Hamlet - La tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark

du 8 au 19 novembre 2006

Hamlet - La tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark

Tragédie familiale et politique, comédie métaphysique avec clowns à nez noirs, la pièce de Shakespeare devient un cauchemar burlesque d’aujourd’hui, qui traverse l’intimité des êtres, bouscule les fantômes de l’enfance et les fantasmes des adultes.

Une chambre noire pour l'oeuvre des oeuvres
Note d'intention
Entretien avec Hubert Colas

  • Une chambre noire pour l’oeuvre des oeuvres

Loin d’un royaume de Danemark médiéval, cet Hamlet en costume noir marche sur un parterre mouvant : "Il me faut un sol plus ferme", dit-il. Son spectre de père, souverain assassiné, reste dans l’ombre, invisible. Il lui ordonne la vengeance.

C’est dans une immense boîte noire, hors du temps, que le prince shakespearien avance, s’arme contre les siens, fait jouer la pantomime du meurtre de son père pour en démasquer les coupables. Il feint la folie pour atteindre le vrai, atteint le vrai et devient fou.

Au-devant de la scène : le trône du père, et son absence violente, comme moteur de la tragédie. Hamlet évolue dans des allées où son ombre le suit, étrangement blanche. Chaque être marche au pas de son propre spectre ou de ses deuils mal faits.

Autour du plateau, ring noir, les acteurs préparent à vue les accessoires et les changements d’espace.

La technologie et la vidéo s’ajoutent à la machinerie, et font que le ciel et la terre se rejoignent, se confondent. Les contraires s’épousent dans un ballet raffiné et macabre. Le vrai et le faux ; la folie et la raison ; le rêve et le réel ; la mort et la vie.

Tragédie familiale et politique, comédie métaphysique avec clowns à nez noirs, Hamlet devient un cauchemar burlesque d’aujourd’hui. Comme l’espace, la langue est contemporaine, vive et vivante.

Présenté au Festival d’Avignon 2005, nommé la même année aux Molières dans la catégorie "meilleur spectacle de théâtre public en région", cet Hamlet traverse l’intimité des êtres, bouscule les fantômes de l’enfance et les fantasmes d’adultes.

Pierre Notte

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  • Note d’intention

En créant Mariage de Gombrowicz, l'idée de monter Hamlet de Shakespeare s'est imposée à moi.

Mariage comme une part rêvée d'Hamlet.

Une satire d'Hamlet ?

L'invention d'une langue, la parodie des situations, l'illusion du pouvoir, l'intrusion du rêve comme projection de la réalité qui nous entoure chez Gombrowicz, m'a conduit vers Shakespeare.

C'est l'histoire d'un bouleversement, d'une mise en conscience de l'homme par l'homme, une projection de ses démons dans le corps et la conscience des autres. L'histoire de l'incertitude, d'une incertitude.

Ecouter, rêver, où suis-je ?, où est l'autre, comment est l'autre, son propre corps résonnant dans le fantasme et la projection inaccessible d'un père, d'une mère, d'un autre rêvé, de l'homme ...

Hubert Colas

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  • Entretien avec Hubert Colas

Quand vous avez commencé à faire du théâtre, vous avez été simultanément auteur et metteur en scène, votre premier désir était-il l’écriture ou la mise en scène ?
Les choses sont arrivées progressivement. J’ai d’abord été acteur. Très vite, j’ai été attiré par l’écriture contemporaine. De là, je me suis avancé vers la mise en scène. Le désir d’écrire était présent. Les notes que j’écrivais devenaient une matière qui constituait des éléments dramaturgiques à partir desquels j’ai commencé à écrire.

A l’origine vous mettez en scène surtout vos propres textes, puis d’autres auteurs contemporains, était-ce un désir de parler du contemporain avec des paroles contemporaines ?
Je ne séparerai pas l’œuvre classique de l’œuvre contemporaine pour parler d’aujourd’hui… La seule chose qui comptait, c’était la rencontre sensible avec un texte, la rencontre avec un auteur. D’avoir rencontré Claude Régy au Conservatoire m’a rendu encore plus sensible aux écritures contemporaines.

En 1998, vous montez Mariage de Gombrowicz, qu’est ce qui est à l’origine de votre désir pour cette œuvre ?
Il s’agit plutôt d’une curiosité vis-à-vis d’une oeuvre dont le style et la forme m’intriguaient. Je me demandais comment cette écriture qui avait passionné des gens comme Grotowski ou Kantor pouvait s’inscrire aujourd’hui sur un plateau de théâtre. J’étais aussi intrigué par les influences latino-américaines qui hantent la pièce. Elle porte en elle une mémoire active de générations perdues et exilées qui cherchaient une certaine renaissance, qui désiraient réinventer quelque chose. C’est la nature du regard que Witold Gombrowicz portait sur l’existence et sur l’être, ses interrogations sur la façon dont l’homme se fabrique lui-même, sur la conscience aiguë que le pouvoir transforme et défigure les gens, sa certitude qu’un peuple, qu’une société peuvent s’assujettir volontairement à quelques-uns, c’est l’analyse de la mécanique de l’être humain ainsi décrite qui m’a passionné. J’y sentais une puissance théâtrale.

