Les Bonnes

Paris 6e
du 8 avril au 10 juin 2007
1h15

Les Bonnes

A Huis clos, deux bonnes Claire et Solange jouent dans leur chambre à "Madame et à la bonne". Le désir qu’ont les deux bonnes à servir Madame et à la voir belle s’oppose à leur envie de la tuer…

Note du metteur en scène
Un théâtre nouveau
Genèse de la pièce
Genet et le théâtre

  • Note du metteur en scène

C’est l’histoire de deux bonnes au service de Madame… Non ! C’est le chant d’une genèse : Genèse d’un amour réinventé. Gestation des passions qui conduit ces deux figures à s’aimer dans la mort. Naissance d’une pièce « classique », dont les allures de cérémonie et de sacrifice remontent aux origines du théâtre. Cantique d’un poète de la cruauté, qui se souvient et rend hommage au monde des réprouvés.

 Nour-Ani Sisserian

  • Un théâtre nouveau

 Lorsqu’il a écrit Les Bonnes, Genet avait pour but d’un théâtre nouveau, loin des conventions : d’ailleurs, le sujet s’y prêtait fortement. Et lorsque lui-même, à l’issu de la création de la pièce par Louis Jouvet en 1947, la qualifie d’échec, on peut penser alors que son art est une tentative de concilier son passé de voleur, de tôlard, (monde dans lequel il puise « ses histoires », dans lequel il se complaît et se déteste tout autant) et son envie de reconnaissance littéraire.

Ainsi cette démarche de nous montrer, (nous désignant tout ceux qui ne sont pas hors la loi) la lutte avec un double qu’il choisit avec précaution pour le faire entrer au plus profond de soi, est avant tout une volonté de se faire accepter par le monde intellectuel de l’époque (Sartre, Cocteau) en immortalisant ses amours, au sens large du terme.

En montant les Bonnes, notre compagnie voulait prendre en compte son monde, celui de Miracle de la Rose ou du Journal du voleur, d’en extraire la brutalité, et de l’intégrer à ces bonnes, pour que leur parole devienne prière et non pas un simple fait divers.

Le théâtre de la cruauté est présent dans les bonnes. Le fantasme réside dans le crime, "les prisonniers, les fossoyeurs, les vidangeurs", et même dans la police. Ces sœurs sont belles dans leur mal  "Je pourrai vous parler avec cruauté, mais je peux être bonne." 

La pièce émane des gouffres, ténèbres infernales et a pour objectif d’atteindre le ciel "Je suis pâle et je vais mourir".

Mais le fait de "descendre dans la rue sous les apparences de Madame", ne semble pas être en contradiction à l’affection que Solange a pour "la pauvreté des gestes". Cela n’est pas non plus considéré comme une trahison chez Claire puisque jusqu’à son dernier souffle, elle prendra les mots et gestes de Madame. Par ce procédé, Genet nous montre que ces trois voix ne sont qu’une mais aussi que l’hypocrisie est indissociable de la quête de la vérité.

Et cela en particulier chez "Madame". Elle découvre les objets laissés par les bonnes, mais ne va jamais jusqu’au bout de son raisonnement. Madame saurait-elle qui sont ces bonnes ? Refuserait-elle de se l’avouer ? Rien n’est moins sûr, et lorsqu’elle dénonce une police "qui dispose chez elle d’espions", on est à se douter (une fois de plus) de son caractère réel, de son existence. Ainsi toute la pièce est fabriquée par l’auteur sous un œil vivisecteur.

Le désir de Solange de devenir sa sœur et à la fin de la porter en elle s’oppose à la haine qu’elle ne cache pas à son égard. De même, le désir qu’on les deux bonnes à servir madame et à la voir belle s’oppose à leur envie de la tuer. Par ces contradictions, Genet nous transmet toute la « saleté » de l’amour et ainsi toute sa beauté.

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  • Genèse de la pièce

« Je voulais mettre en train une idée de pièce qui m’est venue cette nuit : deux bonnes jouent dans leur chambre à Madame et à la bonne, l’une finirait par tuer l’autre. » Les premières œuvres de Genet ( Haute surveillance, Miracle de la rose et même son film Un chant d’amour) reprennent continuellement le schéma du huis clos triangulaire.

Ainsi, on peut prétendre que Les bonnes est la tentative de l’auteur de rendre objectif devant un public visible ce qui jusqu’alors était littéralement autobiographique. Par ailleurs, le crime des sœurs Papin en 1933 a en apparence de nombreuses similitudes avec la pièce mais l’auteur en rejettera toute comparaison. Ainsi Les bonnes n’est pas un plaidoyer pour les domestiques mais une métaphore par laquelle l’auteur tend à un nouveau théâtre.

  • Genet et le théâtre

Dans le sillage d’Artaud, Genet aspire à un théâtre de cérémonie, (il s’est dit fasciné par la messe catholique, « le plus haut drame moderne ») de la transgression et de la mort. Peu soucieux d’un théâtre à thèse socio-politique, l’auteur veut avant tout nous faire exploser sa rage, revendiquer son abjection et célébrer ses fantasmes, tout en les refusant.

Il a rétabli « dans sa royauté l’imaginaire et fait entendre jusqu’à l’insolence un langage vivace et rond, qui prend son bien là où il le trouve : dans les fumiers comme sur les hauts lieux du lyrisme mystique. »

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Spectacle terminé depuis le dimanche 10 juin 2007

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