Une tragédie de l'adolescence
La pièce
La censure
Notes de mise en scène
Notes de l'auteur
Notes du traducteur
Le théâtre de la Vallée
Comment devenir un homme, une femme, dans une société qui soigneusement maintient un silence criminel sur la façon même de créer un homme, une femme ?
C'est avant tout l'histoire de Moritz, Melchior, de Wendla et des autres ; de jeunes adolescents qui tentent péniblement de comprendre la vie dans une Allemagne pudibonde où la morale n'est qu'un outil de répression et où l'éducation sexuelle se réduit à un simple survol de cigognes.
Cette pièce, la première de Wedekind, est une succession de scènes où lentement l'irrésistible oppression de la société va laminer, déformer et détruire une jeunesse qui n'aspire qu'à la connaissance simple et naïve des liens qui unissent l'homme à la femme. Une aspiration criminelle dans cet univers prussien que la pièce de Wedekind a définitivement figé dans une de ses plus bouleversantes représentations.
" Je commençais à écrire sans aucun plan, avec l'intention d'écrire ce qui m'amusait. Le plan de la pièce s'établit après la troisième scène et combina des expériences personnelles et celles de mes camarades de classe. Presque chaque scène correspond à un événement réel. "
Wedekind écrivit L'Eveil du Printemps en 1891, la pièce fut jouée pour la première fois en 1906, mais trois scènes furent censurées. Elle fut jouée dans son intégralité pour la première fois trente ans plus tard, en 1928.
Au moment de l'écriture, il n'existait aucune possibilité de réalisation scénique : non seulement Wedekind ne respectait pas les conventions théâtrales de l'époque, mais, plus grave, le sujet, la sexualité des adolescents, ne pouvait pas être admis dans un lieu public, sur un plateau de théâtre.
L'Eveil du Printemps fut un sujet de réflexion pour Freud, pour Lacan et bien d'autres : des conflits latents qui opposent les adolescents au monde des adultes au moment où leur sexualité s'éveille.
En 1912, vingt-deux ans après la publication, l'interdiction notifiée de L'Eveil du Printemps par le Préfet a été levée.
" Le contenu de la pièce peut se résumer ainsi : elle représente l'effet que font sur des jeunes gens naïfs, à l'âge de la puberté commençante, les forces réelles de l'existence : leur propre sexualité en éveil et les exigences de la vie, en particulier de l'école. Tous ne survivront pas à cette étape de leur vie. Ceux dont le rôle est de les guider - parents et professeurs - par méconnaissance du monde et par pruderie, négligent de les informer et de leur montrer le chemin par une aide compréhensive.
Wendla Bergmann meurt, parce que sa mère refuse de l'éclairer sur les rapports sexuels humains. Moritz Stiefel est écrasé par les tâches scolaires qu'il ne peut remplir, son père exige qu'il les remplisse et sa sévérité est entièrement tournée là-dessus. Melchior Gabor, lui, ne succombe pas, parce qu'il acquiert une réelle compréhension de la vie. (...)
On ne peut refuser à la pièce le caractère d'une pièce sérieuse ; elle traite de problèmes d'éducation, et elle essaie de prendre position. On n'a pas l'impression que quand des actions immorales sont représentées, ce soit pour les montrer comme quelque chose de permis, de fait pour être imité, pas plus que pour exciter ou libérer la lubricité du spectateur. Le public de théâtre ne pourra se dérober à un sentiment de compréhension très humain pour le sort tragique des personnages principaux. "
Die Post, Journal de Berlin
5 juillet 1912
Distribution
L'Eveil du Printemps est un jeu sur l'adolescence. Les acteurs ne sont pas obligés d'être proches physiquement de l'adolescence, ils la jouent.
Chansons
Elles permettent de créer, dès le début du spectacle, une distance. Ecrites et, à son époque, interprétées par Wedekind lui-même, elles sont chantées à plusieurs voix par les acteurs, sans accompagnement musical.
Langage
Poétique. Wedekind compte parmi les auteurs de l'expressionnisme allemand, mais les thèmes qu'il aborde dépassent les normes, leur traitement est subtil.
" J'ai fait mon possible à faire valoir l'humour, l'intelligence et l'enjouement, à adoucir la passion, même dans la dernière scène, celle du cimetière. (...) Je crois que l'oeuvre agit de façon d'autant plus saisissante qu'elle est jouée innocente, ensoleillée, rieuse. Je crois que la pièce, si on en accentue le tragique et la passion, risque de produire un effet rebutant. "
Frank Wedekind, lettre à Fritz Basil
La critique, encore aujourd'hui, n'a toujours pas le moindre soupçon de l'humour impartial que j'ai laissé en pleine conscience s'exprimer dans toutes les scènes, sauf une. (…)
Je serais étonné si je vois le jour où on prendra enfin cette oeuvre comme je l'ai écrite voici vingt ans, pour une peinture ensoleillée de la vie, dans laquelle j'ai cherché à fournir à chaque scène séparée autant d'humour insouciant qu'on en pouvait faire d'une façon ou d'une autre.
Frank Wedekind
Esprit de la Terre
Etends la main vers le péché ;
Du péché vient la jouissance.
Pour toi, tout est encore caché,
Tu es encore dans ton enfance.
