Il n’y a pas un drame humain qui n’offre au moins quelques aspects très gais. (Georges Feydeau)
Résumé
Note du metteur en scène
Notes de l'auteur
La presse
Chandebise ne peut plus honorer sexuellement sa femme. Celle-ci le piège car elle le croit infidèle. Le hasard et l’absurde s’en mêlent lorsque à l’hôtel du Minet Galant où le pauvre homme se retrouve, surgit son sosie, présence aggravant le gouffre déjà entrouvert.
Pour Stanislas Nordey, Feydeau est « celui qui a su le mieux explorer la vie du cauchemar éveillé, de la fantaisie inquiétante sans limites de vraisemblance ». Kafka et les Marx Brothers sont ses plus proches compagnons pour le démontage et l’assemblage des mécanismes de la « machine » que Feydeau a inventée.
J’ai toujours privilégié dans mes choix de textes, l’inédit, l’inexploré, le contrepoint, les terres mouvantes. Après Schwab, Pasolini et Gabily ces trois dernières années, j’ai choisi Magnus Dahlström et Georges Feydeau, un grand écart apparent mais en réalité un chemin très cohérent dans mon parcours.
Dahlström s’inscrit délibérément dans l’exploration obstinée du répertoire contemporain que je mène depuis dix ans et Feydeau un peu au même titre que mon voyage en terre élisabéthaine (Le Songe d’une Nuit d’Été) représente un passage à l’acte toujours différé mais ardemment désiré.
Feydeau est pour moi celui qui a su peut-être le mieux, au cours du siècle précédent, explorer la vie du cauchemar éveillé, de la fantaisie inquiétante sans limites de vraisemblance. Le deuxième acte de La Puce à l’oreille est sans conteste un chef-d’œuvre de « nonsense », une mécanique théâtrale maîtrisée d’abord, puis qui s’emballe au point de verser dans le fossé.
J’aime la rythmique d’une langue, pouvoir m’y attacher, la décrypter et la précision d’écriture de Feydeau me fascine à plus d’un titre. Un homme, Chandebise, ne peut plus honorer sexuellement sa femme. Celle-ci le piège car elle le croit infidèle. Le hasard et l’absurde s’en mêlent lorsque à l’hôtel du Minet Galant où le pauvre homme se retrouve, surgit son sosie, présence aggravant le gouffre déjà entrouvert. Ce même sosie en une ultime pirouette sautera par la fenêtre du 1er étage comme par enchantement et disparaîtra à jamais. À la toute fin de la pièce, Chandebise promet à sa femme, qui à la suite de ses défaillances sexuelles lui avait dit avoir « la puce à l’oreille », qu’il tuera la puce ce soir. Enfin « j’espère », conclut-il. La pièce se terminant par une interrogation en suspens.
Kafka et les Marx Brothers sont mes plus proches compagnons dans l’élaboration de la scénographie et de la dramaturgie. Feydeau inventait des machines, ce sont le démontage et l’assemblage de ces mécanismes qui m’intéressent.
Pas question de trancher dans une fausse querelle, entre l’idée de « faire un Feydeau sérieusement » ou de « succomber à la tentation du cabotinage » ; ce désir est là, indiscutable, pollué par rien d’autre que par l’angoisse d’échouer à restituer quelque chose d’intense quant à la beauté architecturale de cette pièce.
1907, la Belle Époque, un nouveau siècle, une avant-veille de premier conflit mondial, Paris. Il va de soi que notre recherche portera aussi sur la provenance de cette voie-là, sur le mystère de ces pièces dont le cadre était souvent des appartements bourgeois du boulevard des Capucines ou du boulevard Haussmann et dont les représentations se déroulaient à quelques centaines de mètres de là sur les boulevards.
Du rire il sera question sans doute car dans notre imaginaire comme dans celui du spectateur, il est le premier témoin convoqué à l’évocation de ce théâtre-là.
Stanislas Nordey
Je pars toujours de la vraisemblance. Un fait - à trouver - vient bouleverser l’ordre de marche des événements naturels tels qu’ils auraient dû se dérouler normalement. J’amplifie l’incident. Si vous comparez la construction d’une pièce à celle d’une pyramide, on ne doit pas partir de la base pour arriver au sommet, comme on l’a fait jusqu’ici. Moi, je retourne la pyramide : je pars de la pointe et j’élargis le débat.
Georges Feydeau, cité par Michel Georges-Michel,
L’Époque Feydeau, Candide, 4 janvier 1939
Lorsque je suis devant mon papier, et dans le feu du travail, je n’analyse pas mes héros, je les regarde agir, je les entends parler ; ils s’objectivent en quelque manière, ils sont pour moi des êtres concrets ; leur image se fixe dans ma mémoire, et non seulement leur silhouette, mais le souvenir du moment où ils sont entrés en scène et de la porte qui leur a donné accès. Je possède ma pièce comme un joueur d’échecs son damier. J’ai présentes à l’esprit les positions successives que les pions (ce sont mes personnages) y ont occupées. En d’autres termes, je me rends compte de leurs évolutions simultanées et successives. Elles se résument à un certain nombre de mouvements. Et vous n’ignorez pas que le mouvement est la condition essentielle du théâtre et par suite (je puis le dire sans immodestie après tant de maîtres qui l’ont proclamé) le principal don du dramaturge.
Georges Feydeau cité par Adolphe Brisson,
Une leçon de vaudeville, Portraits intimes, 5e série, Colin, Paris, 1901
" Dactylographié en lettres noires sur fond blanc, un texte particulièrement dense occupe un panneau gigantesque. On y déchiffre la description minutieuse d’un salon bourgeois au début du XXème siècle. Plutôt que de créer un décor réaliste, Stanislas Nordey a choisi d’installer cette mise en en scène dans un espace quasi futuriste. Il en résulte une impression de vide ou de fantastique qui se révèle tout à fait en phase avec l’univers de Feydeau. Tout ici est construit sur le malentendu, la peur, le déplacement du sens. (...) Créé au Théâtre national de Bretagne la saison passée, ce spectacle est une des plus formidables interprétations de Feydeau que l’on ait pu voir ces derniers temps. "
Hugues Le Tanneur, Aden, 19 mai 2004
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010