A la source d'une idylle vécue dans sa jeunesse, Sheridan puise tous les ressorts de cette comédie romanesque : rivalités entre soupirants, duels, jalousies, enlèvements, valse des sentiments... ici les passions se jouent entre l'austérité hilarante d'une tante, véritable dragon femelle, et le franc-parler insolent des valets !
Avec sa dizaine de personnages, cette comédie donne aux Athévains l'occasion de célébrer pleinement l'esprit de troupe qui est le leur depuis l'origine : Anne-Marie Lazarini confiera ces rôles à des compagnons ayant partagé l'histoire de la compagnie en différentes saisons.
Elle retrouvera aussi l'esprit de la comédie, celui qui traversait déjà Le Timide au Palais de Tirso de Molina, Les Amoureux de Goldoni, ou plus récemment Chat en poche de Feydeau... et cette distance merveilleuse au texte qui est la marque des grands auteurs.
« Peu joué en France, le sarcastique théâtre de Sheridan (...), entre la légèreté des comédies de Shakespeare et l'élégante rosserie de celles de Wilde, mérite la curiosité. (...) Ce caustique marivaudage à l'anglaise multiplie les personnages excentriques, les scènes décalées à l’audace pleine de chic. » Fabienne Pascaud, Télérama
« Si la comédie met du temps à démarrer, elle est si joliment jouée dans des rideaux aériens que l’on est vraiment ravi. » Jean-Luc Jeener, Le Figaro, 21 mars 2019
« Sheridan a vingt-quatre ans quand il écrit Les Rivaux, en six semaines, s'inspirant d'événements qu'il vient lui-même de traverser : on y parle tyrannie paternelle, duels, enlèvements, rivalités, dans une atmosphère amoureuse et romanesque. Très vite les répétitions de cette brillante comédie rocambolesque commencent et le plateau du théâtre devient le miroir de sa vie.
Sheridan emprunte à différentes sources dramaturgiques et notamment à Shakespeare : il semble qu'il connaissait parfaitement son théâtre et particulièrement les comédies dont il perpétue dans Les Rivaux une certaine tradition burlesque.
Mais avec sa verve propre et son humour, il fait sien ce qu'il a emprunté et cette première pièce témoigne déjà de la grande maîtrise de ce jeune auteur.
Avec talent, brio et facilité Sheridan va se moquer gentiment de la comédie sentimentale alors en vogue, car elle oublie l'esprit et le comique ( « wit and humour » ) qui sont éclatants dans Les Rivaux. La pièce est écrite avec une légèreté brillante voire même une certaine excentricité.
La première du spectacle a lieu le 17 janvier 1775 à Covent Garden, le succès est mitigé. Sheridan corrige sa pièce, fait des coupures, change un acteur, et onze jours plus tard c'est un triomphe.
Nous sommes à Bath, ville d'eau frivole et provinciale, haut lieu de la mode où il a d'ailleurs vécu lui-même quelques années. Vont se déployer dans cette cité balnéaire une galerie de portraits tout en couleurs : la très romanesque Lydia Languish, le jaloux Faukland, le conquérant capitaine Absolute (alias l'amoureux Beverley) et son père l'irascible Sir Anthony, la sage Julia, le fougueux Irlandais Sir Lucius, l'irrésistible Acres, les deux malicieux valets Lucy et Fag et la tante Mrs Malaprop qui adore les mots savants mais les massacre cependant avec un art consommé.
A travers les péripéties, mélangeant romanesque et réel, les yeux grands ouverts sur cette société en folie, Sheridan va raconter sa propre aventure, et dessiner quelques-uns des types les plus extravagants de Bath.
Le personnage de Lydia est inspiré d’une célèbre chanteuse, Elisabeth Linley, née à Bath, que Sheridan a disputé à plusieurs prétendants, pour laquelle il s’est battu en duel et qu’il a fini par enlever et épouser. Une partition originale sera écrite pour que ce rôle soit agrémenté par des chants, clin d’oeil à cette jeune soprano qui dût renoncer à la scène peu de temps après son mariage.
Il y a dans Les Rivaux un bonheur d'expression qui est une des plus brillantes qualités de Sheridan : trouvailles ingénieuses, réparties qui surprennent, sarcasmes malicieux, remarques spirituelles... car ici l'esprit, le « wit » court tout au long de la pièce. Et l’on y respire aussi le parfum de l'amour et de la jeunesse. »
Anne-Marie Lazarini
45 rue Richard Lenoir 75011 Paris