Oblomov

du 9 au 25 janvier 2015
3 heures avec entracte

Oblomov

L'interprétation, non dénuée d'humour, de Guillaume Gallienne est magistrale
Une très belle adaptation du roman magnifique de Gontcharov qui résonne au plus profond de notre monde en mutation : le monde nouveau que rejette Oblomov n'est-il pas en train de devenir un siècle et demi plus tard notre propre ancien monde ? L'interprétation, non dénuée d'humour, de Guillaume Gallienne est magistrale.

Oblomov ou la paresse mélancolique
Un Oblomov onirique et contemplatif pour Volodia Serre

Extraits
Presse

  • Oblomov ou la paresse mélancolique

Propriétaire terrien installé à Saint-Pétersbourg, Oblomov passe ses journées dans son canapé, vêtu de sa robe de chambre, habité par une paresse proche de la léthargie. Tandis qu’il vient d’apprendre de son serviteur Zakhar qu’il doit libérer sous huit jours son logement et que ses revenus vont diminuer, il rêve d’Oblomovka, le village de son enfance. L’aristocrate oisif, touché par l’oblomovisme, terme qu’invente son ami Stolz pour définir son apathie, est brusquement réveillé par ce dernier qui le rappelle à la vie. Stolz tente de lui faire reprendre un quotidien normal, dynamique et optimiste. Il lui présente la jeune et belle Olga. Après lui avoir déclaré sa flamme, Oblomov prend conscience des souffrances futures de la passion et se rétracte. Il tombe alors dans les bras de sa propre logeuse, une veuve auprès de laquelle il reconstruit son idéal de vie, jusqu’à mourir en paix, en plein rêve... Olga ne reverra jamais Oblomov ; aujourd’hui mariée à Stolz, une tristesse pleine de mélancolie submerge son coeur, comblé d’amour.

Roman de moeurs, satire de la noblesse russe du xixe siècle, Oblomov offre une peinture de la Russie bientôt libérée du servage ; les séquences de songes – évocation de la vie patriarcale en province – donnant à voir un portrait idyllique de la vieille Russie. Antihéros par excellence, Oblomov est devenu un mythe littéraire universel, jusqu’à faire entrer son nom dans le langage courant pour définir, avec l’oblomovisme, une profonde paresse mêlée de mélancolie.

Dans son adaptation d'Oblomov pour la Comédie-Française, Volodia Serre veut préserver l'humour parfois féroce du roman pour mieux interroger la pertinence de notre modèle de développement : la croissance doit-elle être le moteur de notre civilisation ? Le recours d'Oblomov au rêve et à l’inertie ne nous invite-t-il pas à écouter autre chose que les tambours de la marche – forcée – du progrès ?

  • Un Oblomov onirique et contemplatif pour Volodia Serre

Le mythe d'Oblomov
Oblomov est pour moi une sorte de retour aux origines. Gontcharov décrit un monde « d'avant le malheur » pour reprendre l'expression de Firs dans La Cerisaie, les derniers instants de survivance d'un système, dont la fin bouleversera complètement l'organisation sociale du pays.

Oblomov est devenu un mythe en Russie très rapidement après la publication du roman, et le terme d'« oblomovisme », inventé par le personnage de Stolz, son meilleur ami et son meilleur ennemi, est entré dans le langage courant. Évitant de le définir pour ne pas le restreindre, trop souvent réduit à un état dépressif, léthargique ou aboulique - qui occulte par ailleurs son caractère comique - je parlerais d’une manière d’être au monde doublée d’une tendance indécrottable à la paresse. Au moment de la révolution, la rhétorique bolchevique en a fait un parasite qui suce le sang des paysans et des forces vives du pays et il est devenu l’emblème d'un système à éradiquer. La confrontation entre Oblomov et Stolz - symbole de l'homme nouveau - , met en scène cette opposition, historique, entre deux systèmes.

On assiste aujourd'hui, par un retour de l'histoire assez ironique, à une reconsidération de cette figure à laquelle se réfèrent de nombreux courants, convaincus de la fin imminente de la croissance, qui penchent vers la réinvention d’un monde moderne en harmonie avec l’environnement. Oblomov n'est certes pas un idéologue mais, qu'il ait été en avance ou en retard sur son temps, il pose des questions concrètes, pertinentes aujourd'hui. Comment réconcilier l'inconciliable ?

Les rêves
Le rêve est inhérent au positionnement social d'Oblomov. Refusant totalement le monde extérieur, il s'enferme chez lui, calfeutre ses fenêtres. Contrairement aux intérieurs très chargés de l'époque, la scénographie est réduite à l'essentiel, c'est-à-dire à la méridienne dont il ne se lève plus. Il ne reste que les traces de tous les meubles, miroirs, tableaux, qu'il a retirés pour ne laisser la place qu'à l'expression de ses rêves. Dans ce lieu qui semble inamovible, les murs vont se couvrir de ses images mentales, de ses souvenirs et de ses prémonitions... L’arrivée de Stolz provoque une rupture, il va littéralement pousser les murs, ouvrir des brèches.