Vous êtes arrivé à Hamlet en passant par Gombrowicz ?
Mariage contient une puissance satirique de l’œuvre de Shakespeare. La représentation de l’être est en travail dans ces deux pièces. Il ne s’agit pas d’une histoire de figures ou de personnages mais d’une histoire de la langue qui avance et qui modifie les corps. Il y a une transformation par la parole et la forme dans les personnages de Mariage. Dans Hamlet, un empoisonnement par la parole contamine les corps. On retrouve la même grande question chez ces deux auteurs : quelle existence pouvons-nous avoir face à l’écoute du monde ? C’est cette histoire - là qui est la plus passionnante.

Vous dites "je" quand vous parlez du désir de monter Mariage et "on" quand il s’agit de monter Hamlet ?
Le "on" désigne un certain nombre d’acteurs, dont Thierry Raynaud qui jouait Henry, le héros de Mariage et qui joue Hamlet, ou Boris Lémant, ou d’autres acteurs qui travaillent régulièrement avec la compagnie. Si j’avais une histoire personnelle avec Gombrowicz et avec la compagnie, je ne peux pas dire qu’elle soit de la même nature avec Hamlet. J’ai réuni une troupe sans avoir complètement défini à l’avance la distribution. C’est au cours des premières lectures et des premières répétitions que nous avons établi ensemble le partage des rôles et déterminé comment cet ensemble d’acteurs allait se saisir de cette langue.

Le rôle d’Hamlet a été interprété dans la période récente par des acteurs d’âges très divers, et même par une actrice (Angelika Winkler dans la mise en scène de Peter Zadek)… Pensez vous que l’âge de l’acteur soit important ?
La substance de vie et les conflits qui existent dans ce corps-là doivent être pris en compte par un jeune acteur, et un jeune acteur de sexe masculin. Pourtant, les puissances de la jeunesse à l’époque de Shakespeare et celles de la jeunesse contemporaine s’étant déplacées, il n’est plus nécessaire d’avoir un très jeune acteur.

Hamlet dit dans l’une des premières scènes de la pièce : "Si mon corps pouvait fondre…" Pour vous qui travaillez avec des acteurs, y a-t-il un travail encore plus particulier à effectuer dans cette pièce ?
Ce travail doit être fait en groupe, toujours à l’écoute de la transformation du corps de l’autre, à l’écoute de la spatialisation de la voix. Il se fait par imbrication avec l’architecture de l’écriture. Quand Hamlet dit qu’il veut fondre, il ne s’agit pas de disparaître mais d’aller dans une autre substance, de devenir une autre matière. Hamlet transporte quelque chose en lui et autour de lui, il transporte l’espace, le regard de ce qui est en train de se mettre à jour.

Vous accordez une importance essentielle à la langue, à l’écriture de Shakespeare… Jouez-vous la version intégrale ?
Nous tentons de jouer l’oeuvre intégrale. Nous ne voulons pas nous livrer à un désossage des propos d’Hamlet, du corps d’Hamlet, mais le laisser toujours en rapport avec les autres protagonistes qui le font exister. Il faut conserver le maximum de l’environnement d’Hamlet pour alimenter ses vaisseaux et sa chair afin de lui permettre d’avancer dans la langue et donc dans la pièce. Il avance par contamination.

Cette attention aux mots et à la ponctuation vous a entraîné vers quel choix en matière de traduction ?
Pour les premières lectures, nous avons utilisé une traduction qui nous paraissait la plus proche de l’écriture de Shakespeare… Mais dès le début du travail sur le plateau nous avons constaté que la chair et l’architecture de la langue ne fonctionnaient pas avec le corps des acteurs. Le choix d’un mot par rapport à un autre, d’une ponctuation par rapport à une autre, peut transformer le corps. Nous voulions donc modifier le moins possible la ponctuation originale. C’est d’elle que vient le rythme qui donne forme au corps. Nous utilisons notre propre traduction collective car nous voulions rester au plus proche de la langue de Shakespeare et de sa construction musicale, rendre au plus juste l’empoisonnement verbal qui nous paraît être au centre de la pièce.

On a souvent effectué des lectures psychanalytiques d’Hamlet…
Les rapports père-fils, mère-fils, amants-amantes existent et peuvent être analysés, mais je pense que les grilles de lectures psychanalytiques sont insuffisantes. Il y a des références à la famille, à la survie de l’univers familial, à la démultiplication des puissances d’amour… cela ne doit pas occulter la réflexion sous-tendue à travers les figures du pouvoir. Claudius n’est pas seul à désirer le pouvoir, Hamlet en est l’héritier. La lutte d’Hamlet pour sa survie traverse la lutte pour garder "son" pouvoir. S’il y a dans cette pièce moins de violence d’origine politique que dans d’autres tragédies historiques, moins "d’abattages" rapides et enchaînés, il y a les empoisonnements qui ont tous un lien avec la volonté de garder ou de reprendre le pouvoir. Ainsi, quand Hamlet décide de venger son père, il agit aussi par rapport à un futur politique auquel il est inextricablement lié.

Quelle scénographie pour mettre en scène cette langue shakespearienne agissante ?
La question que nous nous sommes posée, c’est celle de la représentation de ces différents lieux en permanente transformation. Au théâtre le virtuel ne peut être donné que par la parole de l’acteur, par sa capacité à faire rencontrer son imaginaire et celui du spectateur et ainsi à transformer un champ invisible en un champ matériel qui fait création d’espace, ici des espaces de la cour, des espaces extérieurs, des espaces en noir et blanc, noir du deuil, blanc du mariage de la reine avec Claudius, et des espaces d’apparition.

Propos recueillis par Jean-François Perrier pour le dossier de presse du Festival d’Avignon 2005.

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Spectacle terminé depuis le dimanche 19 novembre 2006

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