"Je m’intéresse trop peu à ma personne pour pouvoir écrire une autobiographie. L’intérêt pour ma personne est plus fort quand je parle des autres." Heiner Müller
Müller-Factory après Shakespeare-Factory. Heiner Müller avait qualifié ainsi son travail sur le Grand Will, en référence aussi à la Factory d’Andy Warhol. Le fait est qu’il s’agit bien de mettre un texte au travail ; de rendre manifeste en quelque sorte le “monde” qu’il suppose certes (les circonstances historiques, politiques, poétiques) mais d’abord de donner à entendre et à voir le “monde” du poème.
La R.D.A. a sombré corps et biens en 1989. Le “Premier Etat des ouvriers et des paysans sur le sol allemand”, “la Meilleure Allemagne” n’aura duré que quarante ans. Müller-Factory replace l’écriture de Müller dans ce laboratoire que fut la République Démocratique Allemande sous tutelle soviétique, dans l’univers qui l’a fait naître, qui l’a pour ainsi dire provoquée.
Un chœur de jeunes acteurs s’empare du “monde” de leurs pères, en joue, le questionne, le rend à nouveau sensible. Les utopies communistes offrent un “monde” disparu qui détermine le nôtre. Un jeu avec les fantômes de Staline, et de Hitler, avec Charles Manson et Electre… en chanson.
Hamlet-Machine (1977) est un commentaire de l’Hamlet de Shakespeare. La “pièce” de Müller est une tentative de déconstruction méthodique de la “plus longue pièce du répertoire”. Cinq séquences nous rappellent les cinq actes du drame de Shakespeare ; trois figures (Hamlet, Ophélie, le Narrateur) à la place des nombreux personnages. Le texte (neuf pages !) qui se présente sous la forme d’un “long” fragment est une montagne d’emprunts et de citations, de Shakespeare bien sûr, mais aussi de Thomas Stearns Eliot, Friedrich Hölderlin, Jean-Paul Sartre, Ulrike Meinhof… ou encore d’extraits d’anciennes pièces de Müller lui-même. Un texte qui fait penser à un tableau de Bob Rauschenberg…
Il est question dans Hamlet-Machine du naufrage de la révolution, du corps réduit à l’état de machine, de l’emprise mortifère des valeurs économiques, du rationalisme et de l’idéologie de progrès, mais aussi, à l’inverse, du rôle positif des femmes, de l’anarchie, du chaos et du désordre.
Après la logique des masques, le travail de mémoire : dans Germania 3, les spectres du Mort-homme, Müller poursuit son dialogue avec les morts. Le théâtre se fait archéologue, fouille, déterre et met au jour les dangers venant d’un passé mal digéré.
Les morts sont aussi englués dans la catastrophe de l’Histoire que les vivants. Le théâtre est toujours la scène d’une hantologie, d’une science des fantômes, d’une évocation et d’une comparution des spectres.
Michel Deutsch
« Ce sont des pièces ou des textes dont mon cerveau, par exemple, ou ma tête serait l’unique théâtre. C’est dans le crâne qu’ils seront joués. Comment fait-on cela au théâtre ? C’est le noyau fondamental de la provocation théâtrale d’Artaud qui est à peine une théorie, et qui est devenue, seulement une méthode. Donc un théâtre de flux cérébraux et de nerfs crâniens. » Heiner Müller
Traduction de l’allemand Jean-Louis Besson, Jean Jourdheuil, Heinz Schwarzinger.
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)