Plus que du sommeil, la pièce parle du rêve, qui peut être autant éveillé qu'ensommeillé. Dans une confusion de la réalité, l'espace entier transpire de son imaginaire, les murs sont comme sa peau, des parois mentales sur lesquelles s'afficheraient ses fantasmes et ses souvenirs. Ce rêve est lié à la recherche d'un idéal qu'il plaque sur le souvenir d’Oblomovka, la maison de son enfance. C’est le « paradis perdu » des Trois Soeurs, expression de Gontcharov qui a certainement inspiré Tchekhov. Orphelin de ses parents et d'un monde tout à la fois géographique et social, il semble incapable de quitter l'enfance et d'accepter l'âge adulte. La dimension sacrée qu’il donne à Oblomovka tient aussi à l’impossibilité, pour lui, de bâtir un monde moderne en tournant le dos au passé.

Il y aura nécessairement des images de cette maison perdue au milieu de la campagne. Ce n’est pas le lieu en tant que tel qui est intéressant mais la ligne de fuite, ce mouvement vers l'impossible autour duquel le personnage concentre toute son énergie. Cela passe théâtralement par l’articulation des réveils successifs d’Oblomov, la souffrance inimaginable qu'on lui inflige quand on le force à s'extraire de son rêve. La tension progresse vers un état d'apesanteur, dans lequel l'eau est un élément central, comme une volonté de retour au sein du liquide amniotique. Le deuxième binôme de personnages en opposition dans la pièce joue ici un rôle moteur, Oblomov se dégageant d’Olga, qui représente la passion, au profit d'Agafia, la femme-mère. L'idéal étant de retourner, plus encore qu’au sein du ventre maternel, dans les limbes.

De l’inertie à la contemplation
J'ai construit ce spectacle en trois phases : l'homme couché, l'homme debout et l'homme flottant en m'appuyant sur un déséquilibre temporel qui existe dans le roman. En trois parties de durées quasiment équivalentes, on assiste d'abord à une journée de la vie d'Oblomov, puis à une période de plusieurs mois, où Stolz tente de le ramener à une vie « normale », pour parvenir à une séquence qui recouvre les dix dernières années de sa vie. Je tenais à retrouver théâtralement ce rapport au temps, sa démultiplication et sa compression, et cet état final de suspension, cette vie « flottante » - pour ne pas dire la mort.

Cela passe par des ellipses et une structure cyclique. L’espace se diffracte en plusieurs formes successives jusqu’à une sorte de retour à l'état initial, comme son verso. La théâtralité, sa facticité, sont désormais dénoncées, la cage de scène est à vue. Seule reste la méridienne telle un radeau flottant, sans plus aucune trace d'avant. Oblomov n'est désormais que dans la contemplation intérieure.

La collaboration d'André Markowicz pour cette nouvelle traduction a été essentielle. Il faut tout d'abord dire que son écriture a, au-delà d'un sens du dialogue très vivant, l'humour et la fantaisie indispensables pour ce texte. Car, si Oblomov est déchirant et bouleversant, il est aussi très drôle, malgré lui le plus souvent. Il forme d'ailleurs avec Zakhar un couple maître-valet digne des plus célèbres de la littérature, mais aussi très beckettien d'une certaine façon. Je pense d'autre part à certaines formulations sur lesquelles les acteurs ont pu achopper et qui se sont révélées être des matières de jeu insoupçonnées, parfois des sortes de gouffres métaphysiques. Toute la complexité est d'arriver à ménager ces instants de doute d'Oblomov. Ce même doute qui submerge soudain les personnages dans la scène vertigineuse avec laquelle j'ai choisi de clore le spectacle, où Oblomov continue, après sa mort, à travers Olga, et Stolz par effet de ricochet, à interroger le sens de la vie.

Ces phases correspondent à une progression très fragile tant les gouffres sont profonds. On s'identifie d'abord à Oblomov, puis à Stolz lorsqu'il tente de le « soigner » et qu'Oblomov essayant de rentrer dans le « droit chemin » va d'échec en échec. Le terme même d'échec pose question et, en adéquation avec Oblomov cette fois, la suractivité forcenée à laquelle Stolz le pousse apparaît vide de sens. Ce déplacement interroge nos propres réflexes de pensée, notre conditionnement par notre culture, l'époque dans laquelle on vit. Cela fait écho au personnage mystérieux dans Peer Gynt, le Grand Courbe, qui préconise de « faire le détour ». Oblomov fait ce détour, revient à la maison natale en se fabriquant un ersatz d'Oblomovka et parvient à une forme d'ascèse, à travers laquelle, d’une certaine manière, je pense qu'il s'accomplit. Son idéal étant la tranquillité - pour laquelle il proscrira d'ailleurs la passion Ŕ, il en vient à un dépouillement absolu. Si le but est simplement d'atteindre le bien-être, le calme et le repos, toute notre agitation à vivre n’en est-elle pas réduite à une gesticulation inutile ?

