La Rose et le Pavot

du 19 septembre au 26 octobre 2008
1h

La Rose et le Pavot

Il était une fois un peuple. Scindé en deux par la géographie et l'Histoire. L'une des moitiés vivait à l'Est, dans le froid, et mangeait des harengs et des cornichons. L'autre moitié vivait au Sud, et mangeait du couscous. Rien à voir. Sauf qu'il y a un point commun : contrairement à certaines idées reçues, aucune des deux moitiés ne mangeait forcément tous les jours. Spectacle à deux voix et en musique.

Extrait
Note
Mise en scène

Spectacle en deux voix en musique.

  • Extrait

"Dans mon pays d'origine, mon nom signifie pavot, fleur légère et si délicate qu'elle ne supporte pas d'être cueillie sous peine d'en mourir, fleur sulfureuse et empoisonnée, mère de l'opium qui donne des songes. En yiddish, le nom de naissance de Maurice désigne la rose, reine des fleurs et fleur des rois, eau de rose précieuse venue de pays lointains, teint de rose, sentir la rose, et cette aurore aux doigts de rose toute désignée pour ouvrir le rideau sur ce qui devait devenir"

La Rose et le Pavot de Sonia Koskas

  • Note

Il était une fois un peuple. Scindé en deux par la géographie et l'Histoire. L'une des moitiés vivait à l'Est, dans le froid, et mangeait des harengs et des cornichons. L'autre moitié vivait au Sud, et mangeait du couscous.

Rien à voir. Sauf qu'il y a un point commun : contrairement à certaines idées reçues, aucune des deux moitiés ne mangeait forcément tous les jours. De part et d'autre du monde, à l'Est comme au Sud, tout un petit peuple cousait, ravaudait, tannait et remaillait pour survivre. Et lorsque la vie était trop dure, certains quittaient l'Est ou le Sud, pas souvent avec des papiers, mais toujours avec un rêve : la France. Et puis vinrent des temps de fer et de feu qui ont fait périr la quasi-totalité de la moitié de l'Est.

Et si ces temps avaient continué, il en aurait été de même pour l'autre moitié. Aujourd'hui, dans cette France tant rêvée, les deux moitiés se parlent par la bouche de deux personnages, une femme et un homme. S. est une gosse de Sarcelles, tombée là par hasard, au gré des aléas de la petite et de la grande histoire. M. a grandi sur les boulevards extérieurs qui font la ceinture de Paris, parce que c'est là qu'a échoué la grande vague qui a porté son grand-père depuis les bords de la Baltique. Rien n'explique qu'ils se soient croisés, ni pourquoi, mais leur rencontre s'éclaire des multiples déracinements, errances et ré-enracinements de leurs aïeux. Ils se racontent des histoires de sans-papiers, de va-nu-pieds, de saute-frontières et d'intégration. Des histoires de fuite, de voyages à pied à travers la steppe et de pirates. Des histoires de préjugés. Des histoires de neige et de sable.

Peu à peu, bribe par bribe, se tisse une toile qui dessine les contours d'un pays étrange tenant à la fois du Séfarland et du Yiddishland, où Brest-Litovsk se relie à Tunis et où Sarcelles regarde Kovno en une saga savoureuse et bigarrée. S. vient du Sud, M. vient de l'Est. Rien à voir. Ah, si, au fait ! Ils sont Juifs.

Maurice Delaistier

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  • Mise en scène

Que fait-on avec la mémoire ? Des chansons, des poèmes, de la littérature, ou bien du théâtre ? Pour Maurice et Sonia, ce sera du théâtre. Ou plutôt une forme originale, tenant à la fois du théâtre et du conte. Du conte, parce que c'est en tant que Maurice et Sonia qu'ils parlent, même si les histoires qu'ils nous racontent sont traversées par des personnages. Du théâtre, parce qu'entre Sonia la séfarade et Maurice l'ashkénaze il y a une dramaturgie à trouver, même si elle est très sobre : une manière de se tenir l'un en face de l'autre, de se regarder ou de s'ignorer, de se toucher ou de s'éloigner, de prendre conscience de son corps et laisser venir à soi le corps du grand-père Charachevsky, et les mains si expressives de Mama Leïla… Démêler le fil du conte d'avec celui du théâtre – ou les emmêler à dessein – voilà qui constituera une part importante du travail que nous allons effectuer avec eux.

