Fragments d'un pays lointain

du 14 novembre au 15 décembre 2013
2 heures

Fragments d'un pays lointain

Pièce ultime, voire testamentaire, de l’auteur et metteur en scène Jean-Luc Lagarce, mort du sida en 1995, Le Pays lointain est ici entrelacé avec des extraits du Journal : après dix ans d’absence, un homme, jeune encore, revient parmi les siens pour annoncer sa mort prochaine, juste sa mort. Le Pays lointain est l’histoire de ce retour – un retour en forme de voyage dans le temps.
  • Annoncer sa mort

Pièce ultime, voire testamentaire, de l’auteur et metteur en scène Jean-Luc Lagarce, mort du sida en 1995, Le Pays lointain est ici entrelacé avec des extraits du Journal : après dix ans d’absence, un homme, jeune encore, revient parmi les siens pour annoncer sa mort prochaine, juste sa mort. Le Pays lointain est l’histoire de ce retour – un retour en forme de voyage dans le temps.

  • Les vingt dernières années

De 1977 à 1997. En 1977, j’ai vingt ans, et en 1997, j’en aurai quarante, sans aucun doute, logique. Le récit de toutes ces années, l’histoire sans histoire d’un homme dans la France de ces vingt dernières années, les rencontres, la famille, les amis, les amours rencontrées et vécues, le travail et les aventures.

C’est le récit de ce qu’on voulut être et qu’on ne fut pas, le récit de ce qu’on vit nous échapper. Et la douleur, oui. La douleur mais encore, peut-être la sérénité de l’apaisement, le regard paisible porté sur soi-même – à quoi bon ? – au bout du compte. Tous, là, qui font la vie d’un seul homme durant vingt années. Et chacun encore, renvoyant à la multitude des gens croisés à nouveau, et ainsi encore, à l’infini. D’un seul homme, sans qualité, sans histoire, tous les autres hommes.

Des groupes, des choeurs, des bandes, des vies parallèles dans la vie elle-même. La Famille, celle-là dont on hérita ou qui hérita de vous. La Famille qu’on voulut se choisir, la famille secrète, celle-là qui parfois ne sait même pas qu’on se la construisit sans bruit. L’arrangement. Louis, donc, le narrateur, celui-là qui raconte. Un voyageur incapable, immobile. Le retour. La décision de revenir. Et ce repas encore, le dernier, avec ces deux familles, celle-là d’origine et celle-là construite et les Morts encore, se promenant, ce dimanche calme, parmi les paisibles tricheries des vivants. On danse, c’est la fin de l’après-midi, après avoir poussé les tables. Louis est assis sur une chaise et il regarde.

Jean-Luc Lagarce

  • La presse en parle

« Ces Fragments d'un pays lointain nous ont touché. Profondément. En faisant claquer comme un drapeau le verbe de Lagarce, toute sa pureté, sa rage et son humanité. » Philippe Chevilley, Les Echos, 05 décembre 2013

  • Note d'intention

Ce spectacle est porté par de jeunes acteurs qui sont les « enfants » de Lagarce et l’ont découvert après sa mort. Il est pour eux l’auteur d’une époque et d’une génération : celle qui a vécu la « fin des utopies » conjuguée avec l’irruption brutale du sida. Sans aucune nostalgie, dire et montrer cela : un temps qui appartient aujourd’hui à l’Histoire.

La famille nous constitue. Est-ce le sort qui nous la donne, est-ce nous qui nous l’inventons ? Et toutes connaissent les oscillations qui vont du rejet à la réconciliation. L’abandon et le retour sont des thèmes majeurs dans l’oeuvre de Lagarce. La pièce ne parle que de cela : de ce que nous sommes les uns pour les autres. Et la mère, mystérieusement, ne sait plus l’âge de son fils. Il s’agit là encore, probablement, de la place perdue de l’enfance.

Sur le plateau, l’humanité doit paraître. Où est-il cet écart, fragile ou bien immense,entre ceux qui jouent et ceux qui sont joués ? Les personnages sont nos proches : mère, frères, soeurs… Nous les reconnaissons par fragments, ou en bloc… Et c’est un sentiment de connivence et de reconnaissance que nous souhaitons créer.

Le lieu du retour du fils est bien le théâtre (celui d’aujourd’hui) : les retrouvailles de tous ces personnages ont lieu sur la scène, cet espace unique, le théâtre où même les morts peuvent venir – et ils viendront d’ailleurs – prendre la parole. Les personnages de la pièce n’ignorent jamais que le public est dans la salle. Tout s’invente à vue. Musiciens et chanteurs transforment certains fragments en récits musicaux…

Tout pourrait se dire avec le sourire triste de la désillusion. Nous avons pris le parti d’une parole droite, nette, d’une somme infinie d’idées furtives, de pensées courtes. Il y a une scansion de la langue à faire entendre afin d’éviter la banalité du naturalisme.

