Dans cette « chanson », telle qu’il la qualifie, l’auteur de l’Atelier dit se sentir « au plus près de lui-même, au coeur de son inconscient ». C’est un enfant de 62 ans qui appelle sa mère... Il aimerait qu’elle le prenne par la main et qu’ils passent un dimanche heureux.
Suite à une opération précoce de la cataracte, une déchirure rétinienne survint, imposant une intervention urgente de colmatage. On recousit donc la rétine, et on remplit l’oeil de silicone. L’inconvénient majeur du silicone, c’est qu’après l’avoir mis, il faut le retirer. L’intervention se fait donc en deux fois. Première intervention, puis seconde, deux mois plus tard.
L’inconvénient supplémentaire, afin que l’oeil, grâce au silicone, se regonfle dans le bon sens, vers l’extérieur de la tête, le patient doit impérativement rester couché jour et nuit sur le ventre. Inconvénient de l’inconvénient supplémentaire, le traitement médicamenteux à base de sulfamides, destiné à faire baisser la tension oculaire, à ne pas confondre avec la tension ordinaire et générale, provoqua une allergie massive se traduisant par des rougeurs cuisantes comme si on vous badigeonnait le corps et les membres d’un fer rougi à feu. Je vous fais grâce des autres inconvénients dus en partie à l’inconfort de la position.
Il se trouva donc qu’un mois après la première intervention, et donc un mois avant la seconde, couché sur le ventre, rouge écrevisse, assez pessimiste, et après avoir encaissé en supplément imprévu une hausse de tension oculaire subite provoquant des douleurs inimaginables ‐ style fermez les fenêtres et éloignez les armes à feu du patient ‐ cessant de sangloter et de s’arracher les cheveux, l’auteur décida d’appeler à la rescousse sa défunte maman. Il se mit donc à griffonner machinalement sur son cahier Clairefontaine : Maman ! Maman ! Maman !
Après vingt‐cinq minutes, il put lire Maman revient pauvre orphelin. Dire que cela le soulagea serait trop dire, mais du moins, pendant ces vingt‐cinq minutes de griffonnage, cessa‐t‐il de penser à ses malheurs oculaires. Il put également le soir même, toujours sur le ventre, lire à son épouse, tel un être redevenu humain, ce petit texte venu d’ailleurs. Petit texte qu’il chercha ensuite à modifier, corriger, développer, sans y parvenir. Maman revient, plainte, cri, pleurnicherie, cauchemar, invocation, reste ainsi dans son jus initial. L’auteur y adjoint bien après la petite note qui précède désormais Maman, là où l’oeuvrette est qualifiée de chanson.
Chanson ? Pourquoi pas. Dans cette chanson, l’auteur se sent au plus près de lui‐même, plus qu’au plus près, au coeur de son inconscient. Aussi est‐il d’autant plus touché lorsqu’un metteur en scène désire y glisser sa propre musiquette. L’auteur vous souhaite, cher Stéphane Valensi, non seulement de prendre du plaisir pendant le temps que vous consacrerez à Maman revient, mais, en prime, d’oublier vos douleurs.
Jean‐Claude Grumberg
Trop courte pour qu'il est sans doute tout livré (ou délivré ?). La pièce sobre de Grumberg est jouée ici avec conviction.
Pour 1 Notes
Trop courte pour qu'il est sans doute tout livré (ou délivré ?). La pièce sobre de Grumberg est jouée ici avec conviction.
53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris