Simon Labrosse, chômeur idéaliste et amoureux à distance d’une fi lle partie aider les plus démunis en Afrique, déploie chaque jour de la semaine une idée pour résister à la crise : « cascadeur émotif », « finisseur de phrases », « flatteur d’ego », « allégeur de conscience »… Accompagné par Léo, poète cynique révolté et Nathalie, illuminée du bien être intérieur, il joue sa vie, en live dans le temps de la représentation.
Fable brillante, la pièce de Carole Fréchette, mise en scène ici par Cendre Chassanne, traite avec intelligence et humour de notre monde enlisé dans la crise et la précarité. De notre vieil occident qui a la vue courte. De notre incapacité à lâcher l’idée de profit pour l’idée de partage. Il y a là un théâtre à la fois engagé et poétique, profondément politique et férocement drôle.
Les héros de cette fable, c’est nous. Comme eux, nous avançons avec nos failles et nos forces, comme eux nous sommes brassés par les doutes, et comme eux nous sommes aussi faits d’espoir.
La langue, pétrie de couleur québécoise, est vive, charnelle et plonge le spectateur dans un rapport immédiat, sensible et politique. Carole Fréchette écrit la pièce en 1999, alors qu’elle se questionne elle-même sur sa situation d’auteur, d’artiste, de femme. Exister, s’inventer soi-même, être acteur de sa vie dans cet état de crise installé sont des questions urgentes. Comme chez Godot, Simon, Léo et Nathalie, trio inventif et insoumis, cheminent sur le fil, mais ne renoncent pas.
Le verbe de Fréchette est fort. Il est le centre et le nerf du travail avec les acteurs. C’est une langue qui s’invente au présent et dont l’adresse publique est un des ressorts fondamentaux. Simon invente sa vie dans un présent perpétuellement renouvelé. Il « écrit » sa vie sur l’instant et invite ses partenaires à improviser sur le champ. L’instantanéité entre eux et avec le public est l’angle d’attaque.
Nous avons créé le spectacle en janvier 2013 dans le cadre de la programmation Hors les murs de L’agora/Scène Nationale d’Evry. Mettre en scène Les 7 jours de Simon Labrosse, poème sur la précarité, impliquait une réflexion sur l’espace et le public : nous souhaitions développer un type de réseau particulier : petite forme pour tous les espaces, friches, usines, petites salles, établissements scolaires, foyers des théâtres, médiathèques… L’adaptabilité du projet a fait ses preuves aussi sur des grands plateaux et pour des grandes jauges.
Ainsi le lieu et le temps de la représentation est celui où le trio nous raconte la vie de Simon pour tenter de gagner la leur. Ainsi ce temps-là pourrait t-il se dérouler n’importe où. Dénuement, précarité, marginalisation, plateau du pauvre. Simon annonce la couleur dès le début « Vous regretterez pas d’être venus, tous les problèmes que j’ai, vous allez voir, ça va vous réconforter, en sortant d’ici vous allez en parler à vos amis pour qu’ils viennent demain, pis après demain, comme ça je vais pouvoir payer mon loyer pis racheter mon ghetto… » Réalités ou fantasmagories, l’huissier passe, le propriétaire cogne, les bouteilles sont vides. L’espace est réduit au strict minimum, circonscrit par une toile de fond, une bâche de chantier, sur laquelle Léo exprime sa poésie et par deux portants à costumes. Petite table en formica, tabourets et ghetto-blaster sont l’essentiel du décor.
« Un trio inventif et gentiment insolent, qui se joue du mal-être. Cendre Chassane, metteur en scène, donne une version claire, poétique et facétieuse de cette pièce qui n'est pas si facile à lire. Les comédiens sont vifs et épatants. » Télérama sortir TT, septembre 2014
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