C’est une terrasse qui, crise de l’immobilier oblige, se trouve dans un sous-sol, où les bavards impénitents, qui peuplent les bords de la Méditerranée, se retrouvent. Ces Italo-Greco-Hispano-Franco-Arabo-Catalans polémiquent, discourent, parfois juste pour la beauté des mots, boivent, mangent, rêvent à d’autres terrasses. Ils viennent là sans trop savoir ce qu’ils vont y trouver, hormis ce qui les unit, cet “art de vivre ensemble” qui paraît s’éloigner, abordant les rivages de la délicieuse nostalgie du temps qui passe.
Leurs compagnons de route sont les poètes, les philosophes, les historiens, les chanteurs, les romanciers, les musiciens, les auteurs dramatiques qui, de l’Antiquité à nos jours, à travers les guerres et les paix, ont voyagé sur mer et sur terre, s’interrogeant sur le destin qui les frappe, traversant cette Europe méditerranéenne, cette “série de lacs entourés de montagnes”, comme le disait Fernand Braudel. De Platon à Ovide à Calvino, Séféris, Vittorini, Svevo, Kavvadias (tous ou aucun d’entre eux), dans toutes les langues de ce bassin méditerranéen, surgira le fort désir de sauver cette terrasse menacée par la rigueur des nouveaux climats.
D'après des textes de Francis Marmande, Giacomo Leopardi, William Shakespeare et Patrick Sommier.
Cinq personnages qui pourraient jouer la “Revue” dans une petite ville du sud évoquent la vie du mythique torero Curro Romero, qui s’est retiré à 66 ans, après cinquante ans dans l’arène.
Curro Romero aura accumulé les désastres et les triomphes, il aura toute sa vie été le plus grand ou le pire, il a été adulé, moqué, insulté, porté en triomphe. L’histoire d’un tel personnage ressemble à un destin d’acteur, acteur et torero sont jumeaux. Leur histoire est celle de l’homme seul face au public et à la mort. C’est une histoire de théâtre que je veux raconter.
J’avais en tête la joyeuse bande de La Terrasse de Scola... mine de rien pas mal d’acteurs du film étaient venus jouer à Bobigny, Mastroianni, Gassmann… Tognazzi devait venir et puis il est parti au ciel, et des tas d’autres. Et puis j’avais un deuil à faire, je ne sais plus lequel exactement, celui d’une époque, sans doute, celui de l’Italie aussi. Et je me suis souvenu d’un livre qu’on m’avait offert, qu’avait écrit Francis Marmande, À Partir du lapin. Je l’ai lu sur l’île d’Egine dans le golfe Saronique. Il y avait dans ce livre beaucoup de ce que je marmonnais le soir et le matin et je savais que ce monde dont il parlait était le mien...
J’ai lu tous les livres de Francis Marmande (ou presque), ses histoires de contrebasses ou son voyage au Viêt-Nam. J’ai lu le Rocio, ce tellurique pellerinage andalou et L’indifférence des ruines. Et puis j’ai lu son bouquin sur Curro Romero, le torero mythique de Séville qu’on surnommait le Pharaon de Camas. Je voulais savoir comment finissait une légende, comment on fait le deuil d’un pharaon, le deuil d’un acteur.
Des corridas, j’en ai vu trois ou quatre dans ma vie. Elles aussi faisaient partie de ce que j’avais reçu dans mon patrimoine génétique : on est comme on est. “Outre qu’elle est publique, payante, assimilable au spectacle qu’elle n’est pas et, à ce titre, plusieurs fois scandaleuse, la corrida est la plus violente des brèches entrouvertes sur le sacrifice. Et sans doute, la dernière. Elle est aussi l’absurde vérité du monde”.
Ces cinq personnages racontent des histoires. On ne sait pas qui ils sont, des comédiens peut-être qui font la revue dans quelque ville de la province italienne, ils enchaînent les numéros et à chaque pause parlent de toros bravos. C’est l’histoire de l’acteur et de la mort.
Patrick Sommier
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)