Dans L’émission de télévision, Michel Vinaver, l’un des plus grands auteurs dramatiques de la seconde moitié du XXe siècle, articule dans la même intrigue policière et romanesque deux thématiques dont il est l’un des observateurs critiques les plus aigus : d’un côté, l’entreprise, les restructurations, les licenciements, le chômage ; de l’autre, le pouvoir des médias, l’inflation de l’audiovisuel, les dégâts de la téléréalité.
L’histoire, peut se résumer en quelques lignes : Blache et Delile étaient cadres dans la même entreprise de papeterie à Orléans. Tous deux ont été licenciés, suite à une restructuration, et sont contactés par deux jeunes femmes journalistes, chargées de recruter les futurs candidats d’une émission de « reality show » sur les chômeurs de plus de cinquante ans. Mais un seul sera choisi et deviendra la vedette d’un soir. Quelques jours avant l’émission, Blache est assassiné, alors qu’il était sur le point d’être l’heureux élu. Qui a tué ? Le juge mène enquête, mais il n’est pas le seul.
Au cœur de l’intrigue, il y a un meurtre, sans qu’on sache avec certitude qui est le coupable, tant les hypothèses s’ouvrent l’une à côté de l’autre. Intrigue policière donc, avec le suspense attendu, mais comme ailleurs chez Michel Vinaver, c’est bien la figure de l’exclu, du dissident, volontaire ou involontaire, qui est choisie comme figure emblématique de notre société.
Entre ceux qui exercent une oppression et ceux qui la subissent, de nouvelles frontières sont tracées, troubles, perverses. Loin d’un théâtre cérébral bien pensant, Vinaver donne corps et voix à des personnages justes qui ne savent porter des idées. Ils ne sont que porteurs de mots. Et n’ont que des mots à échanger pour dire qui ils sont et faire exister leur vie.
Je ressens dans l’homme Michel Vinaver et son œuvre, une soif de justice et de tendresse. En travaillant cette pièce, j’aimerais faire mienne cette quête d’un théâtre où le plus intime rejoint le plus politique.
Thierry Roisin
63, rue Victor Hugo 93100 Montreuil