La pièce
Déroulement
Idées
Notes de mise en scène
L'action se situe entre la fin de la nuit et l'aube, quelque part, dans un lieu condamné, un labyrinthe sans issue, au cœur d'un château abandonné…
Deux personnages, X et Y se rencontrent, se parlent, se livrent, se mentent, se manipulent et nous manipulent.
Sous la forme d'un jeu de cache-cache plein de rebondissements et de retournements de situations, nous sommes plongés au cœur d'une tragi-comédie, piquante, drôle et inquiétante.
Petit à petit, nous perdons tous nos repères. Qui est X ? Un ange, Adam, le Diable ? Qui est Y ? Un fantôme, Eve, Dieu ?
Véritable jeu d'échec verbal, sur le thème de la naissance du libre arbitre, l'auteur nous emporte dans un tourbillon de jeu de mots, d'effets de style, de lyrisme, de drame, et de bouffonnerie.
Tout commence par une rencontre entre deux individus : X et Y. Qui sont-ils ?
Suite à une chute, Y est devenu transparent et amnésique. Pourtant X le distingue parfaitement ce qui irrite profondément Y. L'histoire semble ne pas pouvoir se nouer.
Une discussion s'en suit, enlevée, presque surréaliste, qui permettra finalement aux deux protagonistes de découvrir qu'ils souffrent du même mal : la transparence, et que leur rencontre n'est pas due au hasard. X se prénomme Adam, et Y, Eve.
Ainsi devrait débuter la Vraie histoire, celle écrite dans la Bible. Mais Adam découvre une Eve sans souvenir, qui ne sait plus ce qu'est l'amour, la connaissance, le pêché, ni même ce que sont un homme et une femme.
A ce stade de l'Histoire, Eve n'a pas encore croqué la pomme et nos deux héros sont coincés entre deux mondes, égarés, loin du paradis originel et pas encore dans le monde des hommes. Eve ne veut toujours pas croquer la pomme , l'histoire se dérègle, Adam s'impatiente, tente de la convaincre, de la presser, il s'énerve, il l'agace…
Ce que le Livre ne dit pas, c'est qu'ici, Adam n'est pas celui que l'on croit. Le Diable en personne a usurpé l' identité d'Adam afin d'amener Eve vers la tentation. Mais elle est coriace et contraint le Diable, misérable ange déchu du Paradis, à se dévoiler.
Il ne manquait plus que la présence de Dieu dans ce formidable imbroglio… Un coup de fil opportun suivi d'un brusque retournement de situation révèle la véritable identité d'Eve, qui n'est pas non plus celle qu'elle prétend être... C'est Dieu lui-même, fatigué des manigances de Lucifer qui est venu le prendre en flagrant délit de corruption d'âme.
Tentatives grotesques et pitoyables pour se faire pardonner, dramatique mea culpa, rien n'y fait. Dieu renvoie le Diable, et la rupture de contrat est sans appel.
Finalement, la machine s'emmêle, les pouvoirs de Dieu autant que ceux du Diable se révèlent factices et sans effets… Sont-ils deux imposteurs ? Avons-nous été trompés une fois encore ?
Mais alors qui sont-ils ? X-Y, Adam et Eve, Diable et Dieu… Négatif et positif … Destruction et création…
Ne sont-ils pas simplement les premiers représentants de ce qui deviendra l'éternel et légendaire combat entre le bien et le mal : le libre arbitre ?
Eve va-t-elle finalement croquer la pomme ?
L'Histoire, la Vraie va t-elle enfin commencer ?
J'ai souhaité en écrivant cette pièce, aborder certains thèmes qui me touchent particulièrement et qui soulèvent en moi de véritables interrogations :
le droit à la parole, le choix, la spiritualité.
Je me suis alors imaginé la mise en place du bien et du mal. J'ai ainsi concrétisé la naissance du libre arbitre, en Eve, à travers la rencontre de deux personnages.
D'un point de vue formel, je tenais à faire un texte dynamique, stylisé, riche en échanges, partie de ping-pong basé sur l'humour, et le jeu de mots. Ce texte est un dialogue, une histoire à rebondissements multiples, une version vaudevillesque du Grand Commencement.
J'ai orienté mon travail sur l'identité et l'usurpation d'identité, le masculin et le féminin. Qui sont ces personnages ? Se jouent-ils de nous ou ne savent-ils pas eux-mêmes qui ils sont et ce qu'ils font là ?