D'un mauvais oeil à tort tu vois
Les trésors à tes pieds qui roulent :
Prends-les. Le monde n'a de lois
Qu'à ses pieds chacun ne les foule.
Heureux qui joyeux et faraud
gambade sur des tombes fraîches,
Et de danser sur l'échafaud,
Personne après tout qui l'empêche !
Frank Wedekind
Wedekind ou les méandres d'une langue adolescente.
Il y a bientôt trente ans, la France découvrait la pièce-manifeste de Wedekind : L'Eveil du Printemps. Une découverte majeure, à un moment où le théâtre français s'inscrivait durablement dans une politique prestigieuse de mise en place d'un répertoire contemporain fortement teinté par les influences dramaturgiques allemandes. Le texte français sur lequel s'appuyait la mise en scène de Brigitte Jaques révèle, et peut-être trahit, l'esprit de cette époque pionnière. Il ne s'agit pas ici d'en commenter la qualité, les quelques imprécisions, mais de redire que loin du texte original, la traduction d'une pièce s'inscrit toujours dans un contexte esthétique et " politique " précis, témoin d'un esprit du temps, reflet d'une mode et d'un monde.
Entreprendre aujourd'hui une nouvelle traduction de cette pièce, confier ce travail à un auteur dramatique signale une évolution majeure dans la prise en compte de ce texte. Ce n'est plus tant la charge symbolique et " libertaire " qui est ici l'enjeu du texte, mais la recherche d'un équivalent poétique français ; un équivalent contemporain (pour ne pas dire moderne) qui place la parole adolescente à l'oeuvre dans cette pièce au centre d'un réseau signifiant clairement perceptible par le spectateur de 2002.
Donner à entendre cette pièce aujourd'hui, c'est s'inscrire implicitement dans l'histoire récente de la diffusion de L'Eveil du Printemps en France. Apparaissant trop vite comme un classique de la dramaturgie contemporaine, on en oublie rapidement la dimension " laboratoire " et naïvement inventive présente dans le texte allemand. La pièce de Wedekind est incertaine dans sa forme (cette fameuse Kindertragödie qui même en Allemagne ne renvoie à aucun genre repéré), elle est parfois hésitante dans son évolution dramatique et dans son écriture même. Autant de signes clairs pour la situer dans le " geste " adolescent d'un auteur qui hésite, doute et crie la difficulté de vivre d'une génération opprimée par la lourdeur de l'appareil politique prussien.
Traduire une nouvelle fois cette pièce pour le public français consistera donc à s'attacher désormais à la mise en évidence de cette " hésitation " structurelle existant au coeur même de la pièce. Là où le texte de 1974 installait la dénonciation nécessaire à la culture bourgeoise, nous privilégierons la dimension poétique et destructrice d'une langue qui se met maladroitement au service d'une jeunesse qui n'est dupe ni du désarroi du monde ni des forces qui le gouverne. Les motivations sont certainement les mêmes qu'il y a trente ans ; reste que les maux de la jeunesse, pour être universels, traversent notre espace moderne dans une langue spécifique et c'est bien cette complicité avec nos contemporains qu'il faudra chercher si on ne veut pas figer la pièce de Wedekind dans son aspect exclusivement patrimonial.
René Fix, novembre 2002
Etre passeur entre des pays, entre un texte et des acteurs, entre un public et la scène. Créer des rencontres et construire avec d’autres artistes (peintres, compositeurs,…) ce lieu où, à travers le jeu et la parole, l’imaginaire devient réalité le temps d’une représentation.
Le Théâtre de la Vallée est subventionné par le Conseil Général du Val d'Oise et soutenu par la Caisse d'Epargne Ile de France Nord et l'imprimerie STIP à Domont. Il reçoit régulièrement des aides du Ministère de la Culture - DRAC/ Ile de France, de la SPEDIDAM, de l'ADAMI et d'autres partenaires comme l'ambassades de Danemark, celle d'Autriche, et l'ANPE du Val d'Oise.
En neuf ans, il a présenté Le Conte d'hiver de Shakespeare, Stella de Goethe, une comédie anglaise de Debbie Isitt et des pièces de théâtre pour enfants comme Le Chéri de la pirate de Heiner Kondschak, Côte à côte de Michel Ramlose, un opéra de poche créé en 1997 au Festival Off d'Avignon (Théâtre du Chêne Noir).
En 1998, il présente un premier spectacle sur Bertolt Brecht - Comment souffle le vent en Avignon (Théâtre du Chien qui fume). En 1999, la compagnie est en résidence à Fosses : elle crée Bérénice (joué dans le Val d'Oise, à Paris et à Melun), et Norbert Groscou ou Le Rhinocéros Nu d'après Michael Ende. En 2001, le théâtre de la vallée participe une nouvelle fois au festival d'Avignon avec Chevalier Cochon et le Mangeur de Rêves de Roberto Frabetti et Métamorphoses d'après Ovide, joués au Collège de la Salle.
En 2002, la compagnie présente Voyage au coeur de la forêt, un spectacle pour enfants et deux spectacles musicaux : Et aussi meurent les désirs -Antonia Bosco chante Bertolt Brecht et Anna... Loin Là-bas - chants traditionnels italiens et chansons françaises sur l'exil et le voyage. Elle joue à Paris (Salon des Arts et Théâtre du Lierre), en Algérie et au Maroc.
22, rue du Chevaleret 75013 Paris