De ces deux travaux - Ultra-petita et Ouvrier vivant ont été créés séparément à la Maison de la Poésie de Paris en 2007 - nous n’avions pas vu au début l’unité. Elle nous est apparue quelque temps avant le début des répétitions, lors d’une relecture des Lettres luthériennes de Pier Paolo Pasolini, recueil d’articles de 1975 dans lequel le cinéaste abjure sa Trilogie de la vie. S’y retrouve le constat pessimiste qu’il n’y a plus de jeunesse et de peuple en Italie et dans les autres pays qu’il qualifie de « développés », par la grâce de la dépolitisation des sociétés consuméristes. Et en effet le glas sonne pour les années rouges, l’heure est à la Restauration.
Aujourd’hui, au moment même où le jeunisme et le « modèle démocratique occidental », croit-on, triomphent, Ultrapetita et Ouvrier vivant traitent chacun à leur manière d’une de ces deux disparitions, et affirment : oui, la jeunesse existe, et oui, le peuple existe. Aucun romantisme ici. Simplement la force déclarative de la politique.
Ultra-petita et Ouvrier vivant forment désormais un diptyque intitulé Je suis le hasard par coeur. C’est un vers extrait du livre de Christophe Tarkos Le Signe = qui lui donne son titre. Trani et Tarkos sont tous les deux morts jeunes, mais ce n’est pas cela qui les unit. La fraternité des deux poètes s’impose par le dialogue de deux langues très différentes mais qui se veulent chacune exercice sans intention préalable et dont la liberté procède d’une immanence irréductible. Néanmoins très travaillées, concrètes.
Patrick Zuzalla
Diptyque composé d’Ultra-petita de Thierry Trani et d’Ouvrier vivant de Christophe Tarkos
Passage Molière - 157, rue Saint Martin 75003 Paris