Tableau d'une famille américaine se déchirant et se débattant dans les remous de la crise de 29, La Ménagerie de verre, premier succès de T. Williams, a la force d’une oeuvre autobiographique : le narrateur Tom, double de l'auteur, se souvient du petit appartement de Saint-Louis, sept ans plus tôt. Il fait revenir les fantômes de sa mère et d’une soeur si fragile, « la jeune fille en verre ». Dans l'espace clos de la mémoire, le passé retrouve l'éclat du présent, avec son lot d'omissions, d'exagérations, de poésie. Les personnages, serrés les uns contre les autres, manquent d’air et d’avenir. La mère veut avant tout marier sa fille trop repliée sur elle-même et le fils ne pense qu’à prendre le large. Dans cette comédie dramatique, cruelle, une profonde solitude renvoie chacun à lui-même, perdu dans la jungle d’une ville industrielle, elle-même en perdition.
TOM (au public) – Oui, je vais vous surprendre, j’ai des tours dans mon sac. Mais je suis l’inverse d’un prestidigitateur de music-hall. Lui vous présente une illusion qui a l’apparence de la vérité. Moi, je vous présente la vérité sous le masque plaisant de l’illusion. Pour commencer, je retourne le sablier du temps. Je remonte au charme rétro des années trente.
in La Ménagerie de verre, Scène 1.
J’ai toujours aimé mettre en scène des pièces où l’auteur joue avec sa mémoire. En mêlant vrais et faux souvenirs, la vie réelle et la fiction, le poète donne à cette fable si émouvante une profondeur née d’une intimité secrète. Il dit sa vérité en la réinventant. […] Cet enjeu poétique sert à mettre en valeur une vision politique. Sans être un auteur engagé dans un combat précis, Tennessee Williams vise juste : la Dépression, l’économie en train de se déliter, l’approche inéluctable de la guerre… Il ne démontre rien ; il se contente de montrer par petites touches, en quelques répliques, comment une grave crise sociale travaille au corps une famille, déjà fragilisée par le départ du père. Face à l’angoisse, la perte des repères habituels, la confusion des valeurs, la peur de la misère, chacun cherche son remède, un refuge dans le passé, une stratégie de fuite, un rêve de compensation. La crise s’ancre dans les têtes. […] On se sent piégé, on se débat, on se bouscule, on se replie sur soi, on passe de la bouderie aux cris puis aux larmes avant de déraper dans le grotesque et le ridicule : chacun y va de son cinéma ! Le rire jaillit de l’affolement des situations.
Jacques Nichet
Traduction de Jean-Michel Déprats
Dès les premiers mots, Tom-Tennessee, en s’adressant directement au public, renverse le quatrième mur qui sépare les acteurs de la salle : « Oui, je vais vous surprendre, j’ai des tours dans mon sac. Mais je suis l’inverse d’un prestidigitateur de music-hall. Lui vous présente une illusion qui a l’apparence de la vérité. Moi je vous présente la vérité sous le masque de l’illusion. »
Cet enjeu poétique sert à mettre en valeur une vision politique. Sans être un auteur engagé dans un combat précis, Tennessee Williams vise juste : la Dépression, l’économie en train de se déliter, l’approche inéluctable de la guerre… Il ne démontre rien ; il se contente de montrer par petites touches, en quelques répliques, comment une grave crise sociale travaille au corps une famille, déjà fragilisée par le départ du père. Face à l’angoisse, la perte des repères habituels, la confusion des valeurs, la peur de la misère, chacun cherche son remède, un refuge dans le passé, une stratégie de fuite, un rêve de compensation. La crise s’ancre dans les têtes et y déploie tout son cinéma !
Tom, Amanda, Laura et même Jim n’apparaissent jamais comme des monstres mais leurs conditions de vie sont souvent monstrueuses. Chacun d’eux est aussi « beau » et « fragile » qu’un animal de verre de la ménagerie : dans la violence de l’époque, il suffit d’un choc soudain pour tomber brisé. (...) Cette comédie est cruelle ou plus exactement c’est une comédie de la cruauté. L’amour de Laura pour Jim ne trouve aucun accomplissement et pourtant toute une scène l’a révélé magnifiquement, magiquement comme dans un conte, sous les auspices d’un animal mythologique, une Licorne, gardienne de pureté et de virginité. La cruelle bêtise de la vie vient tout casser, la Licorne devient en se brisant un bourrin. « La jeune fille en verre » est brisée elle aussi comme l’a été Rose, la soeur de Tennessee. Mais, paradoxalement, elle se libère ainsi de sa prison de verre. Elle donne à son amoureux d’un soir la plus belle pièce de sa collection dont elle se délivre définitivement. En échange d’une illusion d’amour qui l’a cependant réellement transfigurée, elle se sépare d’un animal fétiche qui depuis son enfance n’était qu’une protection illusoire contre la violence de la réalité. Même si nous avons envie de pleurer, nous pouvons continuer à sourire. Notre émotion de spectateur ne transforme pas cette comédie « sentimentale, non réaliste » en mélodrame.
Jacques Nichet, 2008
« Un travail d’une grande intelligence et toujours fin, qui casse à chaque instant le réalisme attendu. Luce Mouchel campe une mère sympathique et monstrueuse malgré elle. Agathe Molière est bouleversante. » Télérama, TTT
« Ici, les comédiens ont une responsabilité très grande : ils défendent des personnages, avec leur épaisseur et leur mystère, mais ils incarnent le verbe d'un poète et le font flamber haut. (...) Tous ont quelque chose de Tennessee... » Le Figaro
« La mise en scène, sobre, joue avec une fraîcheur, une certaine naïveté des acteurs. Luce Mouchel est très convaincante. Ses partenaires prouvent leur talent et leur belle conviction. » France 2
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