Pelléas et Mélisande

Paris 12e
du 28 février au 27 mars 2025
3h05 avec entracte

Pelléas et Mélisande

En 1892, Claude Debussy éprouve un coup de foudre littéraire pour la pièce de Maurice Maeterlinck, dans laquelle il trouve enfin le livret idéal pour la forme musicale qu’il ambitionne : un drame lyrique où les personnages chanteraient « comme des personnes naturelles ». Une œuvre fascinante sondée par Wajdi Mouawad qui signe sa deuxième mise en scène à l’Opéra national de Paris.

Spectacle en français, surtitré en français et en anglais.

  • Drame lyrique en cinq actes et douze tableaux (1902)

D’où vient Mélisande, qu’a-t-elle subi avant de se perdre dans la forêt d’Allemonde où la découvre Golaud, le petit-fils du roi Arkel ? Dans un univers mystérieux de grottes obscures et d’eaux dormantes, le drame se noue : Pelléas, le demi-frère de Golaud, et Mélisande tombent amoureux, suscitant la jalousie de Golaud qui a épousé la jeune fille.

En 1892, Claude Debussy éprouve un coup de foudre littéraire pour la pièce de Maurice Maeterlinck, dans laquelle il trouve enfin le livret idéal pour la forme musicale qu’il ambitionne : un drame lyrique où les personnages chanteraient « comme des personnes naturelles ». Dix ans plus tard est créé dans un parfum de scandale cet opéra novateur.

Une œuvre fascinante sondée par Wajdi Mouawad qui signe sa deuxième mise en scène à l’Opéra national de Paris.

Décors : Emmanuel Clolus
Costumes : Emmanuelle Thomas
Maquillage, coiffures : Cécile Kretschmar
Lumières : Éric Champoux
Vidéo : Stéphanie Jasmin
Dramaturgie : Charlotte Farcet
Chef des Chœurs : Alessandro Di Stefano

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

  • Note d'intention

C’est la déchéance d’un conte de fée. Déchéance d’un enchantement où, château, princesse et prince sont ensevelis sous le cambouis de l’esprit. Déchéance silencieuse comme l’effondrement d’une étoile. C’est un monde de vision trouble ; une myopie s’est abattue sur l’amour. Mélisande croise le regard de Pelléas et se reconnaissant l’un l’autre dans la part commune d’un invisible qu’ils ont en partage, ils se condamnent aussitôt à la mort. Car en ce domaine, depuis que le sang a coulé, et continue encore de couler, la violence de la réalité a tout englouti : paysages, bêtes, rochers et la possibilité d’un monde de poésie.

Pelléas et Mélisande, histoire d’amour éventrée car rôdent, ici et là, des loups autrement plus dangereux que les loups des contes : le raisonnable, la loi du plus fort, la violence du pouvoir, le mensonge et le désir de possession. Tel est le monde de Golaud pour qui le vocable « table » ne laissera voir rien d’autre qu’une table et le vocable « porte » rien d’autre qu’une porte et qu’importe que le même objet soit désigné autrement en d’autres langues, Golaud impose l’univoque. C’est l’œil du cyclope. Et celui qui n’a qu’un œil solitaire serti au milieu du front est englué dans une pénéplaine régie par les seules lois de la hauteur et de la largeur. Il est privé de perspective. Telle est la mauvaise fortune de Golaud : captif d’un point de vue inflexiblement central et mono-axial, il regarde le monde au singulier, impuissant à concevoir l’idée qu’il puisse y avoir plusieurs centres, plusieurs soleils, plusieurs clairières.

Mais pour Mélisande, comme pour Pelléas, ensanglantés déjà avant même de naître, tout est polyphonie. Table signifie aussi le souvenir, enfants, cachés entre les jambes des adultes à défaire et refaire un monde. Porte et s’ouvre mille et mille images bien plus riches, où toute une vie se fraie encore un chemin vers une liberté magnifique. Pelléas et Mélisande sont de ceux qui ont vu l’ange sans savoir que l’ange était ange. Ils ont l’œil multiple. Kaléidoscopique. Or c’est cette liberté du regard que notre monde condamne à chaque jour. Aveuglement. Aussi aveugles que le roi Arkel. Comme lui, nous condamnons cette liberté par une forme obscène d’une dictature de l’imaginaire.

Mais tout cela, il faudra à peine le montrer, davantage créer une hypnose, un interstice, espace même de poésie où la musique et les voix auront toute leur place. Le reste doit rester indicible, imperceptible, à peine montré, un espace offert ou le verbe voir se confond au verbe entendre. On appelle cela une entrée dans l’imaginaire, le reflet que l’on devine parfois au détour d’une clairière, sous la beauté de laquelle, gît pourtant, silencieux, la mémoire lointaine d’un effroyable charnier.

Wajdi Mouawad

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