" Un coefficient d’incalculable grandeur " voilà ce que sent Proust dans la netteté du petit bourdonnement de guêpe dans le ciel de l’été 1913, et ce n’était ni un moucheron, ni un oiseau, mais " un aéroplane monté par des hommes, et veillant sur nous. " Ce moucheron-aéroplanecheval céleste, cette infime monture sonore qui nous donne toute la hauteur du ciel d’été amical et vertigineux c’est notre spectacle.
Il est comparable à ces minuscules fleurs de papier japonais, petits morceaux de vie indistincts qui, à peine sont-ils plongés dans un bol de théâtre rempli d’eau, s’étirent, se contournent, se colorent, deviennent des maisons, des bonshommes, des arbres, des navigateurs, des hommes d’état, des cantatrices, des bagnards, des personnages enfin quoi ! et toute l’Europe et ses environs, les océans et les Amériques.
Cet indice de grandeur incalculable on l’aura eu aussi en ouvrant un jour de l’an 2008 un petit roman de Jules Verne, qui avait survécu cent ans à son auteur et se retrouvait un peu perdu à l’étal d’un bouquiniste dans un marché de Paris. À peine avait-on trempé un regard dans son infusion de mots que sur la ruine de papier on voit monter vers le ciel un fourmillement monumental. […]
Et si nous y allions ? Si nous cherchions la lune sur la terre ? De quoi aurait-elle l’air ? Elle serait blanche, brillante et vierge. Ce serait une île. Imaginons. On pourrait y tracer le modèle de l’humanité future. On dessinerait la démocratie idéale trois mille ans après Eschyle. Jaurès a bien dit dans son premier éditorial du 18 avril 1904 que " l’Humanité n’existe pas encore, ou bien elle existe à peine… " Il voulait parler de l’Humanité humaine, naturellement, l’humanité humaniste, l’humanité-égalité, justice, partage.
L’Humanité ! " L’Humanité n’existe pas encore " mais elle viendra. Elle vient. Oh ! Oui c’est le siècle de l’Humanité qui vient, se dit-on. Et elle s’annonce moderne, dynamique. L’air est mythologique. Les êtres humains sont prolongés, agrandis, étendus, portés au-delà de leurs périmètres. Ils aspirent. Et Jaurès a dit : ou elle existe " à peine " . Eh bien, si cet " à peine " , c’était nous. On prendrait la peine de la faire naître à peine, un peu, modestement, idéalement, scène par scène. […] Jusqu’où irons-nous ? Plus loin que l’Inde, plus loin que le Chili et l’Argentine ! Aujourd’hui, nous sommes le 29 Juin 1914. Qu’est-ce qui pourrait nous arrêter ?
Hélène Cixous
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.