il a vécu alors et comment, depuis, sa vie a été soumise au jugement et au regard des autres, comment elle en a été bouleversée.
Petit à petit, les éléments se reconstituent, à coups d'allusions, d'hésitations, d'interrogations. Jusqu’au coup de théâtre final, la pièce tient en haleine, interroge. Elle dérange, dit la difficulté de trouver le vrai.
À nous de prendre ou non parti ; nous n’échapperons pas au trouble.
L'apparition d'une petite fille de l'entourage de l'homme à la fin de la pièce me semble en être l'emblème : si on croit à la sincérité des personnages, à une véritable histoire d'amour, on ne peut être que troublée par cette apparition. C'est visuel, moral, dramatique (théâtral). J'imagine que ce sera mon fil rouge de metteur en scène : laisser dire l'auteur, retenir les interprétations, laisser aller les tempéraments.
Le souffle (court), le rythme :
C'est ce qui frappe en premier lieu dans le texte, le halètement, la parole qui ne parvient pas à ses fins, à quelque chose de définitif. L'écheveau se déroule petit à petit, fils emmêlés. Le sens du texte est inscrit dans ses accidents. En répétition, démêler les fils, le concret des hésitations, des contradictions, des intervalles ou des interruptions, tout en préservant absolument une lecture ouverte du texte.
Les acteurs :
À la voir, on peut imaginer facilement ce qu'a pu être physiquement Charlotte Blanchard adolescente, probablement parce qu'elle a gardé une certaine fragilité liée à quelque chose de volontaire. Elle devrait donner toute sa mesure à une Una souvent imprévisible qui tour à tour attaque et se défend… Quant à Yves Arnault, sa présence physique solide, concrète, vient presque contredire ce qui chez lui interroge. Il suffit de voir la diversité des rôles dans lesquels il a été distribué pour imaginer la part d'inattendu et de mystère qui devrait parfaitement correspondre au personnage de Ray.
L'ombre et la lumière :
La façon dont l'histoire se révèle, par bribes, laissant toujours des parts d'ombre, évoque pour moi la photographie. Du noir et blanc en « toile de fond », des transparences. Un grand panneau en verre dépoli ; en projection, l'ombre des feuilles d'un arbre, le passage d'une ou deux personnes sur le soir qui tombe en temps réel. L'essentiel se fera par les éclairages : extérieur, intérieur, porte(s) zones lumineuses (voire surexposées), zones sombres… La couleur viendra jouer en contraste, essentiellement par les costumes ; c'est dans ce sens que je vais travailler avec Do Brunet et Marc Piera (pour le film), Charly Thicot (pour les lumières) et Sylvie Berthou (pour les costumes).
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