Volodia Serre, avril 2013

  • Extraits

OBLOMOV : Eh bien, quoi d’autre ?... C’est tout !... Les invités regagnent les pavillons, les chambres d’amis ; le lendemain, chacun mène sa vie : quelqu’un va à la pêche, l’autre à la chasse, un autre, enfin, reste, comme ça, sans rien faire…
STOLZ : Comme ça, sans rien dans les mains ? Et toute la vie pareil ?
OBLOMOV : Jusqu’aux cheveux blancs, jusqu’à la tombe. Ça, c’est la vie !
STOLZ : Non, ce n’est pas la vie.
OBLOMOV : Comment ce n’est pas la vie ? Et qu’est-ce que c’est, d’après toi ?
STOLZ : C’est… C’est… je ne sais pas… de l’oblomovisme.
OBLOMOV : De l’o-blo-mo-visme ?... O-blo-mo-visme… Mais où est-il, d’après toi, l’idéal de la vie ? Qu’est-ce qui n’est pas de l’oblomovisme ? Les gens ne cherchent-ils pas tous à atteindre ce à quoi je rêve ? Mais enfin, quoi, le but de toutes vos courses, de vos passions, de vos guerres, de vos commerces et de votre politique n’est-il pas de se construire le repos, n’est-ce donc pas un élan vers cet idéal du paradis perdu ?
STOLZ : Même l’utopie, chez toi, elle est oblomoviste.
OBLOMOV : Tout le monde cherche le repos et la tranquillité.
STOLZ : Non, pas tout le monde, et, toi-même, il y a dix ans, ce n’était pas ça que tu recherchais dans la vie.
OBLOMOV : Qu’est-ce donc que je recherchais ?
STOLZ : Où sont passés ces rêves de « servir la Russie, jusqu’à nos dernières forces, car la Russie a besoin de bras et de têtes pour faire fructifier ses inépuisables richesses » (je te cite). « La vie entière n’est que pensée et travail, un travail même anonyme et obscur, mais incessant, ŕ oui, mourir avec la conscience d’avoir accompli sa tâche. »

Oblomov, Ivan Alexandrovitch Gontcharov
traduction André Markowicz, adaptation théâtrale Volodia Serre

  • La presse

« Guillaume Gallienne, sociétaire sans doute le plus médiatique de la Comédie-Française, incarne avec génie et charisme, Oblomov, le grand personnage de Gontcharov. » Le Figaro

« L'Oblomov de Guillaume Gallienne, noyé dans sa robe de chambre trop grande, pelotonné sur son divan trop petit, perdu dans son appartement vide comme un radeau en pleine mer, nous mène vers des zones passionnantes. » Le Monde

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Sélection d’avis du public

Magnifique Par Nathalie L. - 19 janvier 2015 à 10h18

Un merveilleux voyage dans l'âme russe par une troupe du Français de grande qualité. Guillaume émouvant. Bravo et merci!

Fabuleux Guillaume Gallienne Le 18 janvier 2015 à 11h48

qui parvient, avec humour et authenticité, à nous faire aimer et prendre en pitié cet anti héros qui passe à côté de tout ce qui fait la vie !

Oblomov Par Sylvie T. - 15 janvier 2015 à 18h28

Génial et un immense bravo à Guillaume Gallienne

Obomov Le 14 janvier 2015 à 14h37

Très belle performance des acteurs dans une mise en scène de grande qualité: on est d'emblée et pendant 3 heures dans l'univers de Gontcharov

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Magnifique Par Nathalie L. (2 avis) - 19 janvier 2015 à 10h18

Un merveilleux voyage dans l'âme russe par une troupe du Français de grande qualité. Guillaume émouvant. Bravo et merci!

Fabuleux Guillaume Gallienne Le 18 janvier 2015 à 11h48

qui parvient, avec humour et authenticité, à nous faire aimer et prendre en pitié cet anti héros qui passe à côté de tout ce qui fait la vie !

Oblomov Par Sylvie T. (2 avis) - 15 janvier 2015 à 18h28

Génial et un immense bravo à Guillaume Gallienne

Obomov Le 14 janvier 2015 à 14h37

Très belle performance des acteurs dans une mise en scène de grande qualité: on est d'emblée et pendant 3 heures dans l'univers de Gontcharov

Comportement de Gualienne insupportable a nimes Le 14 décembre 2014 à 17h44

Pour avoir vu la pièce à Nîmes au théâtre, je conseillerai aux asmathiques ,tousseurs et personnes ayant un chat dans la gorge d éviter cette pièce car les légers toussotements du public dérangent la diva Gualienne qui a la différence de nombreux acteurs de théâtre ne supporte pas un bruit dans la salle et le fait savoir'. C est dommage pour la comédie française et pour la pièce qui est très bien

Informations pratiques

Vieux Colombier - Comédie-Française

21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Restaurant Salle climatisée Vestiaire
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  • Bus : Michel Debré à 23 m, Sèvres - Babylone à 189 m, Saint-Germain-des-Prés à 231 m, Musée du Luxembourg à 349 m
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Plan d’accès

Vieux Colombier - Comédie-Française
21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 25 janvier 2015

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