Avec également une attention vigilante portée sur la place de la musique, son rôle, sa manière de s'incarner dans l'attitude physique de celui qui la joue : prendre un instrument, le garder contre soi, en jouer pendant que l'autre parle, le reposer à terre, rien de tout cela ne doit jamais venir parasiter la portée expressive des mots, des corps, des silences.

Autre part essentielle de la mise en scène de ce spectacle : ce qu'on pourrait appeler un travail sur les glissements. Glissement d'une langue à l'autre par exemple. Car ces ombres que font revivre Maurice et Sonia étaient des ombres polyglottes. Leur français d'immigrés de plus ou moins fraîche date était comme parfumé de l'intérieur par des mots de russe et de yiddish pour les uns, d'arabe et de judéo-arabe pour les autres. Et c'est aussi en rendant justice à ce parfum-là que nous contribuerons à faire apparaître non seulement ces ombres, mais aussi l'univers sensible qui flottait autour d'elles, et cela sans jamais que la mise en scène ne tombe dans un folklorisme facile.

Autre glissement – et donc autre travail sur la langue et la manière de dire – celui qui tend à faire surgir de la vie quotidienne une dimension plus hallucinée. Car – et c'est là aussi sa richesse – on passe souvent, dans ce spectacle, d'une saveur à l'autre. Le rire, par exemple y est fait d'étoffes différentes : autant l'on rit à gorge déployée aux saillies de Ch'ha, autant le rire que provoquent les Sages de Khelm est plus inquiétant, plus proche de l'absurde d'un Beckett. Et si la vie quotidienne est campée de manière très savoureuse dans ces récits, elle semble parfois décoller du sol et tournoyer dans les airs, comme dans un tableau de Chagall où chèvres, violons et fiancés volent au-dessus des toits.

Cette dimension profondément onirique, présente en filigrane dans La Rose et le Pavot, notre mise en scène va s'efforcer de lui donner un espace, un espace quasiment immatériel puisque, en l'absence quasi totale de décor, ce sera essentiellement la lumière qui en aura la charge. Ainsi que l'écrivait Romain Gary : "Ne dis pas forcément les choses comme elles se sont passées, mais transforme les en légendes et trouve le ton de voix qu'il faut pour les raconter."

C'est à la recherche de ce ton – de ces tons – et de cette vérité que nous allons nous atteler avec Maurice et Sonia, en sachant que, pour une large part, ils les ont déjà trouvés, et qu'il ne va s'agir pour nous que de leur apporter ce presque rien qui ne se voit pas forcément mais qui amène une liberté : une liberté générant l'expression juste et qui fait mouche à tous les coups, parce qu'elle trouve sa résonance dans l'histoire intime de chacun de nous, quelle que soit son appartenance, et qui de ce fait opère un ultime glissement : celui du singulier à l'universel.

Emmanuelle Ricard et Jean Manifacier

Par la Compagnie Sanguines.

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Sélection d’avis du public

La Rose et le Pavot Le 20 octobre 2008 à 09h24

Merveilleux ! PLus qu'un spectacle, c'est un voyage qui nous rappelle ce qu'est la France : cosmopolite. Une heure de métissage, de couleurs, de sons... On en ressortirait presque bronzé !

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La Rose et le Pavot Le 20 octobre 2008 à 09h24

Merveilleux ! PLus qu'un spectacle, c'est un voyage qui nous rappelle ce qu'est la France : cosmopolite. Une heure de métissage, de couleurs, de sons... On en ressortirait presque bronzé !

Informations pratiques

Théâtre Falguière

55, rue de la Procession (Place Falguière) 75015 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Montparnasse Salle climatisée Vestiaire
  • Bus : Procession à 47 m, Alleray à 97 m, Brancion - Vouillé à 285 m, Cambronne - Vaugirard à 360 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre Falguière
55, rue de la Procession (Place Falguière) 75015 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 26 octobre 2008

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