X-Y, le féminin et le masculin, Adam et Eve, Dieu et le Diable sont le reflet de l'ambivalence de l'être humain et de cette lutte constante avec lui-même .
Combat permanent pour se comprendre, se connaître, savoir ce que l'on accepte, ce que l'on refuse, et pourquoi.
Et puis il y a le monde, le groupe et ses règles, les codes, les modes de vie, le bien parler, le bien penser, les convenances. Nous sommes tentés de nous conformer et d'être comme tout le monde. Il faut du courage pour dire non, pour suivre sa propre route, pour croquer la pomme et risquer l'aventure, risquer d'apprendre à ses dépens, de se blesser et de souffrir, seul contre presque tous.
C'est cette fêlure qui m'intéresse et me touche.
Mes personnages souffrent d'être transparents au monde, de ne pas exister. Anonymat, manque de communication et finalement au premier contact c'est la peur de l'autre qui prévaut.
Ici le Diable n'est pas le Diable au sens religieux du terme, il est celui qui souffre d'être le seul à avoir dit non, d'être rejeté. Dieu est le tout-puissant, il représente l'ordre et la morale, pourtant il est aussi fourbe que le Diable et use des mêmes stratagèmes.
Ici personne n'est bon ou mauvais, ce qui compte c'est la lutte, toujours cette lutte qui nous tient en vie et qui nous permet de ne jamais nous laisser aller à la facilité. Cette lutte qui est animée par notre pulsion de vie.
Eve a croqué la pomme, ce n'est pas le Mal qui a gagné, c'est la vie.
Marc Salon
"Prenez et mangez en douce" est le dialogue hors du temps, hors des normes, de deux êtres qui constituent à eux seuls l'être humain. Sortis tous droit de l'imaginaire de l'auteur, ils concrétisent une certaine idée du libre arbitre. Ils sont le choix, les deux pôles qui régissent notre monde.
Concrétiser chacun des personnages, leur inventer une réalité à travers des notions palpables.
Ainsi, le décor rappelle celui d'un château abandonné, comme mis en quarantaine, suspendu dans le temps. Un peu à la façon d'un grenier, où les souvenirs, enfouis au fond d'une vieille malle peuvent ressurgir. La malle, le Mal, le mâle…
Une malle donc, et puis des livres, pour le Livre de la Connaissance, des téléphones, pour le dialogue, le contact direct avec l'au-delà, et puis un vieux tonneau qui roule comme le monde et renferme l'Eau de Vie. Jeux de mots du texte qui trouvent leur résonance dans le décor.
Deux chaises semblables, aux allures de pions, vieux cuir et bois, reposent sur un sol en échiquier. Et la partie commence. L'aspect terrestre et matériel est planté.
De chaque côté et en fond de scène, des pendrillons de gaze blanches, nous évoquent l'Ether.
La lumière restera progressive et discrète, parfois plus lueur qu'éclairage, tour à tour rouge chaleureuse puis bleue froide, accompagnant ainsi le développement de la pièce.
Par un effet sonore de vent, puis une composition au piano, je recrée une atmosphère mystérieuse, à la façon d'un conte gothique. Dans ce cadre, que le spectateur croit reconnaître, je peux alors introduire mes personnages, tels deux pions égarés sur un échiquier géant.
Y, est le côté positif, aérien, "éthérique", souffre de transparence puis se révèle être Eve, donc une femme, la Femme, puis prétend être Dieu lui-même.
Au contraire X, est le pôle négatif, la matière, la terre, l'Ange déchu, Satan lui-même. Ainsi pour créer leur costumes, Daïsuke Shoji, styliste japonais, est parti de l'essence même des personnages, et de leur symbolique. Ils portent ce qu'ils sont. Je souhaitais éloigner toutes notions anecdotiques de styles et d'époques. Ma collaboration avec Daïsuke va directement dans ce sens.
Autant le décor est concret et s'inscrit dans des repères humains, autant les personnages apparaissent comme des fantômes sortis d'un imaginaire où l'absurde frôle l'inconcevable.
Le spectateur est invité à ouvrir un coffret, où l'inconscient est la mélodie et la boîte à musique, sa propre boîte crânienne.
Le jouet est ouvert, le jeu démarre.
Silvia Gaillard
20, rue Marie-Anne Colombier 93170 Bagnolet
Voiture A3 ou périphérique, sortie Porte de Bagnolet. Direction Centre Ville par la rue Sadi-Carnot puis prendre à gauche avant l’église, rue Marie-Anne Colombier.