Dans ce texte troublant, Marguerite Duras s’inspire d’un fait divers et explore les motivations d’une meurtrière. Les faits sont avérés et les aveux prononcés, Pierre et Claire Lannes, les deux protagonistes, consentent à se livrer. La criminelle ne saurait expliquer son geste, l’interrogateur “cherche pour elle”, l’accompagnant dans la recherche de ce qu’elle ignore d’elle-même.
Dans un implacable face à face, sorte de huis clos hors du temps et des logiques de l’enquête judiciaire, Marguerite Duras met en lumière les silences de Claire Lannes, et nous plonge dans l’abîme de notre matière humaine. Au contact direct des spectateurs, dans un espace clos qui évoque à la fois le parloir d’une prison, l’enceinte d’un tribunal, la cave du crime, l’hôpital psychiatrique, les acteurs profèrent les mots comme autant de coups de marteau à équarrir les bûches. Nul pathos, nulle flagornerie du jeu, nul effet de manche, mais simplement la force des mots et leur implacable déterminisme.
Ahmed Madani
Marguerite Duras place ses personnages devant le rideau de fer du théâtre, car la représentation n’a pas encore commencé ou est, peut-être, déjà terminée ou pourquoi pas, ne peut avoir lieu. Ne restent alors que des questions sans réponses et si les mots sont impuissants alors nulle issue, nul partage, nulle compassion. Rien que la solitude de cette drôle d’amante dont la bouche, à l’image du ciment du banc sur lequel elle est assise, n’arrive plus à nommer le futur puisque l’amour salvateur appartient définitivement au passé. Rien que l’enfouissement dans un monde sans traces, un monde de liberté absolue qui nous enseigne que raconter une histoire, essayer de comprendre une vie, c’est en faire partie. Alors si écrire, c’est vivre, reste la question toujours posée du comment et du pourquoi.
Elizabeth Macocco
"Les spectateurs sont répartis sur trois côtés d’une scène couverte du sol au plafond de carreaux blancs. En cet espace proprement clinique, on dirait que l’écriture est littéralement calligraphiée. Tout repose sur le jeu, d’une précision millimétrée." Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité, 18 janvier 2010
"Marguerite Duras sous le regard d’Elizabeth Macocco et d’Ahmed Madani. Une variation élégante et sensible autour de celle qui s’inspirait des faits divers." Nathalie Simon, Le Figaro, 15 janvier 2010
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