Entre le Louis de la pièce qui revient pour dire sa mort (et qui n’y arrivera pas) et le Jean-Luc du Journal qui dit au lecteur sa mort prochaine durant plus de mille pages, il y a une immense fraternité. Comment faire se répondre sur le plateau le dialogue théâtral et l’écriture narrative jusqu’à ce que l’un et l’autre se confondent ?

Une machine à écrire. Un vieux téléphone. Des cartes postales. Autant d’images qui font aujourd’hui partie de nos mythologies. Voilà le mot – dire nos mythologies intimes.

Jean-Pierre Garnier, Léo Cohen-Paperman

  • Leur propre témoignage

Dans la pièce souche, Juste la fin du monde, un trentenaire, Louis – qui mène à Paris l’existence d’un jeune écrivain –, revient dans sa province natale pour annoncer sa mort prochaine. Mais le dimanche en famille – Suzanne, la soeur, Antoine, le frère, et son épouse, Catherine, et aussi la Mère (le Père étant décédé) – se passe sans que Louis puisse dévoiler son secret.

Dans Le Pays lointain, remarquable pièce fleuve, interviennent bien d’autres personnages qui ont marqué la vie de Louis (…). Ils donnent leur propre témoignage sur leurs vies croisées avec la sienne : « l’Amant, mort déjà », Longue Date, comme son nom l’indique, ami de jeunesse, Hélène, une amie, ainsi que des personnages collectifs, « un Garçon, tous les garçons » et « le Guerrier, tous les guerriers ».

Jean-Luc Lagarce donne toute la mesure de son talent pour un théâtre choral où, pourreprendre une expression de Strindberg, il propose « une mosaïque de sa propre vie et de la vie des autres ». Le Pays lointain est une oeuvre qui s’écrit au singulier pluriel : elle relate un parcours de vie personnel – une Passion, pourrait-on dire s’ouvrant à la présence de la multitude. Tous ceux qui ont aimé, détesté ou simplement un jour rencontré Louis, voire ceux qu’il n’a même jamais croisés, viennent témoigner sur la vie de Louis et sur la leur propre. Bref, ils se font, au-delà de la destinée singulière de Louis, les narrateurs du « drame de la vie », de sa banalité et de son tragique indissociables.

Car le théâtre de Lagarce réussit ce tour de force de tendre vers l’épique, le romanesque, de consister essentiellement en un retour sur le passé, tout en préservant, comme chez Tchékhov, un sens aigu du présent et de la présence ténue des êtres les plus ordinaires.

Jean-Pierre Sarrazac

  • L’histoire de notre théâtre

Une certaine exposition de l’homosexualité porte toute la dramaturgie du Pays lointain. Cette présence est très singulière. Elle marque une force d’innovation de la pièce dans l’histoire de notre théâtre : car s’il est avéré que de très nombreux auteurs ont donné aux rapports d’attirance entre hommes une présence patente dans l’écriture dramatique, il est au fond très rare que l’homosexualité soit, comme telle, exposée sur la scène – par le moyen du drame. L’ambiance d’une érotique orientée vers des figures masculines s’étend dans les pièces de Cocteau, Genet, Koltès comme chez Fassbinder ou Pasolini. Elle était attestée chez Musset, Shakespeare.

Mais il est très rare qu’on entende nommer sur scène, et plus encore qu’on voie montrer, un homme qui en aime un autre, veuille être aimé de lui, et dont le désir et son histoire, ouvertement, fassent le ressort dramatique d’une pièce. Bien sûr, on peut lire ainsi Othello, Tartuffe, Lorenzaccio, Dans la jungle des villes. Mais c’est à la condition de reconnaître au drame sur scène une puissance métaphorique…

Le Pays lointain, dans la tradition du théâtre d’art français, est venu en son temp s rompre de façon frappante cette règle de métaphoricité. La pièce le fait, tout au long de son cours, avec une force et une douceur combinées qui sont, à mes yeux, pour beaucoup dans son étrange force de captation du regard et de l’écoute.

Denis Guenoun, Livraison et délivrance, Belin, 2009.

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Informations pratiques

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête

Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Cartoucherie
  • Métro : Château de Vincennes à 1 km
  • Bus : Cartoucherie à 174 m, Plaine de la Faluère à 366 m
  • Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.

    En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
    Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.

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Plan d’accès

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 15 décembre